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Covid-19 : la crise bouscule les organismes de formation

Le | Organisme de formation

Face à l’épidémie de Covid-19, les organismes de formation doivent privilégier les sessions à distance. Comment réagissent les acteurs ? Quelles stratégies digitales mettent-ils en place ? Qu’attendre du gouvernement en guise de soutien ? Focus d’un secteur chahuté.

Covid-19 : la crise bouscule les organismes de formation
Covid-19 : la crise bouscule les organismes de formation

Comme les écoles, les universités et les centres de formation des apprentis (CFA), les organismes de formation sont lourdement impactés par l’épidémie de Covid-19 qui se propage. Comment réagissent-ils face à la crise alors que le secteur était déjà engagé dans une réforme profonde ? Si les actions de formation présentielles sont interrompues pour des raisons d’urgence sanitaire, les sessions distancielles perdurent en suivant les préconisations du ministère du Travail.

Le mode à distance pas toujours adapté

« Pour le compte d’un équipementier automobile, nous venons de transformer une formation en blended learning sur le manager coach en formation 100 % distancielle. Dans ce cas de figure, nous mélangeons les actions d’auto-formation et de classes virtuelles. Pour une entreprise de transport, nous avons basculé à distance une formation diplômante initialement mixte, là aussi grâce à la classe virtuelle. Nous travaillons donc au cas par cas, en fonction de nos clients », explique Guillaume Huot, membre du directoire de Cegos et vice-président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP).

Un exercice qui rencontre toutefois des limites. Les modalités à distance n’étant pas adaptées à toutes les formations. « Il subsiste une quantité de métiers où la formation ne peut se dérouler qu’en présentiel, sur des plateaux techniques, dans les environnements de travail. La réalité augmentée, même si elle permet de s’entraîner sur des gestes, a ses limites : elle ne pourra jamais permettre aux infirmières d’apprendre à faire une piqûre à un patient », illustre Guillaume Huot.

Etant donné le contexte d’épidémie, Cegos pousse deux formats de formation à ses clients : « 3h chrono », qui permet aux apprenants de se former durant une demie-journée via des classes virtuelles à distance ainsi que sa collection « #UP », qui propose des parcours de 4 à 6 semaines pour se former aux compétences transversales (soft skills), mixant auto-formation et accompagnement à distance.

« Nous n’avons pas eu à créer de nouvelles formations suite à la crise. Nous avions déjà la chance d’avoir un catalogue de 200 formations en e-learning 100 % à distance, qui s’adresse à 1,5 million d’apprenants chaque année. Pour les organismes de formation n’ayant pas pris le virage du digital, les conséquences de cette crise vont être dramatiques », considère Guillaume Huot.

« Sans parler du modèle économique, l’ingénierie pédagogique d’une formation en salle n’est pas la même qu’une formation à distance. C’est la raison pour laquelle certains de nos clients plébiscitent un report de leurs formations plutôt qu’une transformation des modalités pédagogiques », indique pour sa part Claire Pascal, directrice générale de Comundi et administratrice de la FFP.

Un secteur éligible au fonds de solidarité ?

« En 2019, le secteur de la formation a été très fragilisé par la réforme de la formation, les blocages à répétition mais aussi par la complexification des abondements du Compte personnel de formation, qui a provoqué l’attentisme des entreprises. En conséquence de quoi, la filière de la formation est aujourd’hui exsangue. L’épidémie de Covid-19 ajoute une difficulté aux entreprises de la formation qui étaient déjà en souffrance. Elle devrait aboutir sur de nombreux dépôts de bilan d’ici l’été », commente Claire Pascal. Et pour cause : malgré la monté en puissance du digital, donc des actions de formation en e-learning,
« 91 % des formations de la branche se déroulent encore en présentiel », rappelle la directrice générale de Comundi.

La suspension des formations en salle - pour un temps encore indéterminé - représente un manque à gagner considérable pour les organismes de formation. « Nous demandons ainsi au gouvernement de reconnaître la formation comme un secteur touché par la crise sanitaire, au même titre que l’événementiel, donc de l’intégrer dans le fonds de solidarité. Nous attendons également qu’il insuffle de l’argent frais pour que les entreprises de la formation, dont 80 % sont des TPE et PME, puissent continuer à payer les salaires de leurs collaborateurs », indique Claire Pascal.

Etant donné les contraintes qui pèsent sur le secteur de la formation, la FFP demande enfin le report de la certification Qualiopi à 2022. « L’obtention de ce label qualité est un centre de coût pour les organismes de formation qui doivent aujourd’hui se concentrer sur d’autres priorités », explique-t-elle.

Après crise Covid-19 : « Trop tôt »

« Depuis deux ans, nous assistons à une accélération de la digitalisation de la formation. La crise actuelle devrait favoriser l’adoption des modalités distancielles dans les usages. Nous pouvons même imaginer sortir de la crise avec un appareil de formation plus mature et mieux à même de se déployer à grande échelle, notamment à l’international », anticipe Guillaume Huot.

Certaines entreprises, presque à l’arrêt, profiteront-elles de cette période pour former leurs équipes, en attendant que l’épidémie du Covid-19 soit endiguée ? « C’est une éventualité mais il est trop tôt pour le dire, déclare Guillaume Huot. Quoiqu’il en soit, notre objectif est de faire de cette crise sanitaire une opportunité de rebond et que le personnel soit correctement armé lorsqu’il faudra redémarrer la machine », conclut-il.

(Par Aurélie Tachot)