Chez Lucca, les employés fixent eux-mêmes leurs salaires !
Le | Externalisation de la paie
Exit les grilles salariales régies par des règles caduques ! Chez Lucca, non seulement les rémunérations sont publiques mais elles font l’objet de discussions collectives. Lorsqu’ils souhaitent une augmentation salariale, les employés de la start-up doivent convaincre leurs collègues tout autant que leurs managers
Une approche qui a toutefois quelques limites…
En entreprise, le PDG a souvent le rôle du méchant ! Un statut que Gilles Satgé ne souhaitait pas assumer, encore moins sur l’épineux sujet des salaires. En 2007, le fondateur de l’éditeur de logiciels RH Lucca a donc imaginé un dispositif original de fixation des salaires. « J’ai découvert qu’il était possible d’être transparent sur ce sujet en lisant l’ouvrage d’un entrepreneur brésilien. J’ai donc expérimenté une méthode qui consiste à responsabiliser les employés et à les laisser décider eux-mêmes de leurs rémunérations », raconte-t-il. Le mécanisme est simple. Pour connaître leur niveau de salaires ou simplement réclamer une augmentation, les employés de chez Lucca passent deux grands oraux, auxquels prennent part les salariés justifiant de plus de trois ans d’ancienneté ainsi que les membres du Codir. Au cours de ces deux réunions, les employés expliquent, chacun à leur tour, pourquoi ils méritent le salaire qu’ils demandent. Chacun peut alors donner son avis et émettre des objections, de manière anonyme ou non. En réalité, ce sont surtout les personnes d’un niveau d’expérience ou hiérarchique équivalent qui prennent la parole. En fonction des feedbacks de leurs collègues, les employés sont ensuite libres de maintenir leurs souhaits ou de les revoir. Quoiqu’il en soit, « ce sont eux qui ont le dernier mot », insiste le PDG. A l’issue de ces deux oraux, leurs salaires sont fixés jusqu’à l’année suivante. La renégociation salariale se déroulant systématiquement tous les ans au sein de cette start-up de 70 collaborateurs, en pleine croissance.
Des salaires 3 à 4 % supérieurs
Sur le papier, l’idée paraît surréaliste. Dans les faits, elle ne l’est pas tant que ça. Pour la simple et bonne raison que les collaborateurs s’auto-censurent. « Nos employés ont des prétentions salariales raisonnables. Récemment, deux d’entre eux ont, par exemple, demandé à être moins payés car ils déménageaient en province, où nous avons un bureau », illustre Gilles Satgé. Bien entendu, il arrive que certains collaborateurs soient trop gourmands. La proportion est toutefois faible : cela concerne environ 3 salariés sur 15. « Lorsque c’est le cas, nous leur disons. S’ils décident de camper sur leur position, ils se mettent beaucoup de pression pour nous prouver qu’ils méritent ce salaire », constate-t-il. D’une manière générale, ce mécanisme est plutôt favorable aux salariés. « Si j’avais été seul à décider, leurs rémunérations auraient été de 3 à 4 % inférieures », confie le PDG. Un manque à gagner vite oublié au regard de la confiance que les équipes portent pour l’équipe dirigeante. Reste que ce principe de fixation des salaires génère aussi quelques tensions. « En particulier lorsqu’un salarié demande à être mieux payé que ceux qui occupent le même poste que lui », avoue Gilles Satgé. Quant aux talents qui performent mieux que leurs collègues, la start-up n’a pas encore trouvé d’astuce pour véritablement les valoriser. Le fondateur de Lucca, qui admet que ce dispositif est « perfectible » joue également le jeu. « L’inconvénient, c’est que je ne peux pas augmenter mon salaire comme je le souhaite. Pour autant, c’est un cercle vertueux : cela évite les écarts trop importants », conclut-il.
Aurélie Tachot