Outils de GPEC et de gestion des talents : où en est-on ?
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Obligation légale depuis 2005, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences fait tranquillement son chemin dans le monde de l’entreprise. Pas toujours simple à mettre en place, elle suggère réflexion, anticipation mais aussi communication. Pour soutenir cette vaste démarche, de nombreux outils de gestion des talents existent sur le marché. Quelles sont leurs spécificités ? Comment s’adaptent-ils aux attentes des entreprises ? Vers quoi tend le marché en ce début 2013 ?
1 - Logiciels GPEC : les acteurs en présence
En l’espace d’un an, le marché des éditeurs de gestion des talents tend à se stabiliser après une vague importante de rachats et d’acquisitions. Autrement dit, les éditeurs se concentrent aujourd’hui sur l’évolution de leurs fonctionnalités. Car en face, les entreprises commencent à savoir ce qu’elles veulent.
Même si deux grandes écoles coexistent encore sur le marché du SIRH (ERP et SaaS), la gestion des talents est un secteur largement dominé par les logiciels en mode SaaS. Passé ce constat, différentes études font état de la prédominance des grands éditeurs. Dans une version internationale, l’étude réalisée par le cabinet Bersin sur le marché de la gestion des talents classe Oracle et SAP largement en tête. Les acquisitions récentes de Taleo pour le premier et de SuccessFactors pour le deuxième jouent évidemment un rôle essentiel dans ce classement. Autre enseignement : la moitié du marché est représenté par une multitude de petits acteurs souvent locaux.
Signe de l’engouement des entreprises pour la gestion des compétences, le marché a connu une croissance d’environ 20 % en 2012 et atteint les 4 milliards de dollars. Un taux à relativiser tout de même au regard de la crise en Europe qui a impacté les projets d’équipement autour de la gestion du recrutement, sans porter préjudice aux autres volets de la GPEC (gestions de la formation et de la performance, plans de carrière…).
Les éditeurs français en bonne place
Sur le marché français justement, le benchmark SIRH organisé en 2011 par le cabinet Danae Conseil vient confirmer la présence importante des grands éditeurs. En tête de ce classement des outils de GPEC privilégiés par les entreprises, on retrouvait une nouvelle fois SAP mais aussi HR Access. En bonne position également, quelques éditeurs français comme Talentsoft et Foederis. Deux ans plus tard, d’autres acteurs sortent leur épingle du jeu comme Cornerstone OnDemand, Lumesse, Technomedia ou encore SilkRoad.Les forces des éditeurs sont de tous ordres. Il peut être intéressant de se doter d’une solution qui s’intégrera parfaitement dans une suite RH déjà en fonctionnement et d’opter en conséquence pour les éditeurs généralistes. Mais d’autres choix peuvent se révéler judicieux en fonction des objectifs fixés dans la GPEC.
« Foederis vient de la formation, Lumesse Stepstone du recrutement, Talentsoft et Technomedia de la gestion des talents, SuccessFactors de la gestion des performances », précise Gérard Pietrement, fondateur de Danae Conseil. Et quand certains éditeurs regardent davantage vers les grands comptes comme SAP et Oracle, d’autres tentent de s’adresser à des entreprises de moindre importance comme OpenPortal, Neeva et Training Orchestra.
Un concept relativement jeune
A mesure que les entreprises françaises mûrissent leur réflexion autour de la GPEC, leurs demandes auprès des éditeurs devraient se préciser. Le marché n’est donc pas prêt de s’essouffler. « La gestion des talents est une notion largement en chemin. La plupart des entreprises ont aujourd’hui fait le pas mais on reste encore dans des domaines encore relativement jeunes », signale Yann Guezennec, président du groupe Altays.
2 - Outils de GPEC : qu’en attendent les entreprises ?
Avec un taux d’équipement de 46 % en 2011* en solutions de gestion des talents, les grandes entreprises françaises cherchent encore la bonne formule en terme de GPEC. Mais de plus en plus matures, elles orientent aujourd’hui mieux leurs choix tandis que les PME commencent tranquillement à s’y mettre.
Quelles fonctionnalités privilégient-elles ?
Signe du contexte économique actuel, les entreprises françaises se concentrent sur leurs ressources internes. En termes de GPEC, cela se traduit par la volonté d’une meilleure gestion des compétences. « La gestion de la mobilité interne est un élément extrêmement porteur en ce moment », signale Yann Guezennec, président du groupe Altays. Certaines questions demeurent essentielles : comment réussir à faire coïncider la demande et l’offre de compétences ? quels outils utiliser pour mettre en avant les opportunités de carrière dans un groupe ?
Le cas d’ArcelorMittal Construction
Pour ArcelorMittal Construction, il s’agissait de répondre à la problématique des variations d’activité. Dans son processus de GPEC, le groupe s’est attaché à instaurer davantage de polyvalence dans les compétences. Pour y arriver, il s’est doté de la solution de planification pensée par Aragon-eRH. Cette dernière permet d’associer rapidement les besoins de compétences sur un site avec les formations à prioriser et les évolutions de poste qui en découlent. Autre enjeu de la GPEC au sein du groupe : l’anticipation des départs en retraite. La solution implémentée par Aragon permet donc de prévoir la succession sur les postes de travail par l’intermédiaire d’une projection triennale des départs en retraite et de mettre en place les programmes de formation nécessaires.
L’outil en soutien
Plus généralement, les entreprises qui se dotent d’outils de gestion des talents recherchent une solution capable de s’adapter aux objectifs fixés dans la GPEC. L’outil vient soutenir la démarche, que ce soit pour piloter les entretiens individuels ou faciliter la mobilité des salariés par l’installation d’un job-board interne. En 2011 lorsque le cabinet Danae a organisé son benchmark, la moitié des grandes entreprises déclaraient être dotées d’un équipement de gestion des talents, sans pour autant utiliser toutes les fonctionnalités. Elles privilégiaient alors la gestion des entretiens individuels (78 %) et le référentiel des compétences (53 %) alors que les plans de carrières (28 %) et les plans de succession (26 %) arrivaient en bout de liste. Deux ans plus tard, les démarches de GPEC sont plus abouties et les entreprises complètent leur carnet de fonctionnalités.
Au tour des PME
Ce qui n’est pas forcément encore le cas des PME. « Pour elles, la GPEC est une terminologie perçue comme barbare. Or, elles en font déjà sans le savoir », fait remarquer Vanessa Plazanet, manager au cabinet Convictions RH. Les outils s’apparentent encore aux tableaux Excel et aux fichiers Word. De quoi donner des idées à certains éditeurs, comme Cegid. Déjà bien placé auprès des PME avec ses solutions de gestion de la paie, l’éditeur français a développé une offre de gestion des talents à destination des grandes comme des petites entreprises. « Les DRH se sont convertis aux apports des nouvelles technologies sur les sujets de la GPEC, et ce, quelle que soit la taille des entreprises », avance Nicolas Michel Vernet, directeur de l’activité SIRH chez Cegid, par voie de communiqué. Les éditeurs s’essaient donc auprès d’une cible pas forcément à l’aise avec la GPEC. « Globalement, elles n’ont pas le temps de la développer et ne savent pas comment », précise Vanessa Plazanet. Pourtant, l’idée fait son chemin, notamment par l’intermédiaire du Fafiec qui finance des actions de conseil RH permettant aux PME de se sensibiliser à la GPEC.* Résultat du benchmark SIRH organisé par le cabinet Danae Conseil en 2011.
3 - 5 conseils pour réussir son implémentation
Disposer du bon outil est loin de suffire dans une démarche de GPEC. La réflexion menée en amont par l’entreprise se révèle primordiale. Il faut penser stratégie, ressources, besoins, objectifs… Autant de points à clarifier pour que l’implémentation se passe sans heurt.
1. Anticiper avant tout
C’est l’un des impératifs de la GPEC. Pouvoir déterminer la stratégie de l’entreprise en termes d’emploi et de compétences dans les trois années à venir, voire au-delà. Cela implique une bonne dose de réflexion et de la préparation. D’abord d’un point de vue stratégique avec un diagnostic de la situation (départs en retraite, mobilité, métiers sensibles, compétences vitales/obsolètes…). Cet état des lieux permettra de travailler sur un ensemble de documents essentiels comme la cartographie des métiers et le référentiel de compétences. Et de déterminer les objectifs à atteindre.
2. Impliquer l’ensemble des acteurs
Dirigeants, managers, partenaires sociaux et employés devront être mobilisés autour de la démarche GPEC. Pour obtenir l’aval de l’ensemble de l’entreprise, il pourra être utile de désigner des « sponsors ». « Ce sont des gens convaincus et motivés pour mettre en place l’outil dans leur département. Cela peut être le président, le directeur général, le DRH mais aussi le directeur commercial », précise Gérard Pietrement, fondateur du cabinet Danae Conseil.
