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Maxime Legardez, Maki : « Les ATS devront évoluer au profit de sous-couches d’agents IA »

Par Philippe Guerrier | Le | Solutions d'évaluation

Maki, une solution d’évaluation des compétences des candidats à recruter, se transforme en agent conversationnel IA en bouclant une 2ème levée de fonds de 26 millions d’euros. Le point avec Maxime Legardez, CEO et cofondateur de Maki.

Maki lève 26 millions d’euros : Paul-Louis Caylar, Maxime Legardez, Benjamin Chino - © D.R.
Maki lève 26 millions d’euros : Paul-Louis Caylar, Maxime Legardez, Benjamin Chino - © D.R.

Maki a émergé avant l’ère ChatGPT et la vague de l’IA générative. La start-up française, spécialisée dans les solutions d’évaluation des candidats dans les process de recrutement, effectue sa mue dans la nouvelle configuration des agents IA.

La start-up française vient de boucler une levée de fonds de 26 millions d’euros menée par Blossom Capital avec la participation de DST Global et des investisseurs historiques : Frst, GFC et Picus Capital.

Accrochez-vous car le monde du recrutement et des ATS vit une période de transformation intense qui marque les DRH, selon Maxime Legardez, CEO et cofondateur de Maki, dans un entretien accordé à News Tank RH et RH Matin.

Comment l’IA a modifié votre approche de l’évaluation des candidats dans un processus de recrutement ?

A l’origine, en 2022, Maki a été créée pour proposer aux grandes entreprises des tests d’évaluation de candidats sur des centaines de compétences.

Avec l’essor de l’IA et des LLM à la source de l’IA générative et des agents IA, le contexte a considérablement évolué :

  • Un nouveau paradigme est apparu pour tester des compétences avec des expériences conversationnelles. Que ce soit à travers un téléphone ou une expérience visio sur un téléphone ou un ordinateur. Nous répliquons une conversation par l’IA qui est de plus en plus naturelle.

  • La logique des agents IA permet de répliquer des comportements humains au-delà de l’automatisation de workflow. Dans le processus de recrutement, le rôle d’un recruteur est varié : sourcing, préqualification, entretiens, sélections des candidats…Aujourd’hui, les modèles IA permettent de comprendre comment un agent peut automatiser certaines de ces tâches de manière autonome, tout en apportant des gains de productivité et d’efficience chez nos clients.

  • Dans les organisations, l’empilement de services SaaS entraîne de la complexité. Chez Maki, nous ne voyons plus comme un logiciel classique en mode SaaS. Nous évoluons vers une logique d’agent IA. Nous en sommes aux prémices. Mais cela permettra de capter et d’exploiter la donnée des candidats ou des employés de manière dynamique et en temps réel pour l’optimiser dans un nouveau système de base de données plus souple, plus personnalisé et plus simple d’accès avec une approche no code.

Considérez-vous Maki comme un ATS nouvelle génération ?

Chez Maki, nous travaillons actuellement avec beaucoup d’ATS comme SAP SuccessFactors ou Workday. Dans les prochaines années, les ATS seront amenés à évoluer au profit de sous-couches d’agents IA qui faciliteront l’exploitation de la donnée.

D’ici 10 ans, l’écosystème d’ATS devrait se transformer pour reconsidérer sa chaîne de valeur et faire beaucoup plus que le fait de passer d’une étape de recrutement à une autre. Sinon il disparaîtra.

Dans quel contexte avez-vous bouclé cette deuxième levée de fonds de 26 millions d’euros ?

Les développements en IA, la réalisation de nos produits et nos excellents résultats en 2024 nous ont permis de boucler ce tour de financement rapidement en 40 jours.

Les investisseurs ont été attirés par une start-up qui exploite vraiment l’IA pour créer des agents conversationnels, qui permettent vraiment d’automatiser des tâches importantes du recrutement comme la présélection (pre-screening), l’évaluation initiale (screening), la planification, la gestion des entretiens, l’onboarding…

Nous le faisons pour des grandes organisations comme BNP Paribas, la Banque de France, MAIF, PWC, Deloitte, Capgemini, FIFA, H&M, Clarins, Nespresso, Solvay ou McDonald’s.

Nous avons vraiment la chance d’avoir pu implémenter ce produit IA d’une manière pragmatique chez des clients de grande ampleur (50 % en Europe, 30 % aux Etats-Unis, 20 % en Asie-Pacifique) avec des cas d’usage qui amènent de la valeur et un retour sur investissement.

Quelques exemples

• Chez Forvis Mazars, nous avons automatisé 80 % de la partie présélection ;
• Chez Capgemini, nous avons permis de faire passer trois fois moins d’entretiens en une année pour recruter le même nombre de candidats.
• Chez H&M, on a divisé par quasiment trois le nombre de jours qu’il faut pour recruter un vendeur.

Nous allons bientôt avoir une centaine de clients qui ont des circuits de recrutement différents (mode centralisé, décentralisé…).

En 2024, avec l’activité de Maki, nous étions arrivés quasiment à l’équilibre financier avant d’aborder notre levée de fonds qui constitue une phase d’accélération et d’investissement.

Quelles sont vos priorités de développements ?

  • Technologies : Nos développements produits « tout agent IA » ont vocation à répondre aux besoins personnalisés des entreprises. Le principal focus de cette année, c’est vraiment de pousser encore plus l’agent IA dans la partie recrutement et de pouvoir gérer tout de A à Z. Nous voulons aboutir à un système d’agents qui vont travailler ensemble pour aboutir à des combinaisons customisées. Nous travaillons de manière assez équilibrée avec les LLM qui comptent sur le marché, sans favoriser d’acteurs en particulier.

  • Expansion mondiale : Nous avons un gros focus sur les États-Unis qui ont vocation à devenir notre premier marché (30 % actuellement, 70 % à terme). Je pars m’installer à New York pour développer un hub américain. Une grande majorité des ressources commercialisée sera localisée sur place. Les Etats-Unis représentent le marché le plus vaste, comparé à celui de l’UE qui n’est pas unifié. De plus, je perçois un enthousiasme global plus important vis-à-vis des progrès IA du côté américain, même si nous disposons de très beaux clients en France.

  • Effectif : Nous renforcerons nos équipes en recrutant entre 50 et 60 nouveaux collaborateurs (ingénierie, produit, commercial, succès client, intégration) avec notamment une taille d’équipe d’ingénieurs multipliée par 4. Paris restera notre hub tech.

Le développement d’agents IA change-t-il le modèle économique de Maki ?

Il va changer, comparé au modèle SaaS classique de facturation à l’utilisateur. Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain.

Dans l’écosystème des agents IA, on réfléchit à un système de pricing qui serait lié à la valeur créée par acte ou par performance de l’agent IA selon des objectifs fixés (200 recrutements à réaliser en 30 jours par exemple).

Nous n’allons plus vendre du software mais du travail, qui se rapprocherait d’un système de rémunération variable similaire à celui que l’on attribuerait à un collaborateur humain en fonction de l’accomplissement d’objectifs.

En poussant la logique un peu plus loin, les grandes entreprises ont 3 à 4 % de leur masse salariale dédiée aux DRH. Dans quelques années, le nombre de recruteurs humains par organisation devrait se réduire.

Concepts clés et définitions : #ATS ou Applicant Tracking System, #DRH ou directeur des ressources humaines