Eric Didier, Comet : « Nous avons un nombre raisonnable d’experts IT mais qualifiés »
Par Philippe Guerrier | Le | Site emploi spécialisé
Le CEO de Comet, qui a pris en janvier 2019 les commandes de la plateforme de mises en relations entre freelancers IT et les entreprises, explique comment il a relancé la croissance des activités et l’intérêt des investisseurs.
Comet a pris un virage radical pour orienter son business vers la croissance.
Les activités de la plateforme de mises en relations entre freelancers IT et les entreprises ont été réorganisées sous la houlette d’Eric Didier, un entrepreneur-manager français qui dispose d’une longue expérience dans le secteur de la tech aux Etats-Unis.
Il a donné un nouvelle impulsion pour redynamiser l’offre et les efforts portent ses fruits. En qualité de COO puis de CEO de Comet, Eric Didier détaille la transformation qui a abouti à une récente levée de fonds « tactique ».
Comment avez-vous fait évoluer le positionnement de Comet ?
Initialement à sa création en 2017, Comet a démarré comme une plateforme de mises en relation entre freelances du secteur IT et les entreprises. J’ai rejoint la société en janvier 2019 pour en prendre la direction.
J’ai infléchi le positionnement de la société quasiment BtoC, en me concentrant sur les grands comptes. Ce segment de clients consomme beaucoup de sous-traitance informatique pour des raisons d’agilité en lien avec des projets informatiques qui s’échelonnent sur une période d’un an.
Avec le mécanisme du droit du travail européen aboutissant à une moindre flexibilité du marché du travail (comme les procédures longues de licenciements avec délais de préavis par exemple) par rapport à celui des Etats-Unis, pays que je connais bien pour y avoir vécu 12 ans, des acteurs aux profils d’ESN ont su prospérer dans le monde européen, ce qui est moins évident dans les pays anglo-saxons.
Aux Etats-Unis, Chez Google, 50 % des développeurs sont des employés parce qu’ils adorent la marque employeur et 50 % sont des freelancers recrutés pour leur expertise.
De plus, les grandes entreprises françaises ont parfois du mal à recruter des profils de jeunes informaticiens par manque d’attractivité ou à conserver leurs meilleurs éléments. Les grandes ESN rencontrent des difficultés similaires : en février, Capgemini a indiqué un taux d’attrition de 23,5 % en 2021.
Avec Comet, nous allons trouver rapidement - en 2 ou 3 jours - les bonnes ressources informatiques dont le client a besoin en mode chasseur de tête ou agence de freelances. Le modèle économique de Comet tourne autour du tarif journalier moyen (TJM) sur lequel nous prenons en moyenne une commission de 15 %.
Parallèlement, nous voulons chouchouter notre réseau de freelances pour alléger le fardeau administratif et pour qu’ils disposent des avantages d’un quasi-salarié.
Comment vous concentrez-vous sur une clientèle grand compte ?
Nous disposons d’une base restreinte d’experts IT dans notre notre base de données. C’est volontaire : nous préférons disposer d’une sélection avec un nombre raisonnable d’experts mais qualifiés plutôt que d’ouvrir largement la base au risque d’être déçu. Nous avons classé les besoins clients en 80 domaines avec fiches de poste conçues façon RH.
Quand j’ai repris Comet en 2019, les profils des clients étaient des PME-PMI afin de réaliser des missions de 10 à 15 jours. Désormais, nous travaillons essentiellement avec 80 grands comptes, dont le CA est supérieur à 250 000 euros, comme :
- le groupement Les Mousquetaires,
- Société Générale,
- Renault,
- GRTgaz,
- BNP Paribas.
Parmi les groupes inscrits du CAC 40, nous collaborons avec 6 d’entre eux. Nous intervenons souvent dans le cadre de contrats de plusieurs millions d’euros à l’année.
Aux Etats-Unis, nous avons suivi l’évolution en haute fréquence de la plateforme Upwork de mises en relations entre freelances et entreprises. En 2021, son CA moyen par client se situe à 3700 dollars sur un bassin plus grand d’entreprises de tailles différentes. Chez Comet, nous visons plutôt le haut de gamme : le montant moyen d’une mission s’élève à 140 000 euros avec 10 à 50 freelancers engagés par client sur une période d’un an.
Dans quel contexte avez-vous pris la fonction de COO en janvier 2019 puis de CEO de Comet ?
J’ai pris ce poste après une levée de fonds de 11 millions d’euros réalisée en mai 2018. A l’époque, Comet se trouvait en concurrence frontale avec les autres plateformes de mises en relations entre freelances IT et entreprises : gestion automatisée, self-service, cible de marché PMI-PME. A l’instar de Malt qui a levé bien plus d’argent de son côté.
Pour réussir le développement d’une société, il faut chercher une niche.
Comet devait drastiquement augmenter son CA et les 11 millions d’euros étaient en train d’être brûlé. Compte tenu de mon expérience professionnelle (aux Etats-Unis, j’ai fondé ou dirigé puis vendu 5 sociétés technologiques sur des durées moyennes de 7 ans), les investisseurs cherchaient un profil de manager plus chevronné pour définir le bon créneau et relancer la croissance de Comet.
Les résultats de ce repositionnement ont porté leurs fruits, nous devrions passer en CA de 10 millions d’euros en 2019 à 80 millions d’euros d’ici fin 2022.
Le cofondateur Charles Thomas a quitté sa fonction opérationnelle de CEO mais il siège toujours au conseil de surveillance.
Actuellement, l’effectif de Comet se situe à 54 employés. Sur les 70 personnes membres de l’équipe historique, il en reste peu. Le renouvellement de l’équipe lié à son repositionnement a été progressif et réalisé avec le plus de tact possible.
Pour quelles raisons avez-vous levé 4 millions d’euros supplémentaires au printemps 2022 ?
La levée a été réalisée auprès du fonds allemand de Redstone VC (investissement) et sa branche Bridge to Growth (dette), avec la participation d’investisseurs historiques français de Comet : Daphni, FJ Labs et Otium.
C’est une levée de fonds tactique. Comet présente un équilibre financier avec un Ebitda positif en vue d’ici octobre 2022 et dispose d’une plateforme opérationnelle prête à l’internationale. Mais le modèle tient beaucoup de la force commerciale. Nous allons recruter 17 commerciaux et 3 personnes techniques d’ici fin 2022. Chez Comet, l’activité d’un commercial est rentable au bout de 6 mois.
Je voulais consolider la croissance actuelle puis nous donnerons un coup d’accélération en 2023 pour un développement en Europe entre l’Allemagne et les Pays-Bas jusqu’au Benelux.