Migration de logiciel de paie : les 7 points de vigilance
Cet article est référencé dans notre dossier :
Dossier spécial : migration de logiciel de paie, la délicate transition en RH
La migration de la gestion de paie est un processus sensible qui impacte toute l’organisation. Alors autant prendre des précautions auparavant. Vincent Guerry, CEO de Fortify (cabinet conseil et intégration de solutions RH et paie), précise les points de vigilance dans cette phase de transition.

Migration de la paie : sous-peser les 2 principaux enjeux
Dimension organisationnelle

« En tant que conseil, notre rôle est d’expliquer que la technologie n’est qu’un moyen mais en aucun cas une fin. C’est-à-dire que si vous parlez de technologie, nous voulons aborder d’abord avec le client de l’organisation. La dimension de transformation de l’organisation est systématiquement sous-estimée. Car, intégrer une nouvelle technologie signifie ‘travailler différemment’. L’intégralité des processus associés à la gestion de la paie doit être revue, de la collecte des éléments variables de paie jusqu’au contrôle. »
Dimension technologique
« C’est un projet complètement transformant parce qu’en fonction des technologies que vous adoptez, la façon de faire la paie n’est pas du tout la même. Or chaque solution de gestion de paie a sa propre « philosophie » (fonctionnalités, cas d’usage…). Si vous ne l’adoptez pas d’emblée, vous nagez à contre-courant, vous épuisez et vous n’avez pas les bénéfices de la solution en termes de sécurité, de fiabilité, de productivité. »
Prévoir une configuration d’équipe adéquate pour mener le projet
- « Voici un facteur énorme d’échec ou de difficulté dans les projets de migration : un projet, cela consomme du temps aux équipes opérationnelles dans les services RH et paye. Elles travaillent déjà beaucoup et elles sont souvent sous l’eau. Par conséquent, elles n’ont pas suffisamment de temps à consacrer au projet. Cela peut aboutir à des situations de burn-out voire à des démissions.
- En amont du projet, il faut donc prévoir du renfort pour mieux gérer à la fois le quotidien et le projet. Ce type de projet est coûteux par essence. Par conséquent, il faut prévoir des ressources humaines supplémentaires pour son accompagner en toute sérénité. »
Disposer des compétences projets
« Une migration nécessite des compétences en gestion de projet. C’est être capable de bâtir et de suivre un planning et un budget, de coordonner des équipes internes, des équipes du client. Très souvent, le client pense disposer de ces compétences en interne.
- Le DSI va consacrer un peu de temps mais les RH ne constituent pas son domaine de prédilection.
- Le DRH va y consacrer un peu de temps mais il n’est spécialiste de la gestion de projet.
En fait, la gestion de projet, c’est un métier. Et c’est rarissime que les entreprises disposent de ces compétences en interne. »
Bien appréhender les règles en amont pour favoriser l’intégration logicielle
« Bien avant de parler d’intégration logicielle, il est nécessaire de compiler la documentation pour la gestion de la paie comme les dispositions légales pour traiter la paie et les conventions collectives auxquelles l’organisation cliente est assujettie. »
« On ne parle pas assez ce qu’on appelle les spécificités. C’est-à-dire que toutes les choses, qui sont liées à l’entreprise elle-même : des accords particuliers sur le temps de travail, des méthodes de travail spéciales, des usages professionnels ou des habitudes prises qui font la vie de l’entreprise. »
« Dans l’immense majorité des cas, tout cela n’est pas formalisé. C’est juste du vécu. C’est important de prendre conscience de ces spécificités en amont du projet pour éviter une perte de temps dans le déploiement du projet. C’est un potentiel coût supplémentaire dans le projet. On peut même aboutir à une impasse fonctionnelle si l’outil de gestion de paie sélectionné ne permet pas de prendre en compte ces spécificités. »
Constitution du comité de pilotage
Il doit être composé :
• de personnes qui maîtrisent en profondeur le savoir-faire organisationnel en termes de gestion RH,
• de personnes compétences à mener la gestion du projet de migration de la paie,
• de représentants de l’éditeur et/ou de l’intégrateur.
