Stéphane Roder, AI Builders :« Avec les agents IA, un DRH pourra déléguer le travail administratif »
La nouvelle vague de l’IA agentique a vocation à donner un nouveau coup d’accélérateur technologique dans les entreprises. Elle pourrait se révéler précieuse pour rendre la fonction RH plus efficace. Le point avec Stéphane Roder, Président et fondateur d’AI Builders.

Quel est le potentiel des agents IA pour les usages en DRH ?
Une masterclass « Impact de l’Agentic AI sur l’entreprise », organisée le 13 mars 2025 au siège du groupe parisien Pernod Ricard par AI Builders, du nom d’un cabinet conseil spécialisé dans l’accompagnement stratégique du déploiement de l’IA dans les entreprises, a permis de faire le point sur cette nouvelle vague technologique qui succède à l’IA générative.
En marge de cette conférence d’acculturation à l’IA agentique, Stéphane Roder, Président et fondateur d’AI Builders, précise la portée des transformations relatives à la fonction RH.
Caractéristiques d’un agent IA
Un agent IA ou agent autonome est composé d’un moteur et d’un LLM orchestrateur. Voici ses principales caractéristiques :
• raisonnement,
• attribution des outils,
• exécution des sous-tâches,
• observation du résultat intermédiaire,
• composition de la réponse.
Principal avantage : un agent autonome peut développer ses propres outils et générer ses propres accès aux API.
Il a vocation à entrer en profondeur dans l’intégration de tous les environnements de travail (applications bureautiques et applications métier).
Après l’IA générative symbolisée par l’essor de ChatGPT à partir de novembre 2022, l’ère des agents IA ou agents autonomes démarre. Dans quelle mesure la fonction RH va-t-elle se transformer ?
Nous avons essayé beaucoup de choses avec l’IA générative et la fonction RH, notamment sur la partie du recrutement. Malgré la digitalisation progressive de la DRH, il reste encore une partie très manuelle : la gestion administrative.
Les agents IA (ou agents autonomes) associés à la fonction RH permettront de comprendre non seulement le contenu des documents mais aussi les règles métier. Les DRH pourront donc déléguer toute ou une partie du travail administratif.
Lors de la session « Masterclass AI Builders : impact de l’Agentic AI sur l’entreprise » organisée le 13/03/2025 au siège de Pernod Ricard (Paris VIII), plusieurs exemples ont été donnés :
- Gestion de l’allocation des tickets-restaurants dans une entreprise de 200 personnes. Elle peut se révéler complexe selon le contexte (« La personne était-elle absente ? », « Était-elle en arrêt maladie sur une période donnée ? », « A-t-elle droit aux titres-restaurants au regard de son contrat ? »). Tout cela est géré manuellement.
- Demain, la gestion des titres-restaurants pourrait être déléguée à un agent autonome.
- Le temps humain passé dessus pourrait être divisé par 10.
- Gestion administrative : les fiches collaborateurs qui ne sont pas complètement remplies car il faut chercher les informations dans des documents éparpillés dans plusieurs SI. C’est considéré comme une perte de temps alors que la DRH en a besoin.
- Réalisation de la paie : le contrôle lors de la saisie des données consiste à vérifier s’il n’y a pas d’incohérence entre la précédente fiche de paie et la nouvelle, en croisant les différents SI pour vérification. C’est un processus de réconciliation des données qu’un agent autonome pourrait prendre en main, à condition de lui transmettre les bonnes règles métier et les bons process de validation.
Va-t-on parvenir à une segmentation par agent IA des tâches RH (paie, recrutement, gestion administrative…) ?
Effectivement, nous aurons d’abord des agents très verticaux qui exécuteront une tâche.
On verra après dans quelle mesure les agents autonomes sont capables de travailler de manière collaborative et comment les utiliser comme des outils pour effectuer le travail.
En mars 2023, lors d’une masterclass sur l’impact des GPT, vous indiquiez que la fonction RH était le parent pauvre de la transformation digitale. Les DRH rattraperont-ils leur retard avec les agents IA ?
Avec les agents IA, il sera plus facile de structurer et de réconcilier les données RH dans le sens d’une unification et d’une exploitation cohérente.
La gestion administrative dans les RH devrait être le premier service support à adopter les agents IA, puis la fonction achat.
Les agents IA se révèlent pertinents dans des environnements complexes d’exploitation de données. Quels sont les DRH concernés en premier lieu ?
On pense d’abord aux DRH des groupes du CAC 40, mais on peut élargir la liste aux entreprises du SBF 120.
À partir d’un effectif de 200 collaborateurs, des tâches RH peuvent être déléguées à des agents IA pour gagner en productivité.
Le ROI dans les ETI est facile à démontrer si les déploiements sont réalisés de manière efficace. Car, par conséquent, les ETI sont les parents pauvres de l’IA. Ne parlons pas du cas des PME…
La gestion d’un SIRH est-elle chamboulée avec l’émergence des agents IA ?
On ne peut pas casser un SIRH. Il vaut mieux le consolider avec des agents IA dans un premier temps. Avant de le déconstruire en donnant la priorité aux agents IA.
Pourquoi maintenir un SIRH si je peux diminuer les coûts d’exploitation IT avec des agents IA ? Des sociétés technologiques comme Klarna (Suède, expert en paiement fractionné) ou Jumia (Nigeria, un des leaders de l’e-commerce en Afrique) avancent dans ce sens.
Au lieu de maintenir du développement en mode récurrent (« SaaS »), il suffit d’investir en une seule fois pour développer des agents IA. La tentation sera grande de comparer le coût d’un SIRH à celui pour la conception d’agents IA.
Avec les agents IA, vous évoquez les tendances à la ré-internalisation des services et au transfert des expertises des collaborateurs humains vers les agents autonomes. Par exemple, les entreprises seraient-elles tentées de rapatrier la gestion de la paie qui a été externalisée ou traitée dans des CSP ?
C’est une vraie question. Pour la gestion des factures ou la relation client, le recours au BPO était évident car les tâches n’étaient pas si complexes à externaliser.
Avec les agents IA, cette question de la réinternalisation des services est à lier avec l’expression de Satya Nadella, CEO de Microsoft : « SaaS is dead » [ndlr : que l’on peut interpréter comme : l’exploitation d’application en mode hébergé à l’extérieur de l’entreprise n’a plus de sens].
La réalisation d’un bulletin de paie pourrait être réalisée par un agent IA qui récupérerait les données essentielles sur plusieurs SI. Dans tous les cas, ce n’est plus de la science-fiction.
• A consulter en complément sur RH Matin : Dossier transformation IA - RH : quelle appropriation par les DRH ?
Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines, #SIRH ou Système d'Information des Ressources Humaines