Freelance officer, Happiness manager : des buzz jobs ?
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Ces nouvelles fonctions dans la mouvance « future of work » font beaucoup parler d’elles dans les médias. Epiphénomène ou tendance de fond ? Sur le terrain, la grande majorité des entreprises n’ont pas encore sauté le pas
Le boom du freelancing n’est un secret pour personne. Selon une étude de Malt, la France compte 830 000 freelances en 2018, soit une augmentation de 8.3 % par an ces dix dernières années. Leur spécificité : ils travaillent en solo, vendent leurs prestations à des entreprises tierces et évoluent dans des professions intellectuelles ou créatives (développeurs, graphistes, community managers…) Derrière cette définition, se cachent toutefois des réalités diverses : certains travaillent à distance quand d’autres sont hébergés dans l’entreprise ; certains travaillent plusieurs mois à temps plein pour un même client alors que d’autres mènent de front plusieurs missions courtes, certains facturent avec un statut d’auto-entrepreneur ou d’entreprise individuelle tandis que d’autres optent pour le portage salarial. Du côté des entreprises, comment gère-t-on ces nouvelles formes hybrides de collaboration ?
Où sont les CFO ? Pas en France !
Définir et harmoniser les pratiques managériales vis-à-vis des freelances, border la dimension juridique et négocier les contrats, développer des viviers de freelances à disposition des collaborateurs en interne, assurer le suivi des paiements et la qualité des prestations… Sur le papier, le « freelance officer » aurait largement de quoi s’occuper dans les entreprises « consommatrices » de freelances. En France pourtant, ce poste existe nulle part ou presque. « Quand les grandes entreprises font appel aux freelances, c’est surtout par le biais de SSII pour leurs besoins informatiques. Leur préoccupation est d’abord de maintenir l’emploi en interne. Quant aux start-ups, beaucoup n’ont même pas de process RH structuré », constate Laurent Pernelle, expert RH qui a longtemps travaillé dans un grand groupe d’assurance, aujourd’hui consultant. Dans les pays anglo-saxons, la fonction de « chief freelance officers » n’est pas particulièrement développée non plus, même si plusieurs éditeurs de logiciels se sont lancés sur le créneau du « freelance management system » : preuve que ce besoin de gestion existe dans les entreprises, même s’il n’est pas porté par une personne attitrée.
Les freelances seraient-ils plutôt l’apanage des PME ? Dans les grosses start-ups françaises, les RH commencent à s’organiser. « Il nous arrive de travailler avec des freelances, généralement à défaut de les recruter. Ils sont gérés directement par les équipes projet. Jusque-là, cela ne passait pas par les RH, mais nous sommes en train de finaliser un process pour que nos managers soient au fait du statut des freelances, leurs droits, leurs devoirs », explique Alexandre Collinet, DGA chez Leboncoin.
Le « chief happiness manager » en voie de disparition ?
Autre fonction qui a connu sa période de gloire dans les médias : le chief happiness officer. « Son rôle est lié aux valeurs de l’entreprise : il doit mettre en place les conditions pour que l’environnement de travail soit harmonieux et offrir une qualité de service homogène aux salariés », explique Sophie Lepert, ex-chief happiness officer chez Etsy. Organiser les moments conviviaux ; penser l’aménagement des espaces de travail, choisir les snacks offerts aux salariés : tout cela fait potentiellement partie de la fiche de poste. Sur LinkedIn pourtant, ces profils restent très rares. Certaines variantes existent comme les « feel good officers », qui peuvent se transformer en « culture manager » ou « engagement manager » dans les grandes entreprises, avec des missions plus ou moins étendues.
Reste que ces nouveaux métiers au carrefour des RH, de la communication interne et des services généraux sont encore largement confidentiels. « Ce poste n’a de sens que si les pratiques managériales sont alignées. Beaucoup d’entreprises ont mis la charrue avant les bœufs », constate Sophie Lepert. Un avis qui complète celui d’Alexandre Collinet. « Chez nous, les thématiques de l’innovation, des freelances ou de l’engagement sont l’affaire de tous les managers, pas d’une seule personne qui risquerait d’être cornerisée. En matière de RH, expérimenter pour expérimenter est déstabilisant pour les collaborateurs et destructeur pour la culture d’entreprise », conclut Leboncoin.
Gaëlle Fillion