Workplace from Facebook : pourquoi la France est « un marché phare »
Par Philippe Guerrier | Le | Workspace
La version RSE de Facebook a investi le marché des outils de communication, avec notamment l’appui des RH. Le point avec Julien Lesaicherre, Directeur Monde des ventes pour Workplace from Facebook.
Comment évolue Workplace from Facebook ? La version Facebook pour les entreprises qui aborde son cinquième anniversaire discrètement alors qu’une première bêta en accès restreint avait été dévoilé en octobre 2015. L’ex-Facebook at Work devenue rapidement Workplace from Facebook à partir de 2016 poursuit son chemin.
« C’est une plateforme de communication pour transformer l’entreprise en communauté. Elle permet de s’assurer de l’alignement des collaborateurs sur des points-clés comme la stratégie ou la vision à chaque niveau de l’organisation », évoque Julien Lesaicherre, Global Director of Sales and Customer Success pour Workplace from Facebook.
Une plateforme BtoB perçue d’abord comme « conversationnelle »
Workplace from Facebook se présente comme un espace de travail sécurisé destiné aux organisations pour leur permettre de :
- se connecter ;
- communiquer ;
- collaborer.
On y retrouve des fonctionnalités que l’on connaît à travers l’application éponyme grand public populaire :
- fil d’actualité ;
- groupes ;
- diffusion de messages ;
- live vidéo ;
- évènements pour réaliser leurs tâches.
La plateforme professionnelle s’adresse en priorité à des cibles de responsable RH, de directeur général ou de communication des grandes entreprises et des multinationales. En règle générale, la DSI arrive en deuxième ligne pour validation si l’outil est accepté mais ce n’est pas gagné d’avance (cf encadré Lecko).
« Nous n’étions pas ancré dans une logique d’intranet, bien que beaucoup de clients nous le disent. Nous avons d’abord une vocation conversationnelle puis nous proposons la diffusion de contenus pour désiloter les organisations », commente Julien Lesaicherre.
Le modèle de tarification de la plateforme BtoB de Facebook est établi selon le nombre d’employés utilisant Workplace par mois au sein d’une organisation. Après un démarrage à travers une offre d’essai gratuit, il est possible d’accéder à une grille de deux offres principales : « Advanced » pour 4 dollars par mois ou « Enterprise » à 8 dollars » par mois. De manière étonnante, il n’existe pas de facturation en euros pour les entreprises clientes françaises et les CGU ne sont pas traduites en français.
5 millions d’utilisateurs payants dans le monde
Plus de 30 000 entreprises, tous secteurs d’activité confondus*, utilisent Workplace partout dans le monde. Parmi les clients figurent Danone (100 000 personnes), le holding Adeo d’enseignes de bricolage comme Leroy Merlin ou de décoration comme Zodio (100 000 utilisateurs actifs par mois sur Workplace) mais aussi Club Med, Kering, Cultura, Sephora ou Boulanger.
A l’inverse, on note aussi un désistement comme le CERN (organisation européenne pour la recherche nucléaire) qui n’a pas confirmé le choix de cette solution technologique américaine au nom de la « souveraineté numérique ».
« On a vu une traction sur le marché français sur des comptes de taille assez importante. C’est une bonne surprise. La France fait partie des marchés clés comme le Royaume-Uni, la Norvège, les Etats-Unis, l’Australie et le Brésil », précise le manager français « Sales and Customer Success » pour Workplace from Facebook.
Au dernier pointage officiel en mai 2020, on recensait 5 millions d’utilisateurs payants, contre 3 millions en octobre 2019. Les revenus générés sont dilués dans la catégorie « Other » des résultats financiers annuels de Facebook avec les autres produits BtoB (comme les lunettes de réalité virtuelle Oculus for Business) : plus d’un milliard de dollars en 2019 (+26 % en un an), ce qui correspond à une infime part du chiffre d’affaires du groupe numérique de Mark Zuckerberg (70,6 milliards de dollars).
Le siège de la division Workplace from Facebook, localisé à Londres, intègre plusieurs milliers de collaborateurs aux profils d’ingénieurs, de data scientists, de designers…La plateforme BtoB dispose d’un réseau de 8 bureaux commerciaux dans le monde, dont un localisé à Paris.
« Un nombre restreint de partenaires intégrateurs comme Revevol, Hardis ou PWC assure le plus haut niveau de qualité dans le delivery », indique Julien Lesaicherre.
Technologies : le code de Facebook mais pas que
« Il faut vraiment penser Workplace comme une start-up SaaS au sein de Facebook. 99 % du code est hérité des équipes de Facebook : events, profils, groups, posts, live, traduction automatisée par machine learning…Nous récupérons beaucoup de choses qui nous permettent de gagner du temps au lieu de développer par nous-même. Le 1 % restant est très important concerne la partie sécurité, l’authentification unique (SSO), la partie administration de l’outil (utilisateurs, contenus, applications tierces connectées) et la data analytics », explique notre interlocuteur.
L’intégration technique de Workplace dans le système d’information d’entreprise se veut « assez simple » à travers l’annuaire d’entreprise (directory) mais il est possible de décentraliser son usage pour répondre aux besoins de communications des équipes terrain (un manager d’un magasin qui accueille un nouvel employé par exemple).
« Nous avons des partenariats avec Microsoft [en particulier Microsoft Azure Directory], Google et Okta pour avoir du provisioning des utilisateurs. Nous avons également des connecteurs logiciels [API] pour s’intégrer à des solutions métiers comme Workday », précise le représentant de Workplace from Facebook.
