Arnaud Rayrole, Gr33t : « Les DRH doivent pousser les pratiques numériques responsables »
Salon Solutions RH : comment la start-up Gr33t travaille avec les DRH des groupes comme L’Oréal, Accor, Swiss Life ou Technip Energies pour « mobiliser les collaborateurs sur les politiques environnementales et QVT » ? Le point avec son fondateur Arnaud Rayrole.

« Nous proposons de gamifier les politiques environnementales et QVT au travail en nous appuyant sur les données des environnements de travail Microsoft 365 et Google Workspace ».
Telle est la vocation de Gr33t selon son fondateur Arnaud Rayrole.
Dans le cadre du Salon Solutions RH 2025, cet entrepreneur, qui avait créé en 2005 le cabinet conseil Lecko sur la transformation numérique des organisations avec un focus sur les environnements de travail des collaborateurs, précise la portée de son nouveau projet porté en mode start-up aux frontières de la QVT, de la RSE et de la maîtrise responsable des outils numériques.
Comment l’activité de Gr33t* a-t-elle émergé ?
En prenant en compte des usages numériques souvent mal maîtrisés, nous voulons inciter les entreprises à adopter des meilleures pratiques de travail, allant dans le sens du développement durable, de l’efficacité, de la performance, de l’attractivité et répondant aux enjeux de RSE et de QVT (ou QVCT).
- Initialement, Gr33t est un projet d’incubation de Lecko. Il a émergé en 2022 et s’est transformé en véritable service pour gamifier les meilleures pratiques environnementales et QVCT dans le cadre du travail.
- Nous avons créé une structure juridique en octobre 2024 et levé 320 000 euros dans la foulée auprès de quatre business angels pour assurer la phase d’amorçage.
- Je me suis rapproché du Lab RH pour connaître l’écosystème d’innovation RH et rencontrer des décisionnaires RH dans des organisations. Gr33t a intégré la première promotion du programme d’incubation du Lab RH à Station F en mai 2024, puis la deuxième annoncée en janvier 2025.
- Désormais, je travaille à 100 % pour Gr33t tandis que la direction de Lecko est assurée par mon associé Christophe Borée, tout en restant actionnaire. Je dispose d’une équipe de six personnes qui ont basculé avec moi de Lecko à Gr33t.
Gr33t : les soutiens financiers
Quatre business angels soutiennent Gr33t pour sa phase d’amorçage :
• Jean-Pierre Vimard, cofondateur de Powell-Software ;
• Vincent Roullet, SVP Customer à Lumapps
• Philippe Pinault, cofondateur de Talkspirit
• Loïc Thomas, CEO Groupe TSM
Comment “gamifier” les politiques environnementales et QVCT au travail ?
Nous nous appuyons essentiellement sur les données des environnements de travail Microsoft 365 et Google Workspace. Nous mesurons ainsi l’empreinte environnementale ou le rythme de travail.
- Certaines entreprises souhaitent endiguer la culture du travail permanent et omniprésent en limitant les débordements professionnels (des cadres travaillant le soir à domicile par exemple). Cela devient un vrai sujet de marque employeur avec des jeunes cadres qui refusent cet engrenage.
- L’ambiance professionnelle, considérée comme pesante, peut devenir un motif de départ.
- La fatigue liée aux usages du numérique peut générer des arrêts de travail des collaborateurs.
- C’est aussi une question de manque d’efficacité avec la multiplicité des réunions qui s’enchaînent au quotidien.
Avec Gr33t, je m’adresse aux DRH qui ont une responsabilité dans la prévention de ces types de débordements et qui s’engagent dans une démarche QVCT.
Comment vous appuyez-vous sur les données de workplaces ?
Ce qui change la donne avec Gr33t, c’est l’exploitation des données brutes des activités (envoi d’e-mails, partage de fichiers, organisation d’une visioconférence…) pour reconstituer des indicateurs : calcul des émissions CO2, rythme de travail (volume de réunions, activité en débordement, multitâches) ou maturité des pratiques collaboratives.
