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Think RH 2023 : recrutement, métiers en tension, marque employeur…les réalités du marché du travail

Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail

Dans le cadre de la convention Think RH 2023 organisée le 29 juin 2023, 4 experts RH ont partagé leur expérience : Aurélie Feld (LHH France), Majda Vincent (Sodexo France), Bernard Augris (Crédit Agricole Normandie Seine), Géraldine Plenier La Tieule (Fondation Mozaïk).

Think RH 2023 : les réalités du marché du travail avec LHH, Sodexo, Crédit Agricole et Mozaïk - © D.R.
Think RH 2023 : les réalités du marché du travail avec LHH, Sodexo, Crédit Agricole et Mozaïk - © D.R.

Semaine de 4 jours ou « semaine compressée », flexibilité des heures de travail, inclusion…Autant de pistes qui ont été évoqués lors de la table ronde “Recrutement, métiers en tension, marque employeur : comment aborder les nouvelles réalités du marché du travail ?” organisée à Paris le 29 juin 2023 dans le cadre de Think RH 2023 par News Tank RH.

4 intervenants ont partagé leurs points de vue : 

  • Aurélie Feld, présidente, LHH France ;
  • Majda Vincent, DRH chez Sodexo France ;
  • Bernard Augris, DRH de l’organisation et de l’informatique, Crédit Agricole Normandie Seine ;
  • Géraldine Plenier La Tieule, directrice générale de la Fondation Mozaïk.

Aurélie Feld, LHH France : « Nous testons la semaine compressée » 

  • Aurélie Feld, présidente, LHH France) - © D.R.
    Aurélie Feld, présidente, LHH France) - © D.R.

    « Les entreprises se tournent davantage vers leurs propres collaborateurs à cause des difficultés de recrutement. Cela nécessite d’avoir une démarche de mobilité interne ainsi qu’un écosystème de formation à disposition pour développer les compétences complémentaires.

  • La pénurie oblige à repenser pour de vrai la marque employeur. Je ne pense pas qu’il y ait plus de désengagement des jeunes. Il y a juste envie d’une relation donnant-donnant. Ils vivent leur engagement différemment dans la durée mais pas en intensité. L’enjeu sera de trouver des leviers pour développer cet engagement.

Le télétravail a créé une fracture au sein des collectifs de travail entre ceux qui ont un job télétravaillable et ceux qui n’en ont pas. Nous testerons la semaine compressée début juillet 2023. Peut-être que ce dispositif permettra de rattraper en partie cette fracture car les jobs compressibles ne sont pas les mêmes que les jobs télétravaillables.

  • Dans le secteur automobile, un chef d’entreprise m’a dit que le dispositif de la semaine compressée serait possible dans les usines, mais cela pose des questions de santé et de sécurité au travail.
  • La semaine compressée permettra d’avoir le même volume de travail sur un délai plus court. Nous ne sommes pas dans un modèle au sein duquel on travaille moins.
  • Nous resterons sur le modèle du travail hybride en France en allant progressivement vers celui du modèle compressé dans un certain nombre de secteurs. En revanche, nous sommes revenus sur le travail à distance toute la semaine à 100 %. On se rend compte quand même que cela délite beaucoup les collectifs de travail, complexifie l’onboarding.
  • Aux États-Unis, nous observons un mouvement de balancier sur le télétravail. En France, nous sommes allés moins loin car notre dialogue social est très construit et cadré. L’obligation du dialogue a cette vertu d’obtenir des solutions plus mesurées. »

Majda Vincent, Sodexo France : « Nos clients nous sollicitent pour faire revenir leurs salariés sur site » 

  • Madja Vincent, Sodexo France - © D.R.
    Madja Vincent, Sodexo France - © D.R.

    « Nous avons plus de 900 postes ouverts dans plus de 200 métiers différents : cuisine, maintenance, achats, informatique… Il nous faut être pertinents mais surtout cohérents avec la promesse employeur.

  • Nous avons questionné nos salariés qui partaient en 2021. Les raisons étaient : le salaire, la relation avec le manager et le développement des compétences. Nous nous sommes remis en question en corrigeant cela. Nous avons mis en place, par exemple, le programme  »Tous cuisiniers«  afin de former des employés de restauration à devenir cuisinier avec une certification. Nous sommes à la 4e promotion, la 1ère était exclusivement féminine. Concernant le salaire, nous avons fait progresser le salaire des employés de 5 % et l’année suivante de 4 %. Nous avons aussi créé une Semaine de la mobilité.

En 2024, 1200 nouveaux managers seront formés. Il est primordial de les équiper. En 2020, leur métier était différent. Avec la crise sanitaire, nous leur avons demandé d’être gendarmes du protocole sanitaire, d’arrêter puis de reprendre leur activité, sans se demander quelles avaient été les répercussions pour eux.

