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Alexandre Viros, The Adecco Group : « Nous vivons une époque de flexibilité responsable »

Le | Intérim

Président d’Adecco France, Alexandre Viros évoque les atouts du marché de l’intérim et de son groupe dans une perspective de relance économique et de sortie de crise Covid-19.

Alexandre Viros, président de The Adecco Group France : les grandes tendances de l’intérim sur 2021 - © The Adecco Group / Xavier Renauld
Alexandre Viros, président de The Adecco Group France : les grandes tendances de l’intérim sur 2021 - © The Adecco Group / Xavier Renauld

ll est passé de la transformation digitale des voyages en train à celle du travail intérimaire.

Alexandre Viros, président de la branche française The Adecco Group depuis septembre 2020, a pris ses marques dans sa nouvelle fonction.

L’ex-CEO d’e.Voyageurs SNCF (filiale digitale de SNCF Voyageurs, qui exploite l’application OUI.sncf) observe sur l’année 2021 un rebond du volumes d’offres disponibles via le réseau d’intérim Adecco. Une bonne nouvelle pour le marché, pour l’activité économique et le business.

Dans un entretien, Alexandre Viros aborde les perspectives de 2021 et les leviers de la relance économique. Il effectue aussi un point sur le déploiement du CDI-Apprenant et précise sa perception du marché des travailleurs indépendants liés aux plateformes numériques.

(extraits d’une interview accordée à notre partenaire média News Tank RH et diffusée le 19 mai)

Quelles sont les perspectives du groupe Adecco pour l’année 2021 concernant l’activité intérimaire ?

La prudence s’impose compte tenu du niveau d’incertitude, surtout que nous avons face à nous un choc totalement exogène qui n’obéit pas aux logiques économiques et financières habituelles.

Les entreprises ont appris à vivre avec le virus et font preuve de résilience car l’activité économique se poursuit malgré tout.

Par ailleurs, nous observons, grâce à Adecco Analytics, que le volume d’offres d’emploi publiées reste élevé, avec 185 000 offres d’emploi sur la semaine du 26 avril 2021.

En début de printemps, les niveaux de recrutement sont importants malgré les contraintes subies par de nombreux secteurs d’activité. Si, en plus, nous déconfinons vite, il y aura un appel d’air important.

Autre point important : les perspectives sont positives dans les secteurs d’activité qui étaient jusqu’aujourd’hui très contraints.

Les métiers de l’hôtellerie-restauration sont depuis repassés au-dessus de la barre symbolique des 5000 offres d’emplois hebdomadaires, et progressent d’autant plus vite avec les annonces de déconfinement. Par comparaison, nous étions en deçà des 2500 offres hebdomadaires en février. L’appel d’air dans ce secteur sera donc très fort, et nous devrons être capables d’y répondre.

Nos clients ont désormais des perspectives de plus long terme. Les projections n’allaient pas au-delà de la semaine ou du mois lors des deux premiers confinements. Les entreprises se projettent désormais au trimestre, voire au semestre, ce qui est un excellent signe de confiance. 

Extrait de l’Observatoire des offres d’emploi (Adecco Analytics) : des signes de reprise d’activité en mai

• Le nombre d’offres d’emploi uniques publiées sur la semaine du 3 au 9 mai 2021 s’établit à 215 908 offres.

• C’est 31 000 offres de plus par rapport à la semaine précédente (+17 %). Un record pour 2021.

• Il faut remonter à janvier 2020 pour observer un volume d’offres au-dessus des 200 000 publications. 

Le secteur intérimaire peut-il être une force motrice pour la relance économique ?

Nous avons renforcé nos dépenses de formation pendant la pandémie.

Notre conviction est que nous pouvons être l’un des meilleurs partenaires de la reprise économique. Un grand groupe comme Adecco a la capacité d’effectuer une cartographie des besoins de recrutement et des candidats disponibles sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, nous avons des dispositifs d’intelligence artificielle qui nous permettent d’être beaucoup plus précis lorsqu’il s’agit de faire un appareillement correct entre une demande et une offre d’emploi. 

