Recrutement
&
talents

Sites d’emploi : le confinement provoque un trou d’air sur l’audience

Par Philippe Guerrier | Le | Site emploi généraliste

Trois acteurs HRTech - HelloWork (RégionsJob), CleverConnect (Meteojob) et Indeed.fr - témoignent du coup d’arrêt brusque sur l’audience parfois divisée par deux.

Sites d’emploi : le confinement provoque un trou d’air sur l’audience
Sites d’emploi : le confinement provoque un trou d’air sur l’audience

(Update 27/03/20 à 11H26) Les sites leaders de recherche d’emploi ont ressenti une onde de choc avec le démarrage des mesures de confinement en France à partir de 17 mars. L’audience sur leurs plateformes respectives s’en est ressentie avec des chutes spectaculaires les premiers jours.
Il est encore trop tôt pour disposer d’éléments consolidés mais, néanmoins, après une période de sidération, l’audience tend à remonter progressivement.
Exclusive RH a fait le tour du marché pour percevoir les premières tendances auprès de trois acteurs : HelloWork (RégionsJob), CleverConnect (Meteojob) et Indeed.fr.
Point commun : ils ont tous ressenti un effet Covid-19 sur l’audience de leurs portails respectifs avec un impact connexe sur le volume d’offres disponibles et sur des campagnes de recrutements affectées voire en berne. En attendant le rebond du business à une échéance difficile à prévoir.

HelloWork : « Nous avons observé un niveau d’audience divisé par deux »

« Personne n’était sur le sujet de l’emploi », tranche David Beaurepaire, directeur délégué du groupe HelloWork. A travers son réseau de sites orientés recherches d’emplois (RégionsJob, Cadreo et Jobijoba) et plateformes de formations (MaFormation et Diplomeo) qui permet de disposer en agrégé d’une audience globale de 10 millions de visites par mois, l’annonce du confinement en raison de la crise sanitaire Covid-19 a un impact immédiat. « Nous avons observé un niveau d’audience divisé par deux », déclare notre interlocuteur sur la foi de données Google Analytics. « Nous avons eu moitié moins de visites, correspondant à 2,5 millions de visites sur cette fameuse semaine. C’était un coup d’arrêt net. Toutes les entreprises étaient engagées dans une autre configuration et sur une période d’adaptation. » David Beaurepaire poursuit : « Nous n’allons pas reprendre un rythme normal rapidement de manière naturelle. Même si l’attrait des sujets de formation et d’orientation tiennent encore la route. Sur la partie des recherches d’emploi, nous avons eu une première phase que tout le monde a vécue en début de semaine dernière [du 16 au 22 mars] entre ré-organisation et sidération. Sur les deux premiers jours de la semaine [lundi 23 mars et mardi 24 mars], l’audience augmente de 20 à 30 % par rapport à la semaine précédente. Nous avons quelque chose qui se ré-amorce progressivement mais nous sommes encore loin de retrouver le niveau normal. »
Certains secteurs ont réduit très fortement leur volume de recrutement comme les services à la personne ou les services aux entreprises. A l’inverse, d’autres secteurs se retrouvent avec des besoins assez conséquents avec des sociétés qui font des livraisons de surgelés, dans l’industrie agro-alimentaire ou la distribution. On peut s’attendre à un gel des recrutements ou du moins à un ralentissement très fort.« Certains secteurs avaient carrément stoppé comme le BTP la semaine dernière. Le dernier baromètre de Prism’emploi sur l’état du travail temporaire était désastreux. Certaines usines dans la construction automobile avaient totalement fermé. Les ouvertures de nouveaux postes sont repoussées à juin voire à septembre », commente David Beaurepaire.
Les plateformes de recherche d’emploi du groupe proposent 100 000 offres en l’état actuel. « Nous avons des entreprises clientes qui mettent complètement en suspens les dispositifs de recrutement prévus. C’est aussi le cas de certains intermédiaires de recrutement comme les cabinets. Ils savent qu’ils auront du mal à trouver des personnes prêtes à prendre le risque de quitter son emploi actuel. »
HelloWork devrait prochainement publier son baromètre trimestriel avec un focus sur le mois de mars. Ce qui devrait permettre de disposer d’un premier outil d’analyse d’impact sur les secteurs. « La période d’une dizaine de dix jours [depuis le début du confinement] reste assez courte. Nous manquons encore de recul. »