Son écosystème BtoB s’élargit ou s’affine progressivement. Ainsi, début décembre, Workplace from Facebook et Cisco ont réactualisé leur partenariat existant, avec notamment la possibilité de diffuser des flux vidéo Webex en direct via Workplace. Mi-novembre, un autre accord a été signé avec ServiceNow du nom d’une plateforme dédiée à la gestion des services informatiques. L’objectif est de favoriser les passerelles technologiques visant à développer le travail à distance.
Gestion des données : les points principaux exposés
Nul besoin de disposer d’un compte Facebook personnel pour s’inscrire à Workplace. Chaque plateforme dispose d’un site Web et d’une application qui lui sont propres.
Voici les principaux points exposés par Workplace from Facebook à propos de la gestion des données :
• Propriété des données : « En tant que responsable de traitement, vous choisissez comment vos données peuvent être utilisées, notamment si elles peuvent être modifiées, supprimées ou exportées. Les données saisies dans Workplace par vos employés appartiennent à votre organisation et ne sont pas accessibles au public » ;
• Utilisation des données : « Vos données ne sont pas utilisées pour vous montrer des publicités. Nous prenons des mesures fortes pour empêcher toute utilisation détournée de vos données par des personnes internes ou externes » ;
• Séparation des données : « Workplace et Facebook sont des plates-formes distinctes associées à un compte et un profil séparés. Les publications créées sur l’une ne sont pas visibles sur l’autre. »
Concurrence : entre extension et consolidation
Le champs de la concurrence de la plateforme Workplace from Facebook - à mi-chemin entre la communication, le réseau social d’entreprise et le portail collaboratif - est large mais on y retrouve très souvent des acteurs technologiques américains.
L’incontournable Microsoft avec sa suite Teams a su marquer des points lors de la période de confinement synonyme de télétravail massif mais aussi d’autres outils à mi-chemin entre la visioconférence et le collaboratif comme Zoom.
La fin de l’année 2020 a été marquée par l’annonce du rapprochement entre Salesforce et Slack que Julien Lesaicherre commente en ses termes.
« L’accord Salesforce/Slack actuel a du sens pour les grandes entreprises qui comptent un grand nombre d’employés de bureau. Ces spécialistes sont habitués à des outils complexes et leurs équipes informatiques dépensent régulièrement de l’argent pour des logiciels coûteux. Cet accord aidera Slack à vendre à ces entreprises ».
« Chez Facebook, nous nous efforçons d’apporter simplicité et accessibilité au monde du travail. Nous voulons démocratiser les technologies d’entreprise. Notre expertise réside dans notre capacité à créer des outils pour tout le monde, y compris pour les travailleurs de terrain et ceux des petites entreprises. Nous élaborons des solutions faciles à utiliser qui facilitent la présence à distance, étayées par la vidéo, et qui permettent de créer une communauté et une culture d’entreprise et d’améliorer la productivité. Notre objectif est de faire en sorte que chacun soit connecté, informé et responsabilisé au travail, où qu’il se trouve et quelle que soit la technologie dont il dispose ».
*Difficile de répertorier les secteurs de prédilection de Workplace from Facebook au regard de ses entreprises clientes qui évoluent dans divers secteurs : retail, technologie, télécommunications, services financiers, média, divertissement, hôtellerie, alimentation et boissons, transports, immobilier, utilitaires, logistique et gouvernement.
Le point de vue de l’expert : Arnaud Rayrole, CEO de Lecko Lecko est un cabinet conseil spécialisé dans le conseil en transformation digital qui benchmark les solutions de communication et de collaborations pour les entreprises. RH Matin a demandé le point de vue de son CEO Arnaud Rayrole sur Workplace from Facebook : • « En 2017, nous avons observé une forte attention sur Workplace from Facebook avec l’arrivée de la plateforme sur le marché, bien qu’elle soit arrivée en retard par rapport à la vague d’outils de réseaux professionnels d’entreprises comme Yammer de Microsoft. Mais Facebook a débarqué avec une certaine fraîcheur qui a séduit les directions de communication des grands groupes en raison de sa fluidité d’usage et des nouvelles fonctionnalités comme le live. Autre point fort avec ce produit Workplace : l’interface et l’expérience sont très proches de l’application grand public Facebook connue des utilisateurs. » • « Workplace from Facebook parvient à se connecter avec les outils de productivité des organisations de taille humaine (Google Workspace, Dropbox…) mais c’est plus compliqué avec Microsoft. Malgré des connecteurs mis en place, cela manque d’articulation. Sachant que Workplace from Facebook ne se suffit pas à elle-même, son point fort est la communication interne mais il faut ajouter d’autres outils comme la messagerie ou les outils de gestion documentaire pour ajouter une dose collaborative. Workplace from Facebook s’est aussi intéressée très tôt aux collaborateurs en ‘front line’ c’est-à-dire ceux présents sur le terrain qui sont déconnectés du système d’information central d’entreprise. C’est devenu un véritable atout avec la période de crise que nous traversons actuellement. Néanmoins, j’aurais du mal à dire que Workplace from Facebook a surfé sur la crise Covid-19. Les clients de Lecko ont rencontré davantage de problématiques de visioconférence et d’accès à son environnement de travail depuis son domicile. Des outils simples de téléphonie moderne comme Zoom mais aussi Microsoft Teams sur le plan collaboratif ont percé. » • « Workplace from Facebook rencontre aussi un écueil de réputation en lien avec l’application grand public : les lacunes que rencontrent Facebook sur la protection des données personnelles ont du mal à passer en entreprise. Ce choix par les directions de communication est susceptible d’aboutir à une réticence voire à une confrontation avec les directions informatiques. De plus, c’est plutôt une solution chère donc plus difficile à justifier dans une période où il faut resserrer les coûts. »