QAPA : « Nous restons la seule agence intérim vraiment digital »
Par Philippe Guerrier | Le
La plateforme de recrutement dans l’intérim a exploité des opportunités business apparues lors du confinement, déclare Stéphanie Delestre, Chairman et cofondatrice de QAPA, dans une interview.
(Update 26/11/2020 à 16h37) Créée par Stéphanie Delestre et Olivier Zier en 2011 en mode job board, QAPA a raffermi son positionnement en adoptant à partir de 2016 un statut d’agence intérim dans le digital. Le marché global de l’intérim est alléchant : il s’est élevé en France à 20 milliards d’euros en 2019.
Pour affiner son approche de recrutement, QAPA a développé une expertise technologique entre big data et intelligence artificielle (via une approche de machine learning) appliquée au secteur du travail intérimaire.
Dotée d’une équipe composée de 80 collaborateurs entre Paris et Bordeaux, Qapa a bénéficié du soutien de business angels et des fonds Index Ventures, Partech Ventures et 360 Capital Partner qui ont injecté un montant cumulé proche de 13 millions d’euros entre 2011 et 2017.
Son équipe de direction a été renforcée fin 2018 avec la nomination de Laurent Delaporte, un ancien responsable de Microsoft France, au poste de CEO.
Dans un entretien, la chairwoman Stéphanie Delestre explique comment la société compte garder son avance dans la HR Tech tout en misant sur la qualité des profils des intérimaires au service de ses clients (500 entreprises).
Comment se distingue QAPA sur le marché de l’intérim ?
QAPA est la première startup en France à lancer une plateforme d’intérim digital en 2016. Son approche demeure unique car nous avons dématérialisé les trois processus clés métiers :
- sourcing avec 4,5 millions de Français inscrits dans la base QAPA (80 % sont des cols bleus). Nous travaillons pour les secteurs de la logistique, de la grande distribution, l’industrie au sens large (métallurgie, agroalimentaire…) mais aussi pour le tertiaire (télévendeurs ou opérateurs en centres d’appels, diverses missions commerciales..) et les entreprises de services numériques (techniciens de maintenance, développeurs…).
- matching pour affiner la rencontre entre le candidat et le recruteur ;
- gestion de la partie administrative (comme la signature et la génération de contrats dématérialisées).
Nous avons une grande partie des missions d’une durée hebdomadaire. Mais certaines d’entre elles peuvent s’échelonner jusqu’à 18 mois. Nous nous adaptons à la demande des entreprises.
Les technologies développées et l’automatisation des processus nous font gagner beaucoup de temps car tout est exécuté en quasi temps réel.
Le cas éclairant de Franprix
Prenons un exemple qui remonte au premier confinement (mars - mai 2020). L’enseigne de grande distribution Franprix (groupe Casino) avait établi des relations avec huit agences d’intérim qui s’autoproclament digitales. Elle avait besoin de recruter un millier d’intérimaires rapidement comme employés libre-service dans plus de 300 magasins toute la France.
• QAPA a été contacté le dimanche 15 mars dans l’après-midi pour répondre au gros besoin urgent de Franprix aux côtés des huit autres agences dans la boucle.
• Dès le lundi 16 mars au matin, nous avons été en mesure de fournir 250 intérimaires QAPA pour démarrer avec Franprix. Le midi, nous sommes parvenus à en placer 250 autres.
• A la fin de cette semaine-là, nous avons été en mesure de fournir le contingent des 1000 intérimaires recherchés, sans recourir aux autres agences pour le sourcing.
Comment les activités de Qapa ont-elles évolué avec la crise Covid-19 ?
Nous avons beaucoup progressé dans le segment intérim et santé.
La période a servi d’accélérateur de business pour QAPA. Nous avons doublé notre volume d’affaires au cours des six semaines et doublé le nombre d’intérimaires en poste.
Avec le premier confinement, une partie de nos clients ont été impactés avec des arrêts d’activité. Pour certains d’entre eux, le recours à des intérimaires a été stoppé du jour au lendemain. Pour d’autres clients, il a fallu trouver du renfort en raison d’un surcroît d’activité dans la logistique, la grande distribution, l’e-commerce, et la santé.
