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Education nationale : la Cour des comptes tire la SIRHEN d’alarme

Par Philippe Guerrier | Le | Core rh

Le projet de système unique SIRHEN devait remplacer les centaines de bases de données de gestion de l’effectif du ministère. Il s’est transformé en une gabegie : 400 millions d’euros pour un SI inefficace et voué à disparaître.

Education nationale : la Cour des comptes tire la SIRHEN d’alarme
Education nationale : la Cour des comptes tire la SIRHEN d’alarme

« Le ministère de l’Education nationale a échoué à redresser le projet SIRHEN. » C’est un désaveu cinglant émis par la Cour des comptes dans son rapport 2020. Dans un chapitre, la haute autorité, en charge de s’assurer du bon emploi de l’argent public, revient sur ce programme engagé en 2007.
Face à l’obsolescence fonctionnelle et technique, il devait remplacer les outils de gestion développés depuis les années 1980 dans la perspective d’un système de gestion unique fusionnant les centaines de bases de données existantes.
Cette plateforme, dont le développement devait initialement s’échelonner sur cinq ans, avait vocation à prendre en charge les 1,1 million d’agents du ministère. Budget initial escompté : 60 millions d’euros.
Mais la Cour des comptes vient de dresser un bilan sur ce projet technologique qui a dérapé en termes de coûts et d’échelle de déploiement : 400 millions d’euros ont été mobilisés « pour la construction d’un outil qui ne gère que 2 % des personnels de l’Éducation nationale et n’est utilisable que par 200 gestionnaires RH du ministère ». Au final, ce SIRH est « voué à disparaître compte tenu de sa complexité, de sa propre obsolescence et de ses coûts de maintenance très élevé » d’ici 2025.

SIRHEN : comment redresser la barre

Le rapport de la Cour des comptes pointe du doigt une série de dérives :

  • incapacité des prestataires à livrer une version de l’outil d’une qualité apte à la prise en charge des premiers agents ;
  • instances de pilotage trop nombreuses ;
  • coûts de gestion élevés ou perte de contrôle du projet du fait de l’ampleur de prestations externalisées. 

L’autorité publique émet plusieurs recommandation pour redresser la barre :

  • achever la sécurisation des SIRH historiques « afin de prévenir tout risque d’accident majeur en y consacrant les ressources financières et humaines nécessaires » ;
  • définir d’ici la fin du 1er semestre 2020 une nouvelle trajectoire et, quelle que soit l’architecture cible, l’assortir d’objectifs crédibles, en délais et en coûts, la doter d’outils simples de suivi des réalisations et des dépenses ;
  • remobiliser par une communication large ;
  • réactiver l’ensemble des acteurs et utilisateurs des systèmes d’information des ressources humaines en veillant à la transparence des décisions prises.

Une nouvelle impulsion plus coordonnée

En octobre 2019, le gouvernement a acté le lancement d’un nouveau projet de modernisation du SIRH du ministère de l’Éducation nationale, en coordination avec la Direction interministérielle du numérique (Dinum). Un comité de priorisation et d’arbitrage des moyens a été établi pour « faciliter le pilotage budgétaire ». La nouvelle impulsion repose sur trois axes :

  • sécuriser et moderniser les différents systèmes d’information pour l’éducation des ressources humaines existants pour « assurer la continuité de service » ;
  • migrer des populations non enseignantes vers l’offre interministérielle RenoiRH (gestion administrative et de la paie) ;
  • réurbaniser des applicatifs couvrant des processus spécifiques du ministère sur des SI spécifiques.

« Cette trajectoire séquencée permettra l’abandon effectif du SIRHEN historique AGORA puis celui de SIRHEN, qui cessera d’être en service avant 2025 », selon le Premier ministre Edouard Philippe. 

Projets numériques d’Etat : vers un inventaire

La conduite par l’État de grands projets numériques suscite des débats, après les abandons successifs entre 2013 et 2014 du programme SIRH Louvois (pris en charge de la solde des militaires) et de l’ONP (gestion de la paie de plus de 2,4 millions d’agents de l’État).
Là aussi, les investissements initialement prévus se sont transformés en gabegie d’argent public : 465 millions d’euros pour Louvois et 340 millions d’euros pour l’ONP. La Cour des comptes devrait remettre un rapport ad hoc au Sénat d’ici juin 2020.

(Article réalisé avec l’appui de News Tank RH)