La rupture conventionnelle : quelles obligations pour l’employeur ?
Le | Gpec
Depuis plus de trois ans et demi, il existe une alternative à la démission et au licenciement. Elle s’appelle la rupture conventionnelle. Cet accord amiable est possible sous certaines conditions, en cas de conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée
Un nouveau mode de rupture du contrat
La loi n° 2008-586 du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail » a mis en place la rupture conventionnelle. Selon l’article L 1237-11 du Code du travail, « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat qui les lient ».
Seuls les contrats de travail à durée indéterminée sont concernés. Ce mode de rupture ne doit pas être utilisé pour contourner les règles du licenciement économique collectif. Cet accord amiable n’est pas possible en cas de rupture résultant d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, comme le prévoit l’article L 2242-15 du Code du travail. Même chose en cas de plan de sauvegarde de l’emploi dans les conditions fixées par l’article L 1233-61 du Code.
La notion de consentement du salarié et de son employeur est importante. La loi indique que cette rupture « ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » (article L 1237-11 du Code du travail). Quatre étapes sont nécessaires.
1- L’entretien avec possibilité d’assistance
Le principe de la rupture conventionnelle intervient au cours d’un ou plusieurs entretiens (article L 1237-12 du Code du travail). La loi ne fixe pas le nombre de rencontres mais il en faut au minimum une.
Les deux parties peuvent se faire assister. Le salarié peut choisir une personne « appartenant au personnel de l’entreprise ». Il peut sélectionner un employé titulaire d’un mandat syndical ou membre d’une institution représentative. A défaut d’institution représentative du personnel, le conseiller du salarié est choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Le salarié doit informer l’employeur de son intention d’être assisté au cours du ou des entretiens. Dans ce cas, le patron pourra se faire assister par une personne de son choix, membre de son personnel. Si son entreprise compte moins de 50 salariés, il peut faire appel à « une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou à un autre employeur relevant de la même branche ». A son tour, il doit en informer le salarié. Attention, si le salarié ne souhaite pas être assisté, l’employeur est privé de cette possibilité.
La liste des personnes susceptibles d’assister le salarié ou l’employeur est limitative. Un avocat, par exemple, ne peut pas être présent.
2- La signature d’une convention
Après entretien, une convention matérialise l’accord. Le document doit contenir le montant de l’indemnité de rupture et la date de fin du contrat, il doit être daté et signé par les deux parties (article L 1237-13 du Code du travail).
Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à l’indemnité légale de licenciement (prévue par l’article L 1234-9). L’indemnité minimale est égale à 1/5ème de mois de salaire par année d’ancienneté, montant auquel s’ajoute 2/15ème de mois par année après 10 ans d’ancienneté. Tout élément de rémunération exceptionnel doit être intégré au prorata. Le salarié qui n’a pas pris tous ses congés payés aura droit à une indemnité compensatrice.
Concernant la date de rupture du contrat, elle doit être postérieure d’un jour à l’homologation. Afin de donner un préavis, le contrat peut être rompu plus tard d’un commun accord.
De plus, même si la loi ne le prévoit pas, l’employeur a tout intérêt à encourager son salarié à s’informer, notamment auprès de Pôle emploi. En effet, les indemnités chômage ne seront pas versées dès la fin de la rupture du contrat. Cette prise de connaissance peut être mentionnée dans la convention.
3- Le délai de rétractation
A compter de la signature de la convention, le salarié et l’employeur disposent de 15 jours calendaires pour se rétracter. Pour ce faire, une lettre peut être adressée « par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie » (article L 1237-13, dernier alinéa). En pratique, envoyer une lettre en recommandé ou en recommandé avec accusé de réception est une solution sécuritaire.
4- L’homologation de la convention
Notons d’abord que jusqu’à cette étape, le contrat de travail s’exécute normalement. Sauf si les parties prévoient le contraire. L’homologation peut être demandée par une seule des parties ou les deux.
A l’issue du délai de rétractation, la demande est formée auprès du directeur départemental du travail du lieu où est établi l’employeur (article R 1237-3 du Code du travail). Elle doit être accompagnée de la convention signée. Le délai d’instruction est de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande. L’absence de notification dans ce délai vaut homologation (article L1237-14 du Code). La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
Après homologation, l’employeur devra remettre au salarié un certificat de travail, un exemplaire de l’attestation Pôle emploi et son solde de tout compte.
Le cas des salariés protégés
Les délégués du personnel ou les délégués syndicaux peuvent bénéficier d’une rupture conventionnelle. Les articles L 2411-1 et L 2411-1 contiennent la liste des salariés protégés visés. Les médecins du travail sont aussi concernés.
Dans ces cas particuliers, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail. Pour les médecins du travail, le médecin inspecteur du travail doit aussi donner son avis.
Litiges devant le Conseil des prud’hommes
La rupture conventionnelle comporte des dangers pour l’employeur. Un recours devant le Conseil des prud’hommes est possible dans un délai de 12 mois après la date d’homologation de la convention. L’homologation ne peut pas faire l’objet d’un litige distinct relatif à celui de la convention.
Les juges peuvent requalifier ce mode de rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le salarié recevra alors des dommages et intérêts pour le préjudice subi. C’est le cas par exemple si un salarié a été victime de harcèlement moral*. Ou encore en cas de litige antérieur**.
Priscilla Reig
De formation juridique, Priscilla Reig est journaliste pour Exclusive RH. Elle est aujourd’hui en charge de la nouvelle rubrique « Droit RH et Internet » de votre site d’informations RH.
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* Arrêt de la Cour d’appel de Toulouse n° 10/00338 du 3 juin 2011
** Arrêt de la Cour d’appel de Riom n° 10/00658 du 8 janvier 2011