  • Nous avons aussi investi autour de la formation de l’apprentissage des compétences de bases : lecture, mathématiques, écriture. En 2023, 130 personnes ont rejoint ce programme. Nous formerons 200 personnes en 2024 et autant en 2025.
  • 16 % de nos recrutements sont des moins de 26 ans et 16 % des 55 ans et plus. Nous n’avons pas attendu les tensions de recrutement pour être ouverts aux différentes dimensions de la diversité en âge, en genre, etc.
  • Nos clients nous sollicitent pour faire revenir leurs salariés sur site via des dispositifs comme les Corner Food, qui seront présents toute la journée. Quelle que soit l’heure d’arrivée du salarié, l’offre de restauration est toujours présente. Cela nous pousse à être innovants.

Bernard Augris, Crédit Agricole Normandie Seine : «Nous avons mis en place 4 actions principales face à la difficulté de recruter » 

  • Bernard Augris - © D.R.
    Bernard Augris - © D.R.

    « En 2022, nous avons reçu un double choc au sein du Crédit Agricole avec :

    • des départs non anticipés en retraite (9 % contre une moyenne de 5 à 6 % en période classique) pour changer de vie, pour vivre une aventure entrepreneuriale et pour changer de société 
    • une pénurie de CV dans le processus de recrutement.
  • Nous avons mis en place 4 actions principales :
    • en faisant sauter le niveau de diplôme, 
    • en recherchant d’autres profils commerçants dans la téléphonie ou dans les garages,
    • en allant à la rencontre des potentiels candidats en menant des opérations décentralisées et en organisant des job boxes pour le recrutement,
    • en développant la cooptation.
  • Sur la question du mentorat que l’on appelle parrainage en interne, nous avons mis en place depuis 2017 un canal de recrutement spécialisé avec des jeunes qui viennent des quartiers en partenariat avec l’Agence Pour l’Éducation par Le Sport (APELS). À l’époque, la première promotion comprenait 12 jeunes qui étaient accompagnés par des parrains disponibles en permanence. Cette idée de la différence avance en interne. On y voit même une certaine fierté compte tenu des pépites découvertes à travers cette initiative.

En lien avec la transformation des usages bancaires et les créneaux horaires d’ouverture des agences bancaires, nous travaillons sur la dimension de flexibilité RH pour s’adapter aux heures de passage de nos clients. Dans le sens inverse, nous voulons être plus souples dans les demandes de collaborateurs souhaitant disposer de temps de travail plus adaptés à leurs propres contraintes individuelles. 

  • La technologie nous percute également, notamment dans des fonctions comme : 
    • le back-office. Certains métiers pourraient disparaître. Les plans GEPP (devenue GEPC) accompagnent les transformations sur le long terme. Compte tenu des difficultés de recrutement, nous cherchons à accompagner les collaborateurs concernés pour qu’ils sortent de leur zone de prédilection et qu’ils montent en compétence sur la relation (client et interne).
    • les conseillers en agence. Ils peuvent se montrer performant sur des process standard mais qui peuvent se retrouver déroutés avec l’arrivée d’outils technologiques. »

Géraldine Plenier La Tieule, Fondation Mozaïk : « Nous poussons l’idée de création de France inclusion »

  • Géraldine Plenier La Tieule - © D.R.
    Géraldine Plenier La Tieule - © D.R.

    « La question des biais - liés à son adresse géographique, à son origine sociale ou ethnique, à son âge - est centrale. Certains sont individuels et d’autres sont collectifs. Ils sont même intégrés dans les process : une femme hésitera davantage à répondre à une offre si l’on parle de mobilité. 

  • En 2022, le taux d’emploi au niveau national est de 68 %. Dans les quartiers dits « prioritaires » de la politique de la ville (QPV) regroupant 5 millions d’habitants, le taux est de 49 %.
    • Au sein de la Fondation Mozaik, nous pensons qu’il faut accompagner les jeunes diplômés issus de ces quartiers pour qu’ils postulent auprès des entreprises et qu’ils se sentent légitimes.
    • De l’autre côté, il faut accompagner les entreprises sur les processus de recrutement, sur la formation des équipes de recrutement et de management. Il existe certaines obligations dans ce sens dans la loi Égalité et Citoyenneté du 27/01/2017.
  • Chez Fondation Mozaïk, avec nos 15 années d’expérience, nous poussons l’idée de création de France Inclusion, à l’instar d’un France Travail, auprès des pouvoirs publics. Avec le contexte de l’affaire Nahel avec beaucoup de souffrance et de défiance, nous voyons qu’il existe encore beaucoup de choses à faire dans les quartiers.

Nous voudrions qu’une structure au sein de France Travail soit créée pour renforcer l’action des pouvoirs publics pour accompagner des populations discriminées, notamment des jeunes diplômés, et de se fixer des objectifs annuels. Pourquoi pas 100 000 recrutements inclusifs par an à travers cette structure liée à France Travail.

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Concepts clés et définitions : #GPEC ou Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences