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SIRH intégré ou best of breed : l’orientation vers une alternative hybride

Cet article est référencé dans notre dossier :
Dossier SIRH intégré ou best of breed : le choix décisif avec l’essor de l’IA


Expert dans le conseil SIRH venu du monde bancaire, Christian Verhague aborde plusieurs facettes pour bien démarrer le déploiement d’une plateforme RH : transformation des SIRH et IA, qualité de données, comité de pilotage…

SIRH intégré ou best of breed : vers une alternative hybride ? - © Image générée avec Dall-E
SIRH intégré ou best of breed : vers une alternative hybride ? - © Image générée avec Dall-E

Christian VERHAGUE, Axium RH - © D.R.
Christian VERHAGUE, Axium RH - © D.R.

Après avoir travaillé pendant plus de 6 ans au sein du groupe bancaire BPCE puis collaboré avec le cabinet conseil en performance Ayming en se concentrant sur le domaine SIRH, Christian Verhague devient consultant indépendant avec sa propre structure (Axium SIRH) pour délivrer du conseil en amont des projets SIRH déclenchés par des organisations.

Pour RH Matin, il affine l’analyse sur les choix d’implémentation d’un SIRH : entre approche intégrée ou best of breed, il existe un mode hybride qui permet de briser la dimension bipolaire pour le déploiement d’une plateforme.

Transformation des SIRH et IA, qualité de données, comité de pilotage… Christian Verhague aborde de nombreux volets pour méditer sur la manière d’aborder le déploiement d’une plateforme pour les DRH et les collaborateurs.

SIRH  : entre approche intégrée ou best of breed, le modèle hybride

« Entre les 2 visions « intégrée » ou « best of breed », il existe un chemin hybride que l’on voit de plus en plus sur le marché.

  • Approche intégrée. C’est perçu comme le Graal, en raison de la simplicité d’administration : une seule plateforme, une expérience collaborateur unique, des interfaces standardisées.
  • Approche best of breed. Cela reste l’apanage des grandes organisations. C’est la recherche de la meilleure expérience possible, outil par outil, en fonction des process RH. Même s’il faut dépasser cette vision idéale par expérience.
    • L’administration centrale d’un SIRH avec les applications multiples autour se révèle plus compliquée : accès multiples pour les administrateurs et les utilisateurs finaux, différences d’interfaces utilisateurs, multiples API à gérer…Si vous n’avez pas une DSI derrière, cela peut devenir infernal.
    • Pour avoir vécu cette situation dans un groupe bancaire qui disposait d’importantes équipes informatiques, il fallait faire preuve de patience et de pédagogie pour solliciter la DSI qui avait d’autres priorités.
    • De plus, nos solutions étant évaluées par des experts qui supervisaient la sécurité bancaire de tous les process, j’étais confronté à des contraintes de sécurité informatique extrêmement fortes, y compris pour les process RH

  • « Illustrons le mode hybride par un exemple pris dans mon parcours de consultant chez Ayming :
    • en accompagnant une société disposant de moins d’un millier de collaborateurs dans le secteur de la santé, le DRH souhaitait porter son attention en priorité sur un choix best of breed pour chercher le meilleur dans chacun des process.
    • J’ai pris du temps pour lui expliquer que, si tout est possible dans la modularité, le coût financier risquait d’être rédhibitoire, avec notamment la nécessité de recruter un administrateur RH.
    • Je l’ai amené à se tourner vers des solutions intégrées comme Workday, SAP, ou Oracle alors qu’il existe des alternatives pour le mid-market comme Lucca, Altaïs ou Crosstalent.
  • Généralement, quel que soit l’éditeur de solutions intégrées, le travail est bon mais il existe des points faibles à identifier qui peut susciter des choix contre-productifs.
    • J’ai un autre cas client en tête d’une entreprise dans le domaine médico-social avec un effectif de 700 collaborateurs et dotée d’une petite DSI.
    • La DRH hésitait à adopter Lucca, qui dispose d’une suite de qualité mais se révèle moins bon sur la partie de la formation. Et c’est justement sur ce domaine que la société voulait développer des projets importants. Au final, la décision a été prise de conserver Lucca comme solution intégrée mais d’adopter un module tiers pour la formation.
    • C’est ce que j’appelle un choix de configuration hybride : conserver les modules RH essentiels en intégré, et trouver une solution complémentaire pour des besoins spécifiques.

  • De multiples configurations sont possibles à envisager. S’il vaut mieux séparer la paie de la gestion RH, qui constituent 2 gros morceaux, il faut aussi regarder les sujets RH qui vont s’imbriquer de manière naturelle. Par exemple, la partie formation est à rapprocher des parties entretien et développement des compétences. Souvent, les éditeurs de solutions venus du SIRH ont de belles suites RH mais se révèlent plus fragiles sur la paie. Et vice-versa. »

Expérience utilisateur : volet essentiel

« L’expérience utilisateur est super importante mais la configuration du projet SIRH change en prenant des éléments comme l’environnement de travail (sédentaire, nomade ou mobile) et les populations concernées (experts RH, managers, employés…).

L’an dernier, j’ai accompagné un groupe de transport urbain qui disposait d’un effectif composé de deux tiers de conducteurs (bus, trams, trains, etc.). Dans ce cas spécifique d’une grande partie des employés qui ne disposent pas d’un accès à un ordinateur pendant leur travail, qu’attendre de l’expérience collaborateur autour d’un SIRH ? Leurs attentes sont forcément différentes des collaborateurs situés au siège de l’entreprise. On peut décliner cette problématique à l’industrie.

Dans les sites de production, les employés disposent de combinaison de protection, l’environnement est bruyant, les ordinateurs servent uniquement au pilotage de l’usine…Alors où se trouve le SIRH dans ce type d’environnement ?

La meilleure expérience utilisateur, c’est celle dont a besoin.

Dans ces cas d’usages et d’expérience collaborateur, le choix se porte davantage vers les solutions mobiles en adaptant les services RH en responsive design pour trouver l’information essentielle le plus rapidement possible. »

Transformation des SIRH et IA

  • « Dans le métier d’expert SIRH, on commence à placer des fonctionnalités IA dans les modules. De belles annonces sont réalisées de la part des éditeurs de solutions RH mais attendons de voir ce que cela donnera concrètement.
    • Néanmoins, tout s’accélère d’un point de vue technologique et nous utilisons déjà souvent l’IA sans le savoir. C’est le cas avec les outils de recrutement et leurs fonctionnalités de matching, qui ont été déjà été intégrées avant l’arrivée de l’IA générative en 2022 [popularisé par ChatGPT d’OpenAI] qui permet d’améliorer la rédaction des contenus des offres d’emploi et de mettre en avant les bonnes compétences. »

« Il existe un terrain de jeu dans lequel l’IA peut avancer rapidement : la relation avec les salariés via un portail. J’ai déployé mon premier chatbot en 2013. A l’époque, on rédigeait les réponses nous-mêmes que l’on avait déjà transformé. L’IA générative permet de libérer le potentiel des chatbots, même s’il vaut mieux vérifier les réponses générées car les risques d’hallucinations restent importants. »

« L’IA est aussi prête ou quasi-disponible pour générer des attestations professionnelles ou des contrats. Après, dans les métiers de gestion de paie, les éditeurs comme Cegid commencent à réaliser des annonces qui restent à concrétiser. Pour l’instant, cela reste davantage dans le domaine de la relation avec le salarié. Dans l’écosystème des start-ups, on voit des nouvelles approches intéressantes à suivre comme un moteur de recouvrement des IJSS intégrant l’IA. Une start-up de l’incubateur de Cegid à Station F travaille sur le sujet. »

  • « Sur la partie SIRH et IA, il y a des choses intéressantes autour de la gestion des entretiens avec des masses de données collectées mais peu exploitées par les DRH.
    • L’IA devrait favoriser l’usage des feedbacks au fil de l’eau à partir de baromètres plus réguliers plutôt que d’attendre la période des entretiens annuels.
    • Les DRH veulent détecter des signaux faibles et les tendances dans des équipes et les collaborateurs et déterminer les sujets RH prioritaires (problématique de management, sujets environnementaux…). »

Qualité de la donnée

« Plus la tentation sera grande d’exploiter l’IA, plus il faudra vérifier la qualité de la donnée dans les SIRH.

