Deel, qui développe « le recrutement sans frontières », arrive en France
Par Philippe Guerrier | Le | Intérim
Depuis San Francisco, le start-upper français Alex Bouaziz a lancé Deel fin 2018. Cette plateforme mondiale de recrutement est portée par un financement en centaines de millions de dollars. Entretien avec le fondateur.
Il existe des trajectoires étonnantes de start-ups dans la HR Tech. Ainsi, Deel a été cofondée par un jeune entrepreneur français installé à San Francisco (Alex Bouaziz) et son associée Shuo Wang rencontrée lors d’un master au Massachusetts Institute of Technology (MIT), vient de boucler une nouvelle levée de fonds de 132 millions d’euros.
L’accélération du financement est fulgurante pour cette jeune pousse californienne qui est positionnée dans « le recrutement des talents dans le monde entier » et qui annonce son arrivée en France dans le courant de l’année. L’annonce d’un recrutement pour un country manager vient d’être lancé.
Un financement ultra-rapide
Depuis sa création en novembre 2018, Deel a levé plus de 170 millions d’euros auprès d’un pool d’investisseurs, de fonds et de business angels incluant :
• le fonds Growth associé au programme d’accélération Y Combinator (YC) ;
• les prestigieux fonds a16z (ou Andreessen Horowitz) et Spark Capital ;
• des dirigeants entrepreneurs comme Dara Khosrowshahi (CEO d’Uber) ou Jeff Wilke (ex-CEO Worldwide Consumer d’Amazon).
Avec ce financement massif, Deel bascule dans la catégories « licornes » du nom de ces start-ups dont la valorisation dépasse le milliard de dollars ou d’euros.
Au dernier pointage, la société de la catégorie HR Tech californienne dispose d’un effectif de 130 collaborateurs (l’effectif n’était que de 20 personnes début 2021). Elle a établi un réseau d’avocats et de partenaires experts en droit du travail international et en comptabilité dans le monde entier.
« Nous exploitons en direct nos activités dans une trentaine de pays avec des directeurs locaux. C’est le cas aux États-Unis, au Canada ou en Colombie par exemple. Nous comptons ouvrir 80 pays supplémentaires, dont la France, en vue d’une exploitation directe d’ici fin 2021. Globalement, nous allons beaucoup investir en Europe », commente Alex Bouaziz.
Dans un entretien, le CEO cofondateur précise le positionnement de Deel et ses ambitions sur le marché français.
(extrait de l’interview accordée à notre média partenaire News Tank RH).
Comment le concept de Deel a-t-il émergé ?
Nous avons commencé à travailler sur Deel en 2018 sur une base simple : comment embaucher les meilleurs talents partout dans le monde en quelques clics.
D’un point de vue gestion de paie et compliance, nous avons considéré qu’il manquait un produit sur le marché.
À travers mes premières expériences de créations de start-ups [ndlr : Alex Bouaziz a créé sa première à l’âge de 21 ans et je viens de fêter mes 28 ans] et mes relations avec des ingénieurs dans divers pays (Ukraine, Russie, Albanie, Inde…), je me suis rendu compte que les contrats de travail pour salariés ou indépendants étaient mal élaborés. Mais, plus surprenant, c’est aussi le cas pour les grandes sociétés.
Le sujet devient de plus en plus important avec le développement du travail à distance.
Comment Deel travaille avec les sociétés qui veulent recruter des collaborateurs à l’international ?
Traditionnellement, il y a trois schémas envisageables, selon les pays :
- L’ouverture d’une filiale dans un pays ;
- L’appel à des travailleurs indépendants ;
- Le recours à une société de portage.
Chez Deel, nous travaillons sur les deux derniers cas, la collaboration avec les indépendants et le portage, en créant les bons réflexes avec des contrats générés dynamiquement et des processus automatisés pour récupérer des documents de compliance pour travailler rapidement avec des travailleurs indépendants.
En suivant le modèle des ESN, nous allons directement embaucher au niveau local des travailleurs indépendants.
Nous gérons les dossiers règlementaires, administratifs et sociaux et la paie ou plutôt une facture pour le cas des travailleurs indépendants. Lorsqu’ils sont salariés, ces indépendants sont salariés de Deel qui émet une facture à destination de l’entreprise utilisatrice.
La prochaine étape de notre développement sera de prendre en main la première configuration évoquée : si une entreprise ouvre une filiale à l’étranger, Deel sera en capacité de prendre en charge le volet paie ou facturation et les dossiers administratifs à gérer en fonction du mix adopté entre statuts de salariés et de travailleurs indépendants.
Quel est le modèle économique de Deel ?
Il est classique en mode SaaS. C’est un système d’abonnement mensuel avec commissionnement.
Prenons un exemple simple et théorique d’un travailleur indépendant qui facture ses prestations pour un montant de 1000 euros par mois.
- L’entreprise cliente verse à Deel un montant de 1035 euros ;
- Une rétribution de 1000 euros sera versée au travailleur indépendant ;
- nous conservons une commission de 35 euros.
Le système est similaire pour le cas de l’embauche d’un travailleur au statut de salarié. Mais, dans ce cas, le commissionnement est de 500 dollars par mois et il faut prendre en compte les charges patronales appliquées dans le pays.
Quelles ambitions spécifiques affichez-vous pour le marché français ?
Nous sommes en cours de recrutement d’un directeur France au profil senior pour développer les ventes et monter une équipe au niveau local…probablement sans bureau.
Le marché français me tient à cœur et nous commençons à avoir des clients comme Alan (assurance santé) ou Livestorm (plateforme de visioconférence).
En l’état actuel, nous disposons de 1800 entreprises clientes dans le monde.