Audrey Guidez, France Télévisions : « L’apport de l’IA constituera une force pour le métier de DRH »

Comment percevez-vous l’adoption de l’usage IA par la fonction RH dans les organisations ?

L’échelle d’adoption de l’IA est variable en fonction des entreprises de manière globale et, au niveau de la fonction RH, nous pourrions parler d’une sensibilisation aux enjeux et aux usages de l’IA.

Selon l’enquête « ANDRH Actualité sociale : les DRH ont la parole » réalisée auprès des membres de l’association et publiée en octobre 2024,

• 35 % indiquent que l’implémentation de l’intelligence artificielle dans leur structure est un projet ;
• 8 % ont mis en place des formations à l’IA pour tous ;
• 15 % ont mis en place des formations à l’IA pour certains métiers ;
• 6 % ont mis en place une charte pour cadrer l’utilisation de l’IA.

La fonction RH va s’emparer de ce sujet en se calant sur le rythme d’acculturation de l’entreprise. Nous voyons déjà le potentiel de l’IA dans le recrutement, la GEPC (devenue GEPP) et l’analyse prédictive pour planifier les activités des équipes.

Tous les pré-requis sont-ils réunis pour faciliter une adoption rapide par les DRH ?

Toutes les entreprises ne sont pas entrées dans cette démarche globale d’exploitation, qui nécessite au préalable de disposer d’un cadre d’exploitation fiable avec un SIRH performant et des données RH fiables à exploiter.

Il est nécessaire de structurer l’approche avec des dimensions de pilotage et de coordination car la mise en œuvre de l’IA est co-partagée mais nous observons davantage de déploiement en silo.

Je suis persuadé que l’apport de l’IA constituera une force pour notre métier. Nous savons que l’IA peut nous faire gagner du temps sur des tâches RH administratives et redondantes. Ce qui nous permettra de libérer du temps pour se consacrer davantage à l’humain et de renforcer le cœur de notre métier.

Les tâches administratives représentent 40 à 45 % de notre temps de travail. Avec une IA performante, nous pourrions réduire ce temps de travail consacré à ce volet fastidieux de gestion RH à 15 à 20 %.

Mais il ne faut pas griller les étapes : nous en sommes au stade de la compréhension et de l’acculturation de l’IA. Il est essentiel de déterminer les usages les plus pertinents pour un DRH et de collaborer avec la DSI pour l’implémentation de ces outils.

Ce sont des projets qui doivent aussi nourrir le dialogue social à travers une charte d’usage de l’IA ou un accord d’entreprise car ils impactent la manière de travailler des collaborateurs.

Du côté de la DRH de France Télévisions, quels outils ou usages IA avez-vous déployé ?

L’organisation RH est différente en fonction des activités du groupe. Ainsi, il existe des directions RH par activités au sein du siège social et des directions RH régionales pour France 3.

Nous exploitons un SIRH développé en interne, sur lequel nous avons récemment associé un module SAP SuccessFactors pour la gestion des recrutements.

• Nous avons réalisé des ateliers de sensibilisation et de la formation à l’IA pour les équipes RH.
• Nous avons aussi mis à disposition de tous les collaborateurs du groupe un chatbot RH nourris par IA qui permet de poser les questions aux DRH auxquels ils sont rattachés.
  • Ce chatbot, également développé en interne, existait déjà avant l’essor de l’IA générative mais nous avons fait évoluer l’outil pour le rendre plus performant. Tout collaborateur qui se connecte à son interface d’environnement de travail depuis un ordinateur peut y accéder. Il a été conçu pour répondre aux demandes d’information générale de premier niveau.
  • L’usage du chatbot RH est en douce progression même si l’usage du téléphone ou de mail reste le premier réflexe pour entrer directement en contact avec nous.

Nous avons installé l’assistant IA Microsoft Copilot sur les postes de travail pour développer l’usage de l’IA générative.

Avec le progrès technologique qui s’accélère, on parle de l’émergence d’agent IA aux capacités d’autonomie plus développées. En tant que DRH, pensez-vous déjà à cette prochaine étape de déploiement ?

Il faut prendre du recul avec les révolutions technologiques. Si les agents IA sont opérationnels, il existe un temps d’adoption plus lent pour ne pas perturber le fonctionnement des entreprises.

Dans cette course de vitesse technologique, la rapidité peut aussi inquiéter les collaborateurs.

Nous devons prendre le temps d’expliquer les démarches de transformation et de rassurer les collaborateurs qui ont peur de perdre leur job.