Nous avons gagné beaucoup de nouveaux clients dans ce contexte comme Franprix. Depuis, nous travaillons avec toutes les entités du groupe Casino. Nous recensons 500 clients en l’état actuel qui utilisent QAPA pour l’intérim.
Cette période a aussi servi de catalyseur pour mettre en avant la puissance du digital. Certains recruteurs ont pris conscience qu’un entretien vidéo avec un intérimaire était aussi efficace qu’un rendez-vous de visu et que le digital devenait une commodité.
Avec le confinement, nous avons beaucoup progressé dans le secteur de la santé, en particulier dans la gestion des EHPAD avec des clients qui recherchent des infirmières et des aides-soignantes. L’équipe commerciale de QAPA a eu l’idée de mettre notre plateforme gratuitement à la disposition des acteurs de la santé pour faciliter le recrutement de personnel. C’était un geste solidaire initialement.
A la fin du confinement, des groupes spécialisés dans l’hébergement de personnes seniors et de services de soins ont souhaité poursuivre avec nous.
Dans votre modèle économique basé sur une commission perçue auprès de l’employeur sur le salaire brut chargé de l’intérimaire recruté, observez-vous une bataille sur le niveau de commissionnement ?
Les investissements réalisés dans la technologie finissent par payer.
Je ne vois pas de révolution dans ce sens avec le modèle économique dans le digital. La constitution d’une fiche de paie est extrêmement encadrée par la loi. De leur côté, les agences traditionnelles d’intérim qui travaillent depuis longtemps avec de grands groupes disposent de volumes d’affaires importants qui aboutissent à des petits niveaux de commissions. La bataille se joue d’abord sur des intérimaires de qualité qui répondent aux attentes des clients en un temps record.
Il est vrai que certains acteurs sur notre segment veulent mener la bataille du prix. Ce n’est pas le cas chez QAPA. Actuellement, notre niveau de commission varie entre 10 et 15 % quand les agences traditionnelles sont souvent à 20 %.
La startup se transforme en entreprise pérenne avec un modèle économique pertinent. D’ailleurs, nous allons atteindre le point d’équilibre financier en fin d’année.
Quelles sont les prochaines étapes technologiques pour faire gagner du temps à vos clients dans les process de recrutement ?
QAPA est la seule société technologique dans l’intérim et nous voulons garder notre avance en R&D. Nous disposons d’un effectif de 80 personnes avec un pôle technologique de 25 personnes dont des profils seniors.
- Nous cherchons à optimiser toutes nos fonctionnalités comme le matching et pousser notre expertise sur des verticales comme la logistique ou la santé.
- Nous nous appuyons sur les données collectées dans notre base d’intérimaires pour affiner les résultats par machine learning. Toutes ces technologies, nous les apportons aux recruteurs mais aussi aux candidats à l’intérim à travers des applications mobiles.
- Parmi les chantiers, nous voulons aussi étendre nos algorithmes sur tous les formats de contrats courts mais aussi sur les CDD pour le compte de nos entreprises clientes.
- Nous travaillons aussi avec l’INRIA et l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) pour le développement de nos algorithmes et leur validité éthique.
QAPA se met aux entretiens vidéo avec Easyrecrue
C’est le premier client d’Easyrecrue dans l’intérim : QAPA a adopté la solution d’entretien vidéo en différé.
« Lorsqu’un candidat souhaite intégrer notre processus visant à qualifier, sélectionner et recruter, il se prête à l’exercice de l’entretien vidéo pour témoigner de sa motivation, enrichir son profil et nous permettre d’identifier ses soft skills. Nous sommes ainsi toujours plus réactifs : nous traitons 75 % des demandes de nos clients en moins de 4 heures », précise Laurent Delaporte, Directeur général de QAPA.
En six mois d’exploitation de la technologie, QAPA a envoyé 35 000 propositions d’entretiens vidéos. Depuis cette annonce de partenariat survenue fin octobre, la société française Easyrecrue a été absorbée par l’Américain iCIMS (éditeur de solutions ATS et de gestion de talents).