Tribune - Entelo : l’algorithme intelligent qui en dit plus que votre CV
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Si on vous dit Big Data, vous rétorquez algorithme ; car il ne sert à rien d’accumuler l’information si on ne sait pas chercher dedans. Entelo l’a bien compris et a créé un algorithme prédictif pour aider les recruteurs à décrypter l’information
Algorithme, prédiction, les nouvelles ressources humaines ?
45 millions de candidats qui ne le savent pas, qui ne savent pas qu’on sait, et ce qu’on sait d’eux. C’est la base de données d’Entelo, constituée en agrégeant toutes les informations personnelles trouvées dans 70 sites, parmi lesquels Linkedin, commentaires ou posts dans les médias sociaux. Chaque « candidat » correspond à une personne avec au moins une expérience professionnelle et un contact, enrichi selon les cas de ce que le candidat a laissé sur la toile. Il ne s’agit que de données publiques, utilisables par un tiers, ce dont l’internaute n’a probablement pas toujours conscience soit dit en passant. L’algorithme permet aux professionnels de chercher avec quelques 100 variables leurs futures recrues.
Jusqu’ici, rien de vraiment nouveau. Ce qui fait dire à Kyle Paice, VP Marketing d’Entelo, qu’il n’a pas de concurrent direct, c’est que leur algorithme serait le seul à être prédictif. Explication : leurs deux outils stars sont l’identification des internautes les plus susceptibles de bouger et l’identification de données personnelles anonymes au service de la diversité.
Un changement de job, le profil le dit
La base d’Entelo s’enrichit et apprend. A chaque donnée qui se répète chez un nombre significatif de candidats, elle en déduit de nouvelles informations. Ainsi, Entelo est capable de marquer les candidats « more likely to move », c’est-à-dire les individus « qui présentent 6 fois plus de risque de quitter leur emploi dans les 120 jours » -durée à prendre en compte dans un contexte américain. Le principe consiste à détecter des combinaisons de critères communs tels que âge et temps passé dans un poste, et des événements tels que reprise d’activité dans un réseau social, annonce de licenciement dans une entreprise, qui pourraient entrainer des départs. Lorsqu’Entelo a testé l’outil avant son lancement, 30 % des profils supposés mobiles ont effectivement quitté leur entreprise.
30 % n’est « que » 3 personnes sur 10, pour conforter ceux qui pensent qu’il y a trop de variables dans les choix de vie d’un travailleur pour s’en remettre à la technologie. Néanmoins, c’est aussi « déjà » 3 personnes sur 10 qu’un seul outil automatique a su dénicher. Une lecture statistique de l’information qui peut profiter au recruteur lorsqu’il s’agit de gagner du temps ou d’orienter une négociation, et qui peut surtout aider l’employeur à anticiper des départs dans ses rangs.
Que devient le CV à l’heure du Big Data ?
Autre usage plus sournois de l’algorithme : l’identification de données comme sexe ou nationalité, confidentielles sur un CV américain, qui deviennent autant de filtres de recherche. Là encore, l’analyse automatique de données communes à différents profils permet à Entelo de catégoriser la personne. L’usage médiatisé par Entelo est noble : promouvoir la diversité dans les équipes, prenant souvent en exemple les organisations fédérales qui se doivent d’être multiculturelles ou la difficulté de monter des équipes mixtes dans certains métiers. De l’aveu de Kyle Paice, on ne pourra jamais empêcher un recruteur d’utiliser l’outil à des fins de discrimination illégale de CV, mais Entelo n’en est pas responsable.
Créée en 2011 la société a levé un total de 8,7 millions de dollars dont 4,9 millions en septembre dernier pour se développer aux USA puis à l’international, auprès des professionnels uniquement.
Attendons de savoir qui créera en réponse un service similaire pour les internautes : ne veulent-ils pas savoir ce que les recruteurs savent vraiment d’eux ? Ont-ils une idée de ce que contiendrait leur propre profil en matière d’expériences, compétences ou centres d’intérêts supposés ?
A propos de l’auteur :
Isabelle Vrilliard a dirigé le site AVendreALouer.fr de 2011 à 2013, suite à un parcours exclusivement web à la tête des services marketing de Cadremploi.fr et ParuVendu.fr. Aujourd’hui expatriée en Floride, elle épluche les oranges et l’actualité de l’emploi en ligne américain.