RH & IA : quelles pistes d’exploration pour les DRH ?
Salon Solutions RH 2025 : 5 DRH témoignent de l’usage de l’IA dans leurs organisations : Anne Esling (Clarins), Audrey Richard (Canal+, ANDRH), Nicolas Fabrykant (L’Oréal), Arnaud Seknazi (Sodexo) et Jean-Michel Guarrigues (BLB Associés).

Lors d’une table ronde intitulée « IA et RH : démystifier et agir ! » dans le cadre du Salon Solutions RH qui se déroule du 19 au 20 mars 2025 à Paris Expo Porte de Versailles, 5 DRH témoignent des initiatives RH & IA réalisées dans leurs organisations.
Anne Esling, Chief People and Culture Officer de Clarins
- « Nous croyons fort au potentiel de l’IA au service de l’humain.
- »Chez Clarins, nous avons monté un programme de formation pour embarquer tous les collaborateurs dans l’IA. Nous sommes en train de lancer un cycle de conférences sur les fondamentaux de l’IA générative à travers la Clarins Academy.
- Nous sommes en train de nommer des ambassadeurs IA en interne pour inviter chacun à progresser dans ses pratiques IA.
- Pour accélérer, nous lançons un programme de formation qualifiante pour nos experts et ambassadeurs.
- Nous nous apprêtons à lancer par vague successive un chatbot interne qui s’appuie sur la technologie d’OpenAI qui sera mis dans les mains de tous les collaborateurs.
- Cette approche permettra de sécuriser nos données dans un environnement fermé pour progresser ensemble, embrasser les changements provoqués par l’IA et favoriser des usages responsables de l’IA.
- Ainsi, dès le démarrage, [par souci de frugalité], nous avons prévu de limiter les crédits de consommation du chatbot accordés aux collaborateurs.
- Nous avons également mis en place un comité éthique de l’IA qui réunit à la demande des experts digitaux, RH, juridiques et métiers qui ont pour mission de définir l’exploitation responsable de l’IA et d’en être les garants.«
- »En tant que DRH, nous devons être moteur dans l’accompagnement de nos collaborateurs dans l’utilisation de l’IA générative. Nous aidons à identifier les cas d’usage métiers pour gagner en efficacité. Mais, surtout, nous apprenons de ces transformations spectaculaires au quotidien.
- L’IA va provoquer un saut de compétences pour l’ensemble des métiers et au-delà (analyses des données, développement de l’esprit critique…). Cela peut aussi nous amener à questionner notre modèle d’organisation voire de gouvernance.«
Audrey Richard, DRH de Canal+ et présidente nationale de l’ANDRH
« Au sein du groupe Canal+, nous voulons que tous les collaborateurs montent en compétences dans l’IA. Nous avons une équipe lead qui nous aide dans ce sens. Nous essayons de regarder les grands process en entreprise, métier par métier, et de décortiquer pour voir où l’introduction de l’IA générative et prédictive ferait sens et comment avancer dans nos projets sous un angle éthique. »
« Selon l’enquête ‘ANDRH Actualité sociale : les DRH ont la parole’ réalisée auprès des membres de l’association et publiée en octobre 2024,
- 35 % indiquent que l’implémentation de l’IA dans leur structure est un projet ;
- 8 % ont mis en place des formations à l’IA pour tous ;
- 15 % ont mis en place des formations à l’IA pour certains métiers ;
- 6 % ont mis en place une charte pour cadrer l’utilisation de l’IA.
- Cette course à l’IA avec son appel au passage à l’action crée de l’anxiété alors que l’étude ANDRH montre que la tendance à l’exploitation de l’IA n’est pas fulgurante. Peu de PME françaises se sont vraiment préparées. Si certaines écoles d’enseignement supérieurs ont mis le paquet sur les compétences associées à l’IA, ce n’est pas le cas des entreprises.
- En tant que DRH, notre responsabilité est vraiment de se préparer en termes de sensibilisation et de mise à disposition de ressources sur l’IA pour s’informer. Les 2 jours de la dernière Université de l’ANDRH (juin 2024) portaient uniquement sur l’IA en rassemblant les entreprises et les experts.
Nicolas Fabrykant, Global HR Director, NEO Transformation Program de L’Oréal
- « Il y a 10 ans, j’ai été pionnier sur le sujet de la data avec mon premier poste au sein de L’Oréal qui était nouveau autour de la HR efficiency et de People Analytics. On parlait aussi de talent intelligence de manière un peu pompeuse.
- Le pouvoir de la donnée est un appui énorme pour les DRH pour mieux travailler avec d’autres business partner comme le directeur financier. Si on analyse les usages IA sur les 3 dernières années, nous sommes loin de ce qu’on pouvait espérer ou de ce qui avait été promis par le marché. Nous avons mis en place un chatbot interne (L’Oréal GPT).
