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Focus Dares - Drees : le travail de plateforme, des enjeux de modèles et de protection sociale

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Cette note restitue les principaux enseignements d’un colloque « Travail de plateforme et usages de la protection sociale » organisé en octobre 2022. Elle souligne les bouleversements face au salariat.

Travail de plateforme : une note d’analyse de la Dares et la Drees - © D.R.
Travail de plateforme : une note d’analyse de la Dares et la Drees - © D.R.

Découvrez un univers polymorphe entre discours inclusif et risques de pratiques discriminatoires...une note de la Dares et la Drees sur le travail de plateforme numérique a été publiée le 18 juillet 2027. 

Parmi les principaux points d’analyse à retenir :

  •  Les plateformes numériques occupent aujourd’hui une part importante de la vie économique et sociale. En organisant l’articulation entre l’offre et la demande de nombreux biens et services, souvent par le biais d’algorithmes, elles contribuent à la transformation des modes de production et des modèles d’affaire, mais aussi des rapports au travail et au temps des travailleurs ;
  • Saisir les mutations en cours se heurte cependant à la diversité des plateformes, à leur dynamique et à la difficulté de définir précisément la nature des activités exercées et le nombre de travailleurs concernés ;
  • Si le travail de plateforme bouscule le salariat, il ne semble pas pour autant proposer de modèle d’emploi plus satisfaisant en termes de conditions de travail et d’emploi. Celles-ci sont souvent marquées par la précarité et les inégalités. En particulier, alors que les algorithmes semblent des intermédiaires neutres, ils peuvent se révéler sources de discriminations ;
  • À la difficulté de trouver de nouveaux modèles d’emploi fait écho la difficulté de penser de nouveaux dispositifs de protection sociale qui permettraient d’assurer une couverture satisfaisante des risques pour les travailleurs.

Plateformes : un monde hétérogène en recomposition perpétuelle

  • « Le travail de plateforme » recouvre une grande diversité de modèles d’affaire, d’activités et de situations de travail. La figure emblématique des travailleurs du clic, déqualifiés et payés à la tâche, a pu masquer cette réalité.
  • L’hybridation des modèles et la recomposition des chaînes de valeurs comme des formes d’emploi rendent alors inopérante une approche qui opposerait les plateformes « capitalistes » aux plateformes dites « alternatives », qui s’inscrivent dans des mouvements coopératifs ou associatifs tels que le logiciel libre ou les communs numériques ;
  • Les plateformes tendent à s’inscrire dans une « économie de la demande », recherchant de façon systématique les services les mieux ajustés aux sollicitations des clients.
    • Les fournisseurs de biens et services sont mis en concurrence, laissant potentiellement le consommateur choisir parmi une grande variété de propositions.
    • Cette structuration engendre une forme d’atomisation du marché et donne une certaine primauté au droit de la concurrence (qui régit les achats de prestations de services) sur le droit du travail et le droit de la protection sociale, destinés à encadrer les relations de travail;
  • La façon dont les plateformes organisent la rencontre entre offre et demande, en comparaison d’autres intermédiaires du marché, se matérialise en outre par une plus grande individualisation des travailleurs.

Le cas des freelances dans le secteur du numérique

• la plateformisation s’inscrit dans la continuité du rôle imparti traditionnellement aux sociétés informatiques, les plateformes assurent une sorte de portage administratif ou d’intermédiaire auprès des services achats des grandes entreprises.
• En revanche, elles ne proposent pas aux travailleurs d’accompagnement individuel et collectif, de montée en compétence par la formation et un certain nombre d’éléments de protection sociale.

