Formation

La formation en situation réelle de travail va-t-elle enfin se développer ?

Le | Droit de la formation

Parmi les dizaines de décrets attendus suite à l’adoption de la loi « avenir professionnel » en septembre dernier, l’un concerne la formation en situation de travail (FEST). Un format favorisé par la réforme, qui suscite un fort intérêt des professionnels RH. Embryonnaire jusque-là en France, la FEST va-t-elle se démocratiser ? Les résultats d’une expérimentation viennent d’être rendus publics

La formation en situation réelle de travail va-t-elle enfin se développer ? - © D.R.
La formation en situation réelle de travail va-t-elle enfin se développer ? - © D.R.

Une institutionnalisation de la « formation sur le tas »

Dans son article 4, la nouvelle loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » redéfinit le périmètre d’une action de formation, qui peut être réalisée « en tout ou partie à distance », ou désormais « en situation de travail ». Un décret attendu autour du 15 novembre prochain en précisera les modalités d’application. « Ce n’est pas complètement nouveau. La FEST était prévue par les textes depuis fort longtemps mais elle était compliquée à mettre en œuvre. Les entreprises devaient s’assurer que l’activité de formation était distincte de l’activité de production et consulter le comité d’entreprise en amont », indique Mathilde Bourdat, manager de l’offre de formation de Cegos. Sur le terrain, cette modalité reste toutefois mal connue. Fin 2015, la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) et plusieurs autres partenaires institutionnels lançaient une expérimentation grandeur nature de l’AFEST (action de formation en situation réelle de travail), avec 13 OPCA et une cinquantaine de PME/TPE volontaires. Objectif : y voir plus clair sur les conditions de réussite de ce que l’on appelle vulgairement « la formation sur le tas ».

Des résultats prometteurs… mais soumis à conditions

Dans la synthèse des résultats présentée le 2 octobre 2018, on apprend qu’une grande diversité de métiers s’est prêtée au jeu de l’expérimentation : soigneurs animaliers ou agents de nettoyage par exemple. Autrement dit, des activités dans lesquelles le geste professionnel est central. Parmi les bénéfices constatés : une efficacité pédagogique supérieure aux apprentissages traditionnels et un « niveau conséquent » d’engagement de la part des apprenants. « Le FEST rend à la formation sa dimension opérationnelle. Il permet de casser la séquence ‘j’apprends puis je fais’.  C’est un vrai progrès, à la fois du point de vue de celui qui prescrit la formation que de celui qui la suit », observe Thierry Teboul, directeur général de l’AFDAS, qui a participé à l’expérimentation, avec une dizaine d’entreprises culturelles.

Le rapport pointe toutefois que la FEST n’est pas adaptée à tous les contextes de formation. Elle se prête mal aux activités basées sur des tâches pauvres et répétitives, ou à celles qui ne laissent pas la place au droit à l’erreur, à cause du coût des matières premières ou de la dangerosité des actes.  

Qui forme ?

« Un formateur en situation de travail ne peut pas être le même que dans une dramaturgie classique. En revanche, il faut pouvoir certifier en amont que ces personnes ont bien la compétence pour former, car on ne se décrète pas formateur », estime Thierry Teboul. Car les formateurs peuvent être des collaborateurs volontaires en interne, managers ou non, qui veulent transmettre leur expertise à leurs collègues. Dans le cadre de l’expérimentation, l’AFDAS s’est appuyée sur un cabinet de certification, C-campus, pour former tous les tuteurs. La FEST serait-elle une menace pour les organismes classiques de formation ? « L’idée est quand même d’internaliser la compétence de formation…mais on peut tout à fait imaginer qu’un tiers intervienne. Dans une logique d’industrialisation, l’entreprise ne pourra pas décliner le nombre de référents à l’envi. Il y aura forcément un panachage entre formateurs internes et externes », analyse Thierry Teboul. Autre point de vigilance : la frontière forcément un peu floue entre formation et travail. A cet égard, les futurs opérateurs de compétences chercheront sans doute à cadrer strictement les conditions de financement… La démocratisation de la FEST est donc en grande partie entre leurs mains !

Toujours est-il que cette modalité a déjà le vent en poupe chez les professionnels RH. Dans son baromètre international publié en juin 2018, Cegos montrait que 65 % des DRH français voyaient leur politique de formation évoluer dans le sens de la FEST. C’est aussi le levier jugé le plus favorable à l’engagement des apprenants (68 %), très loin devant les autres facteurs suggérés dans l’étude, comme la facilité d’accès aux contenus (55 %) ou l’aspect ludique et interactif des formations (29 %).

Gaëlle Fillion