Les innovations sociales que nous proposons :

  • CDI-Intérimaire ;
  • CDI Apprenant ;
  • formation via la validation des acquis de l’expérience (VAE), etc.

sont au cœur des problématiques de la reprise, qui bénéficiera très fortement à certains secteurs, tout en accentuant le déclin d’autres pans de l’économie. Il nous faudra donc aller très vite dans la mise en œuvre des reconversions professionnelles.

La politique de formation sera au cœur de la réussite de la reprise.

Le groupe Adecco répond à cet enjeu : nous avons renforcé nos dépenses de formation pendant la pandémie et nous poursuivrons cet effort en consacrant 140 millions d’euros à la formation de nos salariés en 2021.

Tous les 3 ans, 40 % des compétences deviennent obsolètes. Il me semble, contrairement à la pensée commune, que la plupart des métiers existants se maintiendra dans le futur, mais que ce seront les compétences nécessaires à l’exercice de ces métiers qui évolueront.

C’est pourquoi il est fondamental de mettre en place des dispositifs de montée en compétence tout au long de la vie, pour garantir l’employabilité de nos intérimaires et assurer l’accès de nos clients aux nouvelles compétences.

Le sujet des 20 prochaines années n’est pas un sujet d’accès à la technologie, mais plutôt d’appropriation de ces nouvelles technologies.

En octobre 2020, The Adecco Group a lancé le CDI Apprenant avec l’ambition d’en déployer 15 000 sur l’année 2021.  Où en êtes-vous ?

Nous sommes aujourd’hui à 3800 recrutements en CDI Apprenant, en phase avec notre plan de déploiement, et nous serons à 15 000 d’ici fin 2021.

C’est sûrement un des plans de recrutement les plus ambitieux parmi les entreprises de notre pays.

J’ai voulu très vite lancer ce dispositif, qui permet à un travailleur temporaire de se former sur 17 métiers identifiés comme en tension, tout en bénéficiant d’une sécurité d’emploi et de rémunération. Il s’appuie sur le socle juridique innovant du CDI-Intérimaire, car la conjoncture actuelle voit s’accentuer l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois.

Notre outil Adecco Analytics, qui scanne 100 % des offres d’emploi publiées, nous indique que 200 000 à 400 000 offres d’emplois sont en permanence non pourvues

La formation est d’ailleurs le cœur du CDI Apprenant. Elle permet en partie de répondre à cette problématique d’inadéquation, en amenant certains candidats vers les compétences nécessaires aux métiers qui recrutent aujourd’hui. Nous en avons identifiés 17, et nous recrutons tous types de personnes, essentiellement sur la base de leur savoir-être pour les former à ces métiers en tension.

La richesse du capital humain, c’est l’individu, son savoir-être, sa capacité à s’adapter. Les compétences techniques sont moins fondamentales car elles peuvent s’acquérir.

C’est un message positif que nous donnons aux candidats : nous avons confiance en leur capacité à apprendre, pour les projeter vers des métiers d’avenir.

Quel est votre avis sur le développement des plateformes de travailleurs indépendants perçues comme des concurrents déloyaux par des acteurs de l’intérim ? 

Ce progrès technologique ne doit pas devenir un nouvel avatar de la régression sociale, ce qui est parfois le cas.

Le débat est complexe, puisque les plateformes remettent en cause la relation entre l’individu et la personne ou l’entité qui la rémunère.

Jusqu’ici, c’est essentiellement le contrat de travail qui régit cette relation, en prévoyant notamment une protection pour le travailleur. Le risque à terme est que le contrat commercial se substitue progressivement au contrat de travail.

Aujourd’hui, l’évolution de l’économie fait émerger de nouvelles offres et habitudes de consommation qui font que des pratiques de travail ne rentrent dans aucun cadre légal existant. Il nous faut sur ce point regarder la réalité avec lucidité, et être créatifs sans regarder vers le passé.

Nous devons être en capacité d’inventer un nouveau schéma social.

C’est ce que le groupe Adecco fait à son échelle avec le CDI Apprenant ou avec le CDI-Intérimaire dont nous sommes un des principaux promoteurs avec plus de 41 000 personnes embauchées via ce contrat de travail depuis son lancement. 

L’époque que nous vivons est celle de la flexibilité responsable et c’est en fonction de cette réalité que nous devons réfléchir à l’avenir de la relation de travail. Des solutions restent à inventer.