Nazim Chibane, Klara : « Les compétences des travailleurs de terrain sont associées à la performance »
Après la levée de fonds de 10 millions d’euros de Klara, son CEO et cofondateur Nazim Chibane détaille les projets pour aligner les connaissances de l’entreprise, les compétences des collaborateurs sur le terrain et la performance.

Klara, qui exploite une plateforme pour la gestion de la montée en compétences, les plans de développement individuel et le recueil des besoins de formation pour les travailleurs de terrain, a bouclé l’un des plus belles levées de fonds du premier trimestre 2025 dans la sphère HR Tech en France : 10 millions d’euros auprès du fonds Endeit Capital.
Son CEO et cofondateur Nazim Chibane détaille les projets de développements.
Klara s’appuie sur l’automatisation des processus, la personnalisation de la plateforme, la data visualisation et l’espace collaborateur.
Comment définir votre approche de manière plus affinée ?
Nous sommes un éditeur de logiciels spécialisé dans la gestion des compétences des collaborateurs sur le terrain (« frontline workers »).
Nous nous positionnons en complément des SIRH des grandes organisations. L’interconnexion est réalisée à travers des API avec les plus grands éditeurs comme SAP SuccessFactors, Workday, Cegid-Talentsoft ou Cornerstone.
La plupart des grandes entreprises clientes de Klara disposent d’effectifs supérieurs à 5000 collaborateurs : Safran, Carrefour, Saint-Gobain ou Otis.
Nous ne sommes pas non plus un LMS, dans le sens d’une plateforme digitale qui héberge du contenu de formation.
En revanche, nous voulons exploiter les données de connaissances de l’entreprise et des compétences des collaborateurs sur le terrain. Nous parlons de 80 % de la main-d’œuvre dans le monde et 70 % en France.
En fait, nous avons envie de créer un nouveau canal d’alimentation de données dans les organisations afin de gérer les compétences des travailleurs de terrain, et de les mettre au service de la performance des entreprises.
Aujourd’hui, tous nos principaux interlocuteurs sont conscients de ce lien : responsables formations, les opérationnels et même les directeurs commerciaux.
Comment faites-vous la jonction avec ces travailleurs par essence non connectés ?
Je n’évoquerais pas de fracture digitale. C’est une expression forte alors que nous sommes tous plus ou moins connectés et nous bénéficions d’une large couverture de connexions aux réseaux numériques.
Si les usages et les moyens de connexion varient, cette catégorie de travailleurs sera aussi impactée par les développements technologiques comme l’IA.
Par exemple :
- nous cherchons le meilleur levier de communication pour toucher les travailleurs sur des plateformes pétrolières offshore au large de l’Afrique à travers une application mobile accessible en mode off line.
- nous pouvons proposer de flasher de QR codes avec des tablettes numériques mises à disposition des employés en usine.
Abordez-vous la dimension GPEC (ou GEPP) à travers l’offre de Klara ?
Il existe une dimension prédictive dans notre approche avec des gros enjeux de formation et d’employabilité.
Nous touchons des organisations qui investissent massivement sur le développement des compétences de leurs collaborateurs, y compris ceux de terrain qui doivent faire vivre et transmettre des connaissances critiques pour assurer le bon fonctionnement des activités sur site.
En effectuant des visites sur place, nous sommes parfois surpris de constater que la connaissance sur la maintenance de machine industrielle tient sur une documentation papier.
À propos de votre levée de fonds de 10 millions d’euros bouclée fin février 2025, quelles sont vos priorités de développement ?
Ce financement, activé fin 2024, a été bouclé rapidement en quelques semaines avec le fonds germano-néerlandais Endeit Capital qui partageait la même vision que nous : les collaborateurs de terrain manquent d’outils digitaux et leurs besoins ne sont pas couverts. Les premiers échanges de mails à ce sujet avaient été amorcés en juillet 2024.
Nous avons fixé trois axes de développement avec cette levée de fonds :
- consolider notre positionnement d’éditeur de référence de solutions pour la gestion des compétences pour les travailleurs de terrain, ce qui correspond à une position assez unique en France ;
- augmenter l’effectif. Nous disposons d’une équipe globale de 56 personnes entre Paris et Londres. Nous procéderons à une vingtaine de recrutements courant 2025.
- Nous allons consolider notre équipe en R&D (technique et produit) pour avancer notamment sur des modèles d’IA et des LLM permettant d’exploiter les données sur les compétences et les connaissances en entreprise.
- L’objectif, c’est de faire grandir ces 2 géographies pour le moment. Mais, évidemment, nous avons un œil sur le reste de l’Europe ;
- élargir la couverture fonctionnelle de notre solution à la gestion des risques opérationnels ou la proposition de valeur à la formation. Nous avons signé des partenariats dans ce sens avec des LMS comme RiseUp ou Edflex pour effectuer des corrélations entre montée en compétences des collaborateurs et besoins de formation adaptée.
Indicateurs de business
• « Nous voulons atteindre la rentabilité le plus rapidement possible. Nous réalisons déjà plusieurs millions d’euros de revenus par an.
• En 2024, nous avons capitalisé sur une croissance importante de 175 % avec l’acquisition de nouveaux clients comme Otis, Unilever ou Crédit Agricole.
• Nous étendons aussi progressivement l’adoption de nos solutions au sein des divisions des groupes. Par exemple, notre solution est désormais utilisée dans 40 usines du groupe Safran dans 7 pays différents à travers un parcours de montée en compétences digitalisée qui s’appelle e-tutorat.
• Klara dispose de 60 clients grands comptes avec 30 000 utilisateurs actifs (sur un rythme de visite hebdomadaire) de notre plateforme. Nous voulons multiplier par 10 le nombre d’utilisateurs finaux. »
Qui sont vos principaux concurrents ?
- Les éditeurs leaders (Workday, SAP, Cornerstone) avancent sur la gestion des compétences.
- Il y a beaucoup d’initiatives identifiées sur différents marchés avec des acteurs comme Neobrain ou 365Talents en France ou TechWolf en Allemagne. Mais ils se concentrent sur les profils des cadres (« white collars ») en entreprise plutôt que sur les collaborateurs de terrain.
- D’autres se rapprochent de notre vue de marché comme AG5 aux Pays-Bas mais ils visent plutôt le marché germanophone et le Royaume-Uni sous un angle mid-market.