Des travailleurs aux ressources inégales face aux conditions de travail et d’emploi

  • Les inégalités entre travailleurs de plateforme sont fortes dans l’exercice concret de leur activité. Les travaux de recherche mettent en évidence d’importantes différences dans les ressources dont les travailleurs disposent pour faire face aux conditions d’emploi et de travail difficiles ;
  • La mesure du temps que passent les travailleurs sur les plateformes est un enjeu central dans le sens où elle est nécessaire à la prise en main de leur activité. Or certains temps consacrés au travail de plateforme échappent à la mesure et donc à la rémunération, comme :
    • le temps d’attente des commandes par les livreurs,
    • le temps de mise en ligne des missions proposées par les jobbers,
    • la veille sur la plateforme ou d’autres temps invisibles, fragmentés, éparpillés en une multiplication de micro-tâches
  • L’intensification du travail, la multiplication des tâches et l’empiètement au final sur les temps sociaux (vie familiale, études, loisirs) peuvent affecter la vie hors travail et les relations sociales.

La reconnaissance de ces temps et leur mesure objective permettraient aux travailleurs de garder la maitrise de leur activité.

  • Au-delà du temps, d’autres ressources permettent de faire face aux risques physiques ou psychiques du travail de plateforme. Mais ces ressources et la capacité à les mobiliser sont inégalement réparties. Il peut s’agir de ressources collectives, lorsque les travailleurs parviennent à se constituer en collectifs spontanés, comme c’est le cas de freelances, ou bien organisés, comme dans certains espaces collaboratifs ;
  • Toutefois, le niveau de diplôme, les origines sociales et ethniques ou le genre, déterminent souvent la capacité à bénéficier des appuis et des dispositifs d’aide ou d’accompagnement.

Protection sociale : des dispositifs à repenser ?

  • L’hétérogénéité des situations dans lesquelles les travailleurs des plateformes exercent leur activité interroge la capacité des diverses composantes de notre modèle de protection sociale à les couvrir de façon adéquate. L’interrogation porte à la fois sur :
    • les principes fondateurs de la protection sociale ;
    • les mécanismes de solidarité.
    • Les nouvelles formes d’organisation du travail engendrées par les plateformes confèrent une grande autonomie dans l’activité.
  • L’autonomie du travailleur va de pair avec une responsabilisation et un transfert des risques. Cela se traduit par une transformation des formes et du niveau de la couverture sociale. En effet, le travailleur doit assumer le risque économique lié à l’exécution de la prestation, mais aussi le financement de sa protection sociale dès lors qu’il n’est pas salarié ;
Jusqu’ici, les actions intentées en justice, collectives et syndicales, ont eu des effets limités pour faire évoluer le droit social dans un sens plus favorable.
  • Les stratégies pour bénéficier d’une couverture sociale se développent mais, de façon plus ou moins assumée, elles s’appuient davantage sur les dispositifs adossés au salariat que sur des innovations sociales en matière de statuts et de droits sociaux.
    Ainsi, pour disposer de ressources et de protections, certains travailleurs de plateformes combinent des dispositifs tels que :
    • minima sociaux,
    • activités réduites et missions courtes,
    • situation d’ayant droit de leur conjoint ou parents.
  • La multiplicité de situations nouvelles que crée le travail de plateforme soulève la question de la protection des travailleurs autonomes au regard de la discontinuité de l’emploi et de son rapprochement éventuel de celle des salariés.
    • Ainsi, bien qu’ayant le plus souvent un statut de micro-entrepreneur, les livreurs à vélo sont explicitement soumis à un « management algorithmique », c’est-à-dire des formes d’évaluation et de sanction en fonction de leur disponibilité notamment.

Les frontières avec le salariat sont parfois ténues. Cela peut induire des questions de « salariat déguisé » et faire émerger des démarches de requalification.

  • Ce système les soumet à une forme de subordination proche de celle du salariat.
    • Ce n’est pas le cas pour les freelances dans l’informatique, pour qui les plateformes participent à la mise en relation des travailleurs et offreurs de prestations. 
    • Cependant, l’intermédiation est parfois réalisée plus étroitement en réponse aux attentes des services achats des entreprises clientes. 

Adaptation d’un article de News Tank RH publié le 18/07/2023. Pour accéder à l’offre Découverte.