Formation

Le décret qualité : la bête noire des organismes de formation ?

Le | Droit de la formation

Le 1er janvier 2017, un décret qualité est entré en vigueur, précisant que les financeurs de la formation devaient s’assurer de la qualité des actions de formation dispensées par les organismes. Cette nouvelle mission fait l’effet d’une petite bombe : s’ils ne respectent pas les critères de qualité fixés par les OPCA, les organismes ne sont pas considérés comme des prestataires de qualité. Leurs formations ne font alors plus l’objet de financements publics

Le décret qualité : la bête noire des organismes de formation ? - © D.R.
Le décret qualité : la bête noire des organismes de formation ? - © D.R.

Que dit le décret ?

Officiellement, le décret qualité, daté du 30 juin 2015, devait entrer en vigueur le 1er janvier 2017. Toutefois, le GIE des OPCA a souhaité disposer d’une période de transition jusqu’au 30 juin 2017 afin de laisser aux organismes de formation le temps de s’enregistrer sur Datadock, la base de données leur permettant d’informer les financeurs qu’ils répondent aux critères de qualité du décret. Concrètement, cela signifie que la mesure est donc en application depuis le 1er juillet 2017. ʺDepuis cette date, il est donc demandé à tous les organismes de formation souhaitant faire bénéficier à leur client de financement OPCA d’être « référençables », c’est-à-dire d’avoir renseigné les six critères relatifs à la qualitéʺ, explique Philippe Bernier, dirigeant du cabinet Caraxo.

Combien d’organismes « de qualité » ?

Le 3 juillet dernier, environ 38 500 organismes de formation (sur les 73 000 dénombrés en France) avaient ouvert un compte sur Datadock, d’après le GIE des OPCA. Plus de 10 000 organismes n’avaient pas encore finalisé leur inscription. Plus surprenant, ʺplus de 2000 ont été déclarés invalides, c’est-à-dire ne répondant pas aux critères de qualitéʺ, précise Philippe Bernier. Au final, seulement 9000 organismes de formation seraient aujourd’hui « référençables », soit environ 13 % des 73 000 acteurs du marché. Un chiffre qui ne surprend pas Guillaume Huot, directeur de l’activité interentreprises de Cegos. ʺOn estime à 7500 le nombre d’organismes ayant la formation pour activité principale. Datadock couvre donc une grande partie de l’appareil principalʺ, tempère-t-il.

Quelles réactions de la part des entreprises ?

Pour Philippe Bernier, les organismes de formation non référencés par le GIE d’OPCA jouent gros. Et pour cause : ʺde nombreuses entreprises, notamment les plus grandes, utilisent ce référencement non pas seulement pour obtenir des financements OPCA, mais aussi comme un outil de sélection des organismesʺ, constate-t-il. L’image des prestataires qui sont en dehors de Datadock pourrait en prendre un coup… Lorsqu’un organisme de formation sortira du catalogue d’un OPCA, c’est-à-dire cessera de faire l’objet de financements publics, sera-t-il boudé par les entreprises pour autant ? ʺNon, estime Guillaume Huot, une grande partie des entreprises engageant leurs propres fonds - et non les fonds publics des OPCA - pour construire leurs programmes de formations.ʺ

Un décret qui va « assainir » le marché ?

Aussi sévère soit-il, ce décret, en plus de forcer les organismes de formation à remettre en cause leurs pratiques, a le mérite d’expliciter la notion de qualité, encore trop subjective dans l’écosystème de la formation. ʺCette dernière ne doit plus seulement être évaluée en fonction de la satisfaction des apprenants, mais de ce qu’ils ont véritablement apprisʺ, estimePhilippe Bernier. L’impact du décret sur le marché devrait toutefois être mesuré, d’après Guillaume Huot. ʺLe marché s’est déjà assaini ces dernières années, les canards boiteux sont partis et le secteur a déjà commencé à se consolider. Les acteurs qui souffriront le plus de ce décret seront finalement ceux qui ne sont ni gros, ni nichés dans un secteur ou un territoire. Bref, ceux qui sont dans l’entre-deuxʺ, conclut-il.

Aurélie Tachot