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Gouvernement : « Numérique cherche ministère ». Désespérément ?

Par Philippe Guerrier | Le | Droit de la formation

France Digitale regrette que le numérique ne fasse pas l’objet d’une priorité du nouveau gouvernement. Pourtant, les appels du pied ne manquent pas.

Gouvernement : comment le numérique sera-t-il pris en compte après le confinement ? - © D.R.
Gouvernement : comment le numérique sera-t-il pris en compte après le confinement ? - © D.R.

Les acteurs du numérique auraient aimé un signal fort avec le remaniement ministériel. Mais c’est raté. Avec l’annonce officielle des nouveaux membres du gouvernement de Jean Castex, le secteur ne disposera pas d’un ministère dédié malgré la prise de fonction de 16 ministres et 13 ministres délégués.

Il ne reste plus qu’à attendre la prochaine vague de nominations des secrétaires d’Etat. Le processus pourrait aboutir au renouvellement du mandat de Cédric O, qui a endossé les fonctions de secrétaire d’Etat chargé du Numérique à partir d’avril 2019, ou à la désignation d’un nouveau référent dédié représentant le gouvernement. On devrait disposer d’une réponse d’ici la fin de la semaine.

Le numérique à la fois essentiel et négligé

« Le numérique aurait dû avoir un ministère dédié, pour piloter la transformation numérique du secteur de la santé, de la justice, de l’éducation, du travail, des entreprises », déclare Nicolas Brien, directeur général de France Digitale, une association professionnelle qui réunit les start-up et les fonds d’investissement.

« A défaut de ministère dédié, un secrétariat d’Etat à la transformation digitale devrait être nommé dans chaque ministère régalien. »

Nicolas Brien exprime une certaine déception vis-à-vis du manque de prise en compte du numérique dans la nouvelle configuration gouvernementale. Alors que le domaine avait pris une importance majeure pour l’économie du pays sur fond de confinement lié à la crise Covid-19.

« Le numérique, qui a permis pendant les derniers mois à 2.2 millions d’élèves de continuer à s’éduquer, à 7.4 millions de français à télétravailler et 1,41 millions de patients d’avoir recours à la téléconsultation, n’a pas son ministère. »

France Digitale est convaincue que le numérique pourrait jouer un rôle central dans la reprise économique. En mai, elle a poussé une série de 15 propositions destinées à la transformation digitale en entreprise et au soutien aux start-up (programme « Alternatives ») à forte connotation , qui intégrait un volet de mesures RH favorisant le travail à distance.

Avec le confinement imposant le travail à distance, « certains géants du CAC 40 ont découvert la vétusté de leurs infrastructures de cloud et leur incapacité à télétravailler, des milliers de petits commerces n’ont pas pu poursuivre leur activité en ligne, faute de moyens de paiements digitaux ou de sites Internet », constate France Digitale.

Dans cette cacophonie de commentaires, Gilles Babinet, entrepreneur, vice-président du Conseil du numérique et conseiller de l’Institut Montaigne sur les questions numériques, se distingue sur Twitter :

« Franchement, le ministère du Numérique vs secrétariat d’Etat, on s’en f…Le sujet, c’est le discours de politique générale et les grands enjeux qui y seront arrêtés. Le travail à faire est titanesque. »

Multiplication des appels en faveur d’un « ministère du Numérique »

Pourtant, les appels du pied adressés au Président de la République Emmanuel Macron ne manquaient pas. Le 26 juin, dans une tribune publiée dans l’hebdomadaire Le Point, 54 personnalités revendiquant un intérêt marqué vis-à-vis de la sécurité numérique (hackers, députés, dirigeants d’entreprises, experts…) appelaient à la création « d’un ministère du Numérique à la hauteur de nos enjeux ».

Ils prônaient « la création d’un ministère du Numérique, de plein exercice, déployant une action interministérielle en lien avec l’ensemble des Ministères, refléterait l’omniprésence du numérique ».

« Cette synergie est indispensable à la conduite d’une action efficiente, dans notre contexte budgétaire contraint. La priorité des priorités sera d’y regrouper les initiatives déjà existantes [5G, Intelligence artificielle, cybersécurité] et de les intégrer dans cette stratégie nationale et européenne, tant les enjeux dépassent le cadre national.

«Dans cette stratégie articulée autour du triptyque :

  • sécurité ;
  • souveraineté ;
  • influence ; 

ériger l’indépendance technologique sur les briques essentielles de la chaîne de confiance sera le premier pilier de notre réussite. »

Cette tribune a notamment été signée par :

  • Bernard Barbier, président de BB Cyber, membre de l’Académie des technologies, ex-DT de la DGSE ; 
  • Julien Barbier, président d’Holberton School ;
  • Éric Bothorel, député des Côtes-d’Armor, co-président du groupe d’études Cybersécurité et souveraineté numérique ;
  • Alain Bouillé, expert en cybersécurité (membre du Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique ou CESIN) ;
  • Jean- Noël de Galzain, président de Wallix, président d’Hexatrust ;
  • Guillaume Tissier, président de CEIS ;
  • Guillaume Vassault-Houlière, président de Yes We Hack ;
  • Général Marc Watin-Augouard, fondateur du Forum International de la Cybersécurité (FIC).

Le levier de la souveraineté numérique

Tous les efforts de mobilisation ne sont pas vains dans le domaine de la cybersécurité puisqu’un Campus Cyber devrait émerger en France dans le courant du premier semestre 2021.

Un rapport de préconfiguration, établi par Michel Van Den Berghe (CEO d’Orange Cyberdefense) et remis au gouvernement en janvier 2020, évoque un « tiers-lieu opérationnel pour co-localiser start-up, PME, industriels de la cybersécurité et du numérique, services de l’État, laboratoires de la recherche, utilisateurs, acteurs de la formation et capital-risque ».

Une variation sur le thème de la souveraineté technologique et de l’émergence de pôles d’excellence qui devrait être approuvée par Bruno Le Maire, qui vient d’endosser les fonctions de ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance dans le nouveau gouvernement de Jean Castex.