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Emploi et plateformes numériques : la Commission européenne veut plus de transparence

Par Philippe Guerrier | Le | Gestion des talents

La Commission européenne veut améliorer les conditions des travailleurs sur les plateformes numériques et lever les doutes sur leur degré d’indépendance vis-à-vis des donneurs d’ordre.

Améliorer les conditions des travailleurs des plateformes numériques : les pistes de la CE - © D.R.
Améliorer les conditions des travailleurs des plateformes numériques : les pistes de la CE - © D.R.

• Accorder le statut professionnel juridique correspondant à leurs modalités de travail réelles ;
• Renforcer la transparence dans l’utilisation des algorithmes par les plateformes de travail numériques ;
• Clarifier les obligations existantes en matière de déclaration de travail.

Dans le cadre d’une proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail via une plateforme numérique exposée le 9 décembre, la Commission européenne jette un pavé dans la mare.

La proposition de Bruxelles doit être examinée par le Parlement européen et le Conseil. Une fois la directive adoptée, les 27 États membres, dont la France, auront deux ans pour la transposer en droit national.

Plateformes numériques : 28 millions de travailleurs indépendants concernés

« Dès lors que les plateformes de travail numériques créent de plus en plus d’emplois, nous devons garantir des conditions de travail décentes pour tous ceux dont le revenu dépend de ce modèle de travail. Notre proposition de directive aidera les faux indépendants travaillant pour des plateformes à déterminer correctement leur statut professionnel et à jouir de tous les droits sociaux qui en découlent », déclare Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge du numérique et de la concurrence. 

28 millions de travailleurs indépendants dans l’UE travaillent par l’intermédiaire de plateformes de travail numériques. « Mais, sur une proportion de 5,5 millions d’entre elles, il existe des doutes sérieux sur cette notion d’indépendance », note la Commission.

Avec cette proposition de directive, l’objectif est de clarifier les zones d’ombre de dépendance vis-à-vis de son employeur et de lever la présomption de salariat caché.

Vers une adéquation entre le travail exercé et le statut du travailleur

La directive proposée par la Commission européenne vise à « garantir que les personnes exécutant un travail via une plateforme de travail numérique se voient accorder le statut professionnel juridique correspondant à leurs modalités de travail réelles »

Elle fournit une liste de critères de contrôle permettant de déterminer si la plateforme est un employeur ou pas. Si la plateforme remplit au moins deux de ces critères, elle est juridiquement présumée être un employeur.

Les personnes concernées peuvent alors bénéficier des droits sociaux et des droits du travail qui découlent du statut de « travailleur salarié ». 

Gestion algorithmique : davantage de transparence

La proposition de directive renforce la transparence dans l’utilisation des algorithmes par les plateformes de travail numériques pour :

  • Garantir un suivi humain du respect des conditions de travail,
  • Créer le droit de contester des décisions automatisées. 

Application, transparence et traçabilité

La Commission européenne souhaite que les obligations pesant sur les plateformes numériques en matière de déclaration de travail aux autorités nationales soient clarifiées.

Objectif : disposer des « informations essentielles concernant leurs activités et les personnes qui exercent une activité par leur intermédiaire ».

Emploi et plateformes : une proposition de directive intégrée dans une série de mesures plus larges

Cette proposition de directive émise par la Commission européenne relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme est associée à deux autres initiatives :

  • Une communication exposant l’approche de l’UE et ses mesures en matière de travail via une plateforme.
  • Un projet de lignes directrices précisant l’application du droit de la concurrence de l’UE aux conventions collectives des travailleurs indépendants sans salariés qui cherchent à améliorer leurs conditions de travail, dont ceux qui exercent une activité par l’intermédiaire de plateformes de travail numériques.

Perplexité d’une fédération européenne de plateformes numériques

« Nous sommes préoccupés par l’impact de cette proposition de directive sur les livreurs, les restaurants  plus globalement sur l’économie européenne », a déclaré la fédération Delivery Platforms Europe (DPE), regroupant des plateformes de livraison de repas (Deliveroo, Uber Eats, Delivery Hero…) ou de colis (Glovo) et acteurs de la micro-mobilité (Bolt), en guise de réaction . 

Elle cite une étude commandée au cabinet Copenhagen Economics et publiée en novembre 2021 : 

• Si les livreurs sont obligés de travailler à des heures déterminées par les employeurs plutôt que sur des créneaux horaires flexibles, 250 000 d’entre eux seraient susceptibles d’abandonner ce job au niveau européen.
• Si la politique menée vise à restreindre la flexibilité du travail, 75 000 coursiers se déclareraient « entièrement découragés ».