- L’IA, c’est un peu l’équivalent du take-off dans la pratique du surf, on prend de l’élan pour prendre une vague mais on ne sait pas si c’est vraiment la bonne. Il faut savoir prendre des risques.
- N’attendez pas pour commencer à travailler sur des stratégies IA qui constituent un grand potentiel de transformation de l’entreprise.
- Après l’IA générative et l’IA prédictive, il est prévu l’arrivée d’agents IA qui auront une vision complète de la chaîne de valeur. »
Arnaud Seknazi, DRH de Sodexo
- « L’essor actuel de l’IA me rappelle l’émergence de l’Internet dans les années 90 où l’on ne savait pas vraiment quelle direction prendre. C’était compliqué de se projeter. Avec le recul, on sait que le monde a complètement changé. Qui aurait pu imaginer les volumes de data, les réseaux sociaux, les capacités de bande passante, la visioconférence et le télétravail…
- C’est difficile aussi de savoir ce que l’on pourra faire avec l’IA. En tant que DRH ou au nom des entreprises plus généralement, j’ai le sentiment que l’on nous demande de jouer Madame Irma. Bien sûr, à travers les salons professionnels, les éditeurs de logiciels poussent des pistes d’exploration d’usages de l’IA. Mais, de notre côté, nous avons besoin de temps.
- C’est faux de croire qu’il est facile d’intégrer ChatGPT dans les organisations. Il existe des contraintes techniques, juridiques, éthiques et finalement financières.
- Demain, les organisations seront forcément transformées avec l’appui de l’IA et de collaborateurs augmentés. »
- « Il faut d’abord instaurer un socle commun avec une première phase d’acculturation à l’IA. La peur de perdre son job à cause de l’IA ne doit plus être un sujet tabou. Il faut ouvrir le dialogue avec les experts en interne ou externe comme des conférenciers.
- La 2e étape portera sur l’appropriation de l’IA par les collaborateurs à travers leur travail avec des outils comme une version professionnelle de ChatGPT ou Microsoft Copilot. Les retours d’expérience sont importants pour avancer.
- La 3e étape porte sur l’intégration par groupes d’intérêt, par équipes, par divisions pour déterminer ce qu’il est possible de mettre en place autour de l’IA. Pour mener des projets IA, nous avons établi 3 critères : gain de productivité, efficacité et qualité de travail.
- Je pense que nous nous inscrivons davantage dans une transformation plus culturelle que technologique. Le rôle du DRH est de renforcer la force de proposition humaine en entreprise.
Jean-Michel Guarrigues, Directeur associé BLB Associés
« Ce qui est extrêmement troublant avec l’IA, c’est que l’on vient à peine d’aborder une étape que se profile déjà la suivante. Alors que l’impact RH se calcule sur du temps long. Elles s’opposent dans ce sens à la finance.
- La finance, c’est l’optimisation des comptes sur un temps court ;
- Les RH, c’est l’optimisation des investissements sur un temps long. »
« Nous venons de passer de l’IA à l’IA générative et nous voyons poindre l’IA quantique avec les premiers ordinateurs quantiques attendus à l’horizon 2028 - 2029. C’est déjà demain. C’est à comparer avec l’application de la loi Rixain du 24/12/2021 sur une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises. »
Loi Rixain : prochaines étapes
Voici le contexte des prochaines étapes sur la parité des comités exécutifs :
• À compter du 01/03/2026 : atteindre un objectif d’au moins 30 % de femmes et d’hommes cadres dirigeants et d’au moins 30 % de femmes et d’hommes membres d’instances dirigeantes
• À compter du 01/03/2029 : les objectifs chiffrés passent de 30 % à 40 %.
- « Tout va très vite avec l’IA mais avons-nous les moyens de réfléchir et se poser les bonnes questions pour les mises en œuvre de l’IA ?
- Avec une PME d’une centaine de salariés, la configuration est cernée. C’est plus compliqué pour les déploiements dans les grands groupes avec des filiales à l’étranger et des centaines de milliers de salariés. Prenons le cas de Sodexo qui est le premier employeur privé français dans le monde avec 430 000 collaborateurs.
- Comment appréhender de manière sérieuse le déploiement initial d’une solution IA dont on ne peut pas faire l’économie mais avec l’étape suivante qui se profile déjà ? Je ne vois pas pourquoi ce rythme rapide d’innovation avec sa forte incidence en entreprise changerait. Difficile de voir ce qui va se passer dans 5 ou 10 ans dans ces conditions.
- L’autre risque pour les RH, c’est de s’engager sur des voies fausses IA à partir de données seulement fiables à 50 ou 60 % issues d’outils comme ChatGPT. Nous nous embarquons dans un monde rempli de fausses réponses mais avec des bonnes questions. »
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Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines