Abdoul Benamer, i-Oasis : « Nous travaillons avec 300 organismes de formation autour de la 3D »
Salon Solutions RH 2025 : Abdoul Benamer, CEO et fondateur d’i-Oasis, explique comment son studio développe des solutions innovantes 3D pour la formation professionnelle et comment il collabore avec CCCA-BTP et France Travail.

La réalité virtuelle appliquée à la formation professionnelle a encore de beaux jours devant elle. La preuve avec i-Oasis, du nom d’un éditeur de solutions 3D dont la création remonte à 2028.
A la fois ingénieur et entrepreneur, son fondateur Abdoul Benamer explique comment il développe l’innovation à taille humaine.
Comment mettez-vous la 3D au service de la formation ?
i-Oasis est un studio de développement de modules de réalité virtuelle, dont la création remonte à 2018. C’est un spin-off de l’organisme de formation IFFEN (Institut français de formation énergétique). À l’époque, nous avons pris conscience qu’il manquait d’outils pédagogiques en 3D.
- Côté apprenant, nous apportons notre expertise de la formation à travers la 3D pour apprendre les gestions essentielles. On peut se tromper de gestes dans les environnements virtuels, mais cela reste amusant. Même en déclenchant par inadvertance un incendie, le stagiaire n’est pas physiquement placé en situation de danger. Lorsque les vrais gestes sont maîtrisés, on peut basculer vers des situations dans des conditions réelles sur des sites réels.
- Côté formateur, nous leur laissons la liberté totale pour exploiter notre plateforme 3D au service de leurs contenus pédagogiques.
i-Oasis a développé des séries de modules de réalité virtuelle dans des situations de formation terrain ou de cas d’usages professionnels les plus réalistes possibles dans plusieurs domaines :
- le merchandising avec la création de centres commerciaux virtuels servant d’espace de formation et le recours à des avatars alimentés par IA qui peuvent jouer le rôle du client d’un magasin,
- la sécurité,
- l’énergie avec des interventions dans des installations complexes pour gérer différents paramètres : froid, climatisation, ventilation…
Quels types de clients disposez-vous ?
Nous travaillons avec 300 organismes de formations avec l’appui de l’écosystème du CCCA-BTP. Nous travaillons aussi avec quatre grandes entreprises de grande taille, dont certaines figurent au CAC 40 comme Derichebourg ou Engie.
En sept ans, nous avons développé une quarantaine de modules 3D et disposons d’une base de données de 65 000 objets 3D.
Par exemple, le ministère de la Justice nous a demandé de créer un centre de détention virtuel intégré dans un module de formation développé en trois semaines et destiné aux agents pénitenciers. Nous avons développé le scénario d’une intervention d’évacuation d’un détenu incarcéré dans une cellule en cas d’incendie.
Comment développez-vous vos modules 3D ?
i-Oasis dispose d’une équipe de 35 collaborateurs, dont 25 développeurs informatiques et 10 graphistes en charge de la création des environnements virtuels 2D, de la conception des UX et des objets 3D avec l’appui du logiciel 3ds Max (Autodesk).
Nous nous concentrons sur le développement des usages par des casques de réalité virtuelle (Oculus 3 ou Pico 4), mais nous sommes en mesure d’exporter les sources pour des applications mobiles, PC ou tablettes car nous sommes propriétaires des modules.
Nous avons très peu de demandes concernant l’exportation des modules vers un ordinateur.
Dans vos projets R&D, comment évolue la 3D haptique ?
Cela progresse beaucoup sur fond d’adoption générale de la 3D par les entreprises dans le cadre de la formation. Il existe une certaine acculturation dans ce sens depuis trois ans.
Pour aller plus loin, en 2023, i-Oasis a décidé d’innover sur le volet haptique avec des gants intégrant des capteurs permettant de ressentir des sensations. Par exemple, l’apprenant peut entrer en immersion dans un environnement pour toucher des machines avec des tuyaux qui vibrent. Ce qui rend la scène encore plus réaliste.
Désormais, nous disposons d’une combinaison haptique complète et réalisons une expérimentation avec l’Armée de terre dans ce sens.
À ma connaissance, nous sommes la seule société technologique française à développer ce sujet à côté de Tesla aux États-Unis. Une dizaine de dépôts de brevets sont en cours dans ce sens.
Les efforts de R&D d’i-Oasis sont réalisés sur les fonds propres. Nous y consacrons 30 % du CA : cela doit être une priorité pour l’entreprise.
Par exemple, nous avons développé un kit d’odeur utile pour des endroits où des câbles électriques ont été installés. L’objectif est d’apprendre à exploiter au maximum nos cinq sens dans les environnements professionnels.
J’ai beaucoup appris à ce sujet avec ma formation initiale d’ingénieur et mon parcours d’une dizaine d’années dans des centres de recherche.
Quelle est la place de l’IA dans les développements technologiques d’i-Oasis ?
Nous intégrons l’IA dans tous nos projets 3D. L’IA est un passage obligatoire. Nous sommes en 2025. Il faut s’y mettre sous peine d’être dépassé.
Comment collaborez-vous avec le CCCA-BTP ?
C’est une super rencontre. Presque une histoire d’amour. En fait, il s’agit de très bons pédagogues qui ont compris l’avenir de la formation dans le BTP. Il faut un renouveau des approches métiers et compétences dans un univers qui n’est pas forcément attractif a priori.
i-Oasis n’est pas le seul prestataire à travailler sur la 3D avec le CCCA-BTP. Ainsi, nous avons monté un consortium pour répondre à l’appel à projet multithématiques Deffinum lancé en 2022 dans le cadre du programme d’investissements d’avenir France 2030 : nous avons décroché 14 M€ pour mener ce projet. C’était la plus grosse enveloppe financière attribuée dans ce lot.
Quelle collaboration avez-vous mis en place avec France Travail ?
Notre mission consiste à former des bons candidats prêts à entrer sur le marché du travail et rencontrer des recruteurs. Mais il faut passer le cap de l’entretien d’embauche, qui peut se révéler rédhibitoire, alors que le candidat dispose des qualifications techniques et des diplômes requis.
- Avec France Travail, nous avons développé un environnement 3D pour entraîner nos candidats avec 7 profils psychologiques de recruteur virtuel (« sympathique », « empathique », « rigoureux »…) et les bousculer dans cet exercice. Nous utilisons également une IA pour ce projet (un LLM open source) pour vérifier si le candidat a des compétences (hard skills et soft skills) nécessaires.
- À la fin de l’entretien en 3D, on dresse un diagramme de Kiviat, une sorte de toile d’araignée de compétences. L’objectif est d’expliquer au candidat ce qu’est une fiche de poste avec les compétences requises. Certains candidats ont du mal à parler d’eux-mêmes et à se mettre en valeur alors qu’ils disposent de toutes les compétences requises.
- Une première expérimentation baptisée « Recrute-moi » a été lancée dans ce sens avec une centaine de candidats, un certain nombre d’agences France Travail en Île-de-France et des candidats de divers profils et de divers âges. Elle a démarré en décembre 2024, pour une fin prévue en juin 2025, avec l’objectif de multiplier les « sorties positives » (poste CDD ou CDI décroché, reconversion professionnelle acceptée, proposition de parcours validé de montée en compétences…).