  • Tout dépend de l’évolution du périmètre de l’entreprise. Par exemple, Natixis, c’est une somme de fusions d’entreprises sur 30 ou 40 ans. Un collaborateur qui a 20 ans d’ancienneté peut disposer de plusieurs dates d’entrées en entreprise différentes. L’historique était compliqué à suivre.
  • Même si les données sont de qualité, il y a la structuration de la donnée pour identifier la golden source à déverser dans un environnement de type BI ou datalake. Une même donnée pouvait se situer dans des entrées différentes (GTA, paie…). Il existait aussi des conflits de données entre les outils RH.

En cas de création d’un nouveau SIRH ou de migration, le travail sur la qualité de donnée est réalisé en amont. La structuration de la donnée est réalisée avec la définition du nouvel outil.

  • Pour la gestion de la paie avec la distribution des feuilles de salaire en papier envoyée à domicile, l’adresse postale des salariés était bonne souvent et longtemps. Donc de qualité.
  • Mais, avec la dématérialisation des bulletins de paie avec hébergement des documents dans PeopleDoc ou Digiposte, on est moins sûr de la qualité de donnée. Et surtout, on exploitait plusieurs référentiels, dont Hexaposte exploité par PeopleDoc. »

Déploiement d’un SIRH : les recommandations

  • « Je vois souvent des problèmes de délais de de contractualisation qui peuvent s’étendre par rapport à ce qui était prévu dans l’appel d’offres. Et souvent, la partie IT est la plus compliquée (préparation des infrastructures et des interfaces). Il vaut mieux intégrer la DSI dès la constitution de l’équipe projet RH et l’élaboration de l’appel d’offres pour éviter des risques de sous-dimensionnement de l’infrastructure que l’on découvre ultérieurement.
  • Il ne faut pas se tromper sur la manière de déployer le SIRH. Un planning de déploiement de solutions RH doit avoir du sens et être aligné avec le rythme de vie et d’activité en entreprise. Je conseille à mes clients de fournir des éléments de calendrier RH aux fournisseurs dès l’appel d’offre. Par exemple :
    • il est inutile de déployer rapidement un module d’entretien en mars si l’exercice commence en novembre.
    • pour un changement de solutions GTA, il vaut mieux qu’il intervienne au moment où la société remet les compteurs à zéro lors du démarrage d’un nouvel exercice fiscal.

  • J’aime bien demander aux DRH quelle solution RH constituera l’effet « Waouh ! » dans la conduite de changement et de transformation RH.« 

Comité de pilotage pour un déploiement SIRH

  •  »C’est une instance qui suit le déroulement le projet et qui prend des décisions en fonction des risques et des arbitrages. Le niveau est élevé : Il ne faut pas percevoir cette instance comme un comité technique (il y a des comités projet pour cela). Pour les grands groupes, il peut même y avoir un comité stratégique avec le CEO et la DRH du groupe et le dirigeant du fournisseur de solutions RH partenaire.

  • De manière basique, dans un comité de pilotage, il faut 2 directeurs de projets ou chefs de projets côté entreprise et côté éditeur. Eventuellement un troisième chef de projet en cas de partie AMOA. Après, il faut une strate de décideurs. Il faut le sponsoring du DRH (ou responsable adjoint) sur un projet SIRH, qui doit être présent, comme un responsable de la DSI.

  • Il y aura aussi un directeur de la transformation pour la conduite du changement.

  • Il faut aussi une implication soutenue du Comex car le déploiement d’un SIRH doit être considérée comme une véritable transformation de l’entreprise qui touche l’intégralité des salariés."

Concepts clés et définitions : #SIRH ou Système d'Information des Ressources Humaines , #DRH ou directeur des ressources humaines