CPF : « quelle est la part de l’effet d’annonce ? »
Le | Droit de la formation
Apparue à l’occasion de la Loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, la notion de « blocs de compétences », n’est pas nouvelle pour Skill & You, qui en fait l’un de ses préceptes pour industrialiser la création de formations. Le spécialiste de la formation à distance s’inquiète davantage de la mise en place des indicateurs de qualité, comme l’explique Gaëlle Féchant-Garnier, directrice pédagogique de Skill & You
Pouvez-vous présenter Skill & You ?
Depuis l’été 2016, Skill & You est le nouveau nom du GIE Forma-Dis. Le groupe, qui dénombre 800 salariés, est un acteur majeur de la formation à distance : il regroupe 13 écoles spécialisées dont Le Cours Servais et L’Ecole chez Soi, créés dès 1891. L’ADN de Skill & You est de proposer des formations sur des métiers en tension, notamment dans les domaines du web, des services à la personne, de la vente, de la cuisine, de l’artisanat… Nous sommes convaincus que la formation est l’antichambre de l’emploi et oeuvrons donc à favoriser l’employabilité de nos stagiaires. Nous dispensons plus de 200 formations professionnelles dont la majorité prépare à des diplômes d’Etat comme le CAP, le Bac Pro et le BTS. En 2018, nous avons accompagné plus de 100 000 apprenants.
Quel regard portez-vous sur la réforme de la formation professionnelle ?
La réforme met l’accent sur le découpage des formations en blocs de compétences, qui consiste à découper chaque certification professionnelle en activité métier. Cette approche offre l’avantage de scinder les parcours de formation. Elle est plus flexible pour les personnes initiant une reconversion professionnelle. Elle leur permet d’aller droit au but, c’est-à-dire de se former uniquement aux compétences métiers qui leur manquent. Ce système favorise les passerelles entre les certifications et offre ainsi des parcours plus personnalisés aux apprenants. Cela représente beaucoup de travail pour les organismes de formation, qui doivent revoir l’ingénierie pédagogique de leur parcours. Chez Skill & You, nous soutenons cette approche depuis 2016. Toutes nos formations diplômantes sont déclinées en formations métiers. Lorsque nous lançons un CAP, son contenu pédagogique fait l’objet d’une réingénierie et est découpé en blocs de compétences. Avoir des contenus malléables est, pour nous, l’opportunité d’industrialiser notre processus de création de formations.
Sur quel sujet la réforme de la formation vous challenge-t-elle ?
La réforme de la formation nous challenge sur la mise en place des indicateurs de qualité. Cela nous oblige à formaliser nos processus dans le détail. La notion d’accompagnement tutorale est très présente dans nos écoles. Avec la réforme, nous devons expliquer la manière dont nous recrutons et formons nos tuteurs, préciser leur parcours, décrire nos actions de suivi avec nos élèves… C’est un travail important mais il est intéressant car il nous donne l’opportunité de nous pencher sur nos méthodes de travail. Cette exigence nous tire donc vers le haut, même si elle suppose un gros investissement de notre part, sur un laps de temps très court.
Comment accueillez-vous le CPF ?
Nous avons un regard attentiste vis-à-vis du CPF, d’autant plus que la majorité de nos formations sont financées par nos apprenants. Nous ignorons encore la part de l’effet d’annonce de celle de l’efficacité du dispositif. Le CPF est présenté comme un moyen de responsabiliser les salariés sur leur employabilité, sur leur progression dans l’entreprise. Mais, qui va le guider dans son choix de formation ? Cette question reste en suspens. Pourtant, l’offre de formation est pléthorique et un non-initié ne peut pas s’y retrouver. Les entreprises vont devoir concevoir beaucoup d’opérations de communication en interne pour éviter que leurs salariés choisissent des formations par défaut. Je crains que cette initiative aboutisse sur un sentiment de déception côté salariés.
Aurélie Tachot