Formation

Tribune : Compte personnel de formation : une ombre au tableau

Le | Droit de la formation

Mesure phare de la réforme de la formation professionnelle - dont le projet de loi sera examiné à l’assemblée le 5 février prochain - le compte personnel de formation (CPF) est voué à remplacer le DIF. Ce dispositif est assurément une belle avancée pour autonomiser les individus dans leurs choix de formation. Subsistent toutefois quelques incertitudes

Tribune : Compte personnel de formation : une ombre au tableau - © D.R.
Tribune : Compte personnel de formation : une ombre au tableau - © D.R.



Pour faire simple, le CPF correspond à un crédit de 150 heures formation sur 7 à 9 ans dont pourront potentiellement avoir droit les18 millions de salariés français, dès janvier 2015. Une dotation financière assez importante, de l’ordre de 700 M€, sera d’ailleurs débloquée pour financer cette ambitieuse mesure. Contrairement au DIF, ce dispositif ne dépend plus systématiquement d’une négociation entre employés et employeurs : le collaborateur seul fera le choix du contenu des formations dont il souhaite bénéficier, lorsqu’il les suivra hors de son temps de travail, et même pour certaines d’entre elles sur son temps de travail.

Le CPF : une bonne nouvelle…

Les partenaires sociaux craignent sans doute d’être victimes du succès de cette nouvelle mesure. Car pour éviter que le CPF soit utilisé pour « consommer » des formations non justifiées ou sans intérêt apparent pour les salariés, seuls les contenus correspondants à des objectifs définis par la loi pourront être éligibles. Nous redoutions au départ que ce cadre soit trop restrictif et ferme la porte à de nombreux programmes jusque-là financés par le DIF. Il est finalement plutôt large, puisque les députés ont fait le choix d’intégrer au CPF toutes les formations relevant du « socle de compétences et de connaissances » défini en 2009 autour de 4 piliers : les savoirs de base - lire, écrire, compter, s’exprimer -, les langues étrangères, la bureautique et l’informatique et « la capacité à travailler collectivement ». Une bonne nouvelle pour les salariés, puisqu’ils auront la garantie de pouvoir se former comme ils l’entendent, indépendamment des intérêts spécifiques de leur entreprise. En somme, c’est une victoire pour le droit d’initiative des individus.

…sauf pour les formations de développement de la personne


Le futur compte personnel de formation semble toutefois exclure de fait les contenus qui relèvent du champ de la relation interpersonnelle. Gestion du stress, des conflits ou de la relation client par exemple, sauf à considérer qu’elles relèvent de la capacité à travailler collectivement. Des programmes qui pourtant ont le vent en poupe auprès des employés. En entreprise, nous constatons en effet que les collaborateurs expriment des difficultés croissantes pour gérer leurs relations de travail. Des managers qui ne veulent plus manager, des salariés démunis face au comportement de leurs collègues ou de leurs clients… Bref, les besoins de formation sur ces domaines n’ont jamais été aussi forts. Or, ces thématiques, certes non diplômantes et non certifiantes, ne rentrent pas dans les cases imposées par le socle légal. C’est le véritable angle mort du CPF. Seules les entreprises pourront dorénavant financer ces formations, hors du cadre du CPF. Mais sauront-elles entendre ces demandes, qui prennent parfois des allures de SOS et les relayer dans leurs plans de formations ?

Jean-Pierre Willems - Consultant Demos, expert en droit de la formation

A propos de l’auteur : Consultant depuis 1987 dans le domaine des Ressources Humaines. Expert en droit de la formation. Anime chez Demos les programmes de professionnalisation des Responsables Formation et membres des services formation depuis 20 ans. Auteur d’ouvrages sur la formation professionnelle en France et en Europe.

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