« Le DSI peut être là à certains moments pour l’adoption des technologies et des problématiques spécifiques (profil utilisateur, droit d’accès, sécurité, hébergement…). Idem pour le DAF dont la présence est justifiée uniquement pour évoquer des sujets d’interfaçage avec les outils de gestion de la comptabilité. »
« Le profil du sponsor, c’est quelqu’un qui endosse la responsabilité du projet, mais qui n’est pas dans le quotidien opérationnel du projet. Ce sera plutôt le DRH qui peut prendre davantage de recul que le gestionnaire de paie davantage en mode opérationnel. »
Temps de déploiement
« Le temps moyen dépend de plusieurs facteurs (taille de l’entreprise, complexité des règles de paie, périmètre fonctionnel, qualité des données sources, nombre de conventions collectives, etc.).
Voici une fourchette réaliste :
- TPE/PME (jusqu’à 100 salariés) : 1 à 3 mois ;
- ETI (100 à 1000 salariés) : 3 à 6 mois ;
- Grandes entreprises/multi-sociétés : 6 à 12 mois, voire plus en cas de multi-pays
Les étapes critiques sont la phase de cadrage (expression des besoins, reprise de données, planning), les paramétrages et surtout les tests. »
La double paie
« • La double paie (ou paie en parallèle) est une bonne pratique systématiquement recommandée, notamment sur les derniers mois avant bascule.
• La durée recommandée est de 2 mois minimum de paie en double (l’ancienne et la nouvelle solution tournent en parallèle). Cela permet de valider les écarts, ajuster les paramétrages, sécuriser la bascule.
• Parfois une 3ᵉ paie en double est réalisée si les écarts sont trop importants ou si les DSN test ne sont pas conformes. »
Migration des données entre logiciels de paie
« La migration ou reprise des données (RDD) n’est pas un simple « copier-coller » de données. Elle implique des reprises complexes et des vérifications pointues. Elle représente souvent la phase la plus critique du projet, et donc un facteur majeur de réussite.
Les principaux défis sont :
- La reprise des données historiques : cumuls de paie, soldes de congés, contrats, absences, ancienneté, éléments variables, etc.
- La prise en compte de formats hétérogènes entre les logiciels, d’où la nécessité de mappings précis.
- Le nettoyage des données sources : les erreurs « dormantes » dans l’ancien système peuvent réapparaître à la migration.«
Un accompagnement solide
« • Il est essentiel d’être accompagné par des experts qui connaissent à la fois l’ancien et le nouveau logiciel.
• Le partenaire d’intégration doit anticiper les écarts, formaliser les reprises, organiser les tests, et sécuriser la bascule.
• Le client, de son côté, doit être mobilisé sur la validation des données et sur la fiabilité des historiques transmis.
• Il ne faut pas sous-estimer le temps à consacrer à la reprise et il est nécessaire de prévoir des points de validation intermédiaires.
Projet de migration à l’international
« Migrer un système de paie à l’international est un projet hautement stratégique. Le principal enjeu est d’aligner les objectifs globaux (corporate) avec les réalités locales en matière de législation, d’organisation RH, de culture et de maturité technologique.
Il faut prendre en compte :
- la complexité réglementaire locale : chaque pays a ses spécificités légales, sociales, fiscales et techniques. Il est essentiel de bien recueillir et formaliser les spécificités pays par pays ;
- le modèle d’organisation cible : faut-il une solution unique ? une approche hybride ? une solution locale par pays ?
- une gouvernance projet robuste (instances, rôles, comitologie, planification monde) ;
- la conduite du changement incluant les différences culturelles, l’adhésion des pays, et l’engagement du top management ;
- la qualité et l’intégration des données RH/paie : la trajectoire SIRH doit prévoir l’intégration avec un Core HR global (Workday, SAP SuccessFactors…), ainsi que la cohérence des processus transverses (paie, temps, C & B, etc.). »