Les données sont collectées par API en provenance des environnements de travail numérique Microsoft 365 et Google Workspace mais aussi avec Lumapps et Powell. À terme, on aimerait bien embarquer des solutions souveraines.
Nous avons conçu une solution pour questionner les API de ses digital workplaces et récupérer les données qui nous intéressent.
Une sorte de sas numérique étanche a été établie entre Gr33t et les données d’entreprises. Avec l’architecture logicielle retenue, tout est sécurisé : l’extraction des données est réalisée dans le SI du client et leur transmission se fait de manière anonymisée et chiffrée.

Au-delà des environnements de travail numérique, la solution Gr33t pourrait-elle être intégrée dans les SIRH ?
Cela aurait du sens. Nous y réfléchissons car les SIRH intègrent de plus en plus la dimension « Management Tech ».
Quelles cibles d’utilisateurs cherchez-vous à atteindre au sein des organisations ?
Nous nous adressons à deux cibles : les DRH qui mènent des politiques de sensibilisation pour améliorer le rythme de travail en fonction des divisions ou des équipes et les utilisateurs finals sous un angle de gamification avec des défis à relever. Par exemple :
- Comment éviter le mode multitâche pendant les réunions ?
- Comment réduire les temps de réunion en intégrant des moments de transition ?
- Quelle empreinte carbone a été dégagée avec l’usage de l’IA générative à travers un assistant IA comme Microsoft Copilot ?
Chaque collaborateur dispose d’un mini-tableau de bord qui apparaît sous forme de widget dans son environnement de travail numérique. Tandis que le reporting global se fait de manière anonyme sur un autre dashboard pour le DRH.
En l’état actuel, Gr33t travaille avec des groupes comme L’Oréal, Accor, Swiss Life ou Technip Energies. Nous recensons actuellement plusieurs milliers d’utilisateurs.
Le modèle économique repose sur un abonnement pour l’accès au service en mode SaaS avec tarification établie par utilisateur embarqué.
Notre objectif est d’élargir le cercle d’entreprises clientes et de se rapprocher de la rentabilité financière d’ici la fin de l’année.
Entre les décisions du Président des États-Unis Donald Trump concernant les questions environnementales et la proposition de la Commission européenne de réviser la CSRD, les entreprises demeurent-elles aussi mobilisées sur la question du développement durable ?
Ce n’est pas un bon signal. De mon point de vue, les grandes entreprises avec lesquelles je travaille n’ont pas l’intention de revenir sur leurs engagements. Mais cela compliquera la prise de conscience des organisations qui n’ont pas encore pris en main la question la transition énergétique et RH.
Il faudrait davantage distinguer les questions des process, des normes et des contraintes sur les objectifs de décarbonation de l’UE et celle de la protection essentielle de l’environnement.
Ensuite, sur l’activité relative à Gr33t et sa mission de sensibilisation des employés dans les organisations à l’empreinte environnementale, je ne vois pas de répercussion pour le moment. Mais on sent bien dans les discussions actuelles que le sujet a moins le vent en poupe.
*Le nom de la start-up Gr33t se prononce « greet ».
Gr33t : coopération avec quatre groupes
• Accor : approche Test & Learn à travers DigiGreen, le nom interne de la solution Gr33t, et décision prise d’élargir progressivement le déploiement à grande échelle.
• L’Oréal : accompagnement dans le développement de Gr33t à travers son programme d’accélération « Beauty Tech Atelier » à Station F, en partenariat avec HEC Paris Incubateur.
• Swiss Life : contribution au développement et au passage à l’échelle de la solution en participant à l’amélioration de l’expérience utilisateur et en déployant le tableau de bord à l’ensemble de ses collaborateurs du groupe.
• Technip Energies : enrichissement de la solution en intégrant la collecte de ressentis des collaborateurs sur leur charge de travail et leur équilibre vie professionnelle/vie privée, tout en ajoutant des métriques pour évaluer l’hyper-connexion.
Concepts clés et définitions : #Qualité de Vie au Travail ou QVT, #SIRH ou Système d'Information des Ressources Humaines, #DRH ou directeur des ressources humaines