Tribune - Demain… et si nous étions tous un peu auto-entrepreneurs ?
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Quand fin août dernier le ministre des Finances démissionne, le journal Libération titre joliment en « une » le lendemain : « Macron, l’auto-entrepreneur », jouant bien sûr avec l’idée qu’Emmanuel Macron vient de se mettre politiquement « à son compte ». Mais, au passage, il contribue aussi à populariser cette expression somme toute récente, comme à vulgariser l’idée que chacun va peut-être désormais devoir « rouler pour lui »
Car le monde change en effet, et le rapport au salariat aussi. Dans l’ancien modèle, c’était l’organisation qui portait l’employabilité du salarié. C’était elle qui - pour l’essentiel et le plus souvent - décidait de ce que le salarié allait faire, de comment il allait évoluer, assurait sa formation et garantissait sa sécurité sur la durée. Dans le modèle qui se dessine peu à peu, c’est le salarié au contraire qui va porter la responsabilité de sa propre employabilité durable, au fil de contrats successifs ou parallèles, précaires ou non, et de formations, ponctuelles ou qualifiantes. Même encore salarié, il sera donc l’entrepreneur plus actif de sa propre carrière. Auto-entrepreneur ainsi, en quelque sorte, et quel que soit son statut…
- L’inconvénient ? Moins de sécurité, de certitudes, de stabilité, de confort, de prise en charge, de visibilité…
- L’avantage ? Plus d’ouverture, de liberté, d’autonomie, de champ d’action, de place pour ses propres envies.
Car le changement de modèle - contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire - n’est pas seulement l’expression de la dureté des temps, de la volatilité des organisations et de la précarisation des positions. Il est aussi l’expression d’une maturité globale plus grande des individus, d’une capacité plus répandue à s’assumer de façon autonome, d’une envie de liberté et d’une soif de réalisation personnelle plus fortes. Que la réforme récente de la formation exprime et encourage en faisant du CPF un compte personnel de formation, à la main du salarié sur toute la durée de sa carrière, et non plus de ses employeurs successifs. Comme en témoigne aussi - sur un autre plan -l’appétence incontestable de jeunes très bien diplômés pour des start-ups aux devenirs incertains plutôt que pour des groupes établis aux voies sans doute trop bien tracées.
Qu’on le veuille ou non, l’avenir sera donc certainement à « l’auto-entreprise », quelle que soit la forme qu’elle prenne pour chacun, les statuts qu’elle endosse, les organisations qu’elle tangente. Et il nous appartient donc - où que nous soyons aujourd’hui - d’en mesurer les enjeux et d’en assumer les conséquences. Salarié ? A chacun de se prendre en main, de ne pas attendre de l’organisation ce qu’elle ne peut pas donner, de reconnaître et d’incarner le meilleur de ce qu’il porte, de prendre la responsabilité de se former régulièrement… RH ? Aux équipes dédiées de personnaliser les perspectives de chacun, et d’imaginer des manières neuves de concilier motivations des uns et besoins opérationnels des autres… Dirigeant ? A chacun de nous de parier sur la capacité d’entreprise de nos collaborateurs plutôt que sur leur soumission, d’offrir à tous des opportunités de progrès plutôt que des vassalités seulement aux meilleurs.
Dans la fameuse pyramide de Maslow, on le sait bien, passer ainsi en effet de la seule satisfaction de besoins de sécurité à celle aussi d’un besoin d’accomplissement de soi représente a priori un progrès considérable, si ce n’est le progrès par excellence. A nous de veiller seulement - chacun à son niveau - à ce que libération rime bien ici avec satisfaction, expression, innovation ou coopération… et pas seulement avec exploitation ou paupérisation.
Nadia Nardonnet - Directrice Générale - PerformanSe