3. Ne pas négliger la conduite du changement
De même que l’ensemble des acteurs doivent être sollicités, il est important de ne pas négliger la notion de conduite du changement pour que l’outil soit accepté par tous les salariés. « Cela nécessite beaucoup de communication, de fluidité et de transparence par rapport aux objectifs d’implémentation de ces outils », considère Annabelle Girault, consultante chez Danae Conseil.
4. Se fixer des objectifs atteignables
Les solutions implémentées devront être capables de soutenir les actions à mener et d’aider à l’atteinte des objectifs. Ces derniers peuvent être multiples : faciliter la tenue des entretiens annuels d’évaluation, clarifier les dispositifs de formation, dynamiser la mobilité professionnelle… Attention toutefois à ne pas viser trop haut. Les objectifs doivent être raisonnables pour que la GPEC soit réussie.
5. Débuter par la simplicité
Il ne faut jamais perdre de vue que la GPEC est une démarche complexe qui s’insère dans de nombreux aspects de l’entreprise. D’où l’importance au début de ne pas se lancer dans des référentiels trop spécifiques. Les outils implémentés se révéleront obsolètes si l’utilisation devient chronophage et fastidieuse. Par exemple, « un client comme la RATP s’est concentré pour démarrer sur 14 profils clés et leurs compétences associées, profils clés qui seront enrichis au fur et à mesure de l’utilisation et du déploiement de Technomedia », rapporte Christophe Bergeon, directeur général EMEA de l’éditeur canadien. Simplicité des critères donc, mais aussi simplicité des outils. Ainsi, l’ergonomie tient-elle également une grande part dans la réussite de tels projets.
4 - Outils de GPEC : les dernières tendances
En 2012, les tendances en matière de GPEC tournaient beaucoup autour des réseaux sociaux, du reporting et de l’adaptation aux spécificités culturelles. Qu’en est-il en ce début 2013 ? Quelles évolutions apparaissent essentielles chez les éditeurs et les entreprises ?
L’adaptabilité à tous les niveaux
Souvent mise en place dans des grands groupes d’envergure internationale, la gestion des talents doit être supportée par des outils respectant les spécificités culturelles des différents pays dans laquelle elle est mise en place. Les éditeurs l’ont bien compris. Mais dans le même ordre idée, les logiciels de GPEC doivent s’adapter aux spécificités métiers et aux contraintes juridiques qui s’y rapportent. Tout comme ils devront s’adapter à la taille de l’entreprise et aux différentes approches qui en découlent.
L’importance de la sécurité des données
La prédominance du SaaS dans le secteur de la gestion des talents induit évidemment la question de la sécurité des données. Certains éditeurs comme Technomedia ont fait le choixde datacenters par continent (Amérique, Asie et Europe). « Dans le cadre d’un projet global, c’est l’entreprise qui décide de son lieu d’hébergement », précise Christophe Bergeon, directeur général EMEA de l’éditeur canadien.
Le travail sur l’ergonomie
Quand on s’attarde sur les attentes des entreprises en matière de GPEC, la simplicité d’utilisation est un paramètre qui revient quasi-systématiquement. Beaucoup d’éditeurs en ont pris bonne note, à l’image de Foederis qui vient de repenser complètement le design et l’expérience utilisateur de ses solutions. Avec l’ergonomie, vient aussi la question de la mobilité et de l’adaptation des modules aux nouveaux usages sur tablettes et smartphones.
L’accent sur le onboarding
Légèrement en marge des processus de GPEC, l’intégration des nouveaux collaborateurs est pourtant une fonctionnalité clé pour les entreprises souhaitant travailler sur la fidélisation des employés. Plusieurs éditeurs se sont lancés dans ce créneau comme SilkRoad ou Cornerstone On Demand et Technomedia.
L’expansion des connecteurs
Enfin, le développement des connecteurs entre différentes solutions RH se révèle une question primordiale pour les entreprises qui jonglent avec des modules issus de plusieurs logiciels. Comment faire communiquer un système de gestion de la mobilité et un système de gestion des offres d’emploi par exemple ? « Les éditeurs se disent de plus en plus des systèmes ouverts. En réalité, pour cela, il faudrait qu’ils puissent échanger des données entrantes et sortantes. Mais on se rend compte qu’ils ne savent pas intégrer les connecteurs des autres logiciels pour aller interroger les bases de données par exemple », fait remarquer Yann Guezennec, président du groupe Altays. A tel point que certains cabinets comme le sien travaillent aujourd’hui sur l’installation d’agrégateurs capables de rechercher les informations entre deux solutions d’éditeurs différents.
Aurélie Le Caignec