CleverConnect : « La chute s’est concentrée sur 4 jours »

Du côté de CleverConnect (Meteojob, Visiotalent, HRMatch), son président Marko Vujasinovic sort son tableau Excel pour expliquer la situation de l’audience. « En général, nous avons entre 1 et 1,2 million de visiteurs uniques par semaine. En l’occurrence, nous avons eu 1 071 000 VU la première semaine de mars et 1 067 000 la 2ème semaine de mars. Sur la première semaine de confinement, l’audience est tombée à 794 000 VU mais la chute s’est concentrée sur 4 jours (du lundi 16 mars au jeudi 19 mars). Et surtout sur mardi 17 et mercredi 18 mars, qui correspondent aux deux premiers jours de confinement, nous avons observé une chute de 50 %. Depuis vendredi 20 mars, le rythme de croisière habituel a été repris au niveau des audiences (équivalent aux deux premières semaines de mars) », évoque notre interlocuteur.
Sur la question des publications des offres d’emploi, CleverConnect recense une baisse globale de 10 % sur les offres d’emploi. « C’est beaucoup plus important sur les nouvelles offres », esquisse Marko Vujasinovic. « A travers notre place de marché, nous allons essayer d’orienter notre communauté sur divers sujets comme la possibilité de refaire son CV à travers notre outil gratuit mais aussi proposer des MOOC de formation avec des partenaires ou des webinars. »
A l’instar de la tendance observée chez HelloWork, CleverConnect confirme que beaucoup de campagnes de recrutements sont en stand by. « Les entreprises sont tellement prises par leurs ré-organisations et leurs plans à moyen terme. Beaucoup de sociétés dans de nombreux secteurs vont passer en chômage partiel à partir du mois d’avril et elles stoppent le recrutement », commente Marko Vujasinovic.
Néanmoins, l’entrepreneur ne se fait pas d’illusion. « Nous savons que nous basculons dans une récession très importante sur l’année 2020 avec un fort ralentissement des recrutements et une remontée du chômage d’ici la fin de l’année. »
La société HRTech compte utiliser cette période pour promouvoir auprès des entreprises de nouvelles méthodes de recrutement à travers la vidéo et les technologies de matching. « Nous pensons que les entreprises vont s’organiser pour être prêtes en 2021 quand tout redémarrera. »

Indeed : « C’est une chute notable jamais vue à cette période de l’année »

Le méta-moteur de recherches d’emploi Indeed est également bien placé pour constater ce trou d’air qui a frappé les plateformes de recherche d’emploi. « Nous observons une division par deux des recherches d’emploi, par deux du nombre de visites et par trois des dépôts de candidatures. Nous sommes même en dessous du niveau des fêtes de fin d’année. C’est une chute notable jamais vue à cette période de l’année. », commente Alexandre Judes, économiste du Hiring Lab d’Indeed.
Sur la foi des statistiques fournies par SimilarWeb, l’audience est passée de 800 000 visites le 8 mars à 400 000 le 16 mars (correspondant à la veille du démarrage du confinement). « La France suit l’Italie. Nous sommes à -12 % par rapport à ce que l’on a connu en mars 2019 en termes de nombres d’emploi disponibles sur notre site et nous continuons de plonger. Sachant que, sur un mois donné, nous avons en moyenne 500 000 offres d’emplois sur notre site. »
Signe particulier lié à son origine anglo-saxonne : la déclinaison française d’Indeed observe une tendance à effectuer des recherches d’emploi en utilisant expressément les termes “télétravail” et “travail à distance” (une fréquence qui a triplé depuis février). Des tendances similaires ont été observées en Italie, Espagne, Royaume-Uni et Irlande en fonction de l’avancement de l’épidémie du Covid-19 dans ces pays.
« A mon avis, cette tendance s’explique par une vague massive de personnes qui cherchent comment gagner de l’argent sans se déplacer. Cela vaut pour les personnes en CDD à fin de contrat, les contrats précaires et les travailleurs en chômage partiel qui vont essayer de gagner un peu d’argent en télétravail »
, évoque Alexandre Judes qui vient de signer une contribution spécial Coronavirus et offres d’emploi en France sur le blog Hiring Lab.