Focus IA : la fonction RH prise dans la spirale ChatGPT

Il est rare d’observer une telle effervescence autour d’une vague technologique dont l’impact interpelle les experts IA de renom.

C’est le cas avec le bond de l’intelligence artificielle exploitée en mode generative AI qui pousse la production automatique de contenus tous formats confondus : texte, images, son, mais aussi code informatique, etc.

Le symbole de cette percée dans l’intelligence artificielle, désormais accessible à tous, s’appelle ChatGPT, l’agent conversationnel d’OpenAI qui exploite des modèles de large langage (LLM en anglais). Microsoft a investi des milliards de dollars dans cette start-up technologique californienne désormais valorisée 29 milliards de dollars.

Sommes-nous loin des préoccupations de la fonction RH ? Détrompez-vous : ce bouquet émergent de technologies à la sauce ChatGPT va probablement :

• transformer le marché de l’emploi,
• modifier les métiers associés à la fonction RH,
• changer les usages de la fonction RH,
• entraîner des revues technologiques de la part de l’écosystème des acteurs RH pour s’adapter aux IA génératives.

A l’instar de tous les métiers dans tous les secteurs d’activité, une remise en cause plus ou moins profonde est enclenchée si l’IA tient toutes ces promesses de performance, synonyme de productivité à l’ère numérique.

Ce qui reste à vérifier et à valider sur le terrain en fonction des expérimentations, du rythme d’adoption par les entreprises, des modèles IA entraînés, des jeux de données enrôlés et du degré de fiabilité et de pertinence générée au final.

L’impact sur le marché de l’emploi : le grand frisson

• Le 1^er mai 2023, dans un entretien accordé à Bloomberg, Arvind Krishna, CEO d’IBM, donne le ton. Le dirigeant estime que d’ici 5 ans, 30 % des postes pourraient être remplacés par des fonctions IA au sein de la compagnie pionnière dans les technologies au service des entreprises. On parle d’une potentielle suppression de postes de 7800 emplois dans des fonctions de support, de back-office et de services transversaux comme les RH…
  Il faudra voir si cette prédiction tient le coup dans un groupe comme IBM qui compte 260 000 collaborateurs dans le monde et qui a enclenché un plan de réduction d’effectifs portant sur 7000 postes sur le premier trimestre 2023 pour s’adapter à la conjoncture économique tendue, à l’instar d’autres groupes technologiques influents.
• Le 26 mars, la banque d’affaires Goldman Sachs a publié une note de synthèse sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la croissance économique. Elle fait du bruit puisque les experts de l’institution financière (Joseph Briggs et Devesh Kodnani) estiment que la récente émergence de « l’IA générative » est susceptible d’aboutir à une adoption rapide par les entreprises dans une perspective de réduction des coûts d’exploitation (à travers une baisse de la masse salariale) et d’augmentation de la productivité. Selon ce rapport de Goldman Sachs,
  • 2/3 des emplois actuels sont impactés par ce bond technologique sur fond d’automatisation des tâches par IA. Un quart des postes pourraient être supprimés par la percée de la generative AI.
  • Entre les Etats-Unis et l’Europe, l’équivalent de 300 millions de jobs à plein temps serait concerné par ces questions d’automatisation à plus ou moins forte dose.

Entre enrichissement des fonctions occupées par des humains par l’IA et suppression nette de la main d’œuvre, la marge d’interprétation reste grande.

L’impact sur les métiers RH

Ces métiers qui vont changer (via Tomorrow Theory)

A travers le cabinet d’innovation RH Tomorrow Theory qu’il a cofondé, Jérémy Lamri veut accompagner les services RH dans cette transformation. Il a récemment présenté l’édition 2023 du Top 20 des métiers RH que les IA vont transformer d’ici 2030.

« -Est-ce que ces métiers vont donc disparaitre ? Pas nécessairement.
- Est-ce qu’ils doivent se transformer ? Absolument », commente Jérémy Lamri dans une contribution sur LinkedIn publiée le 4 avril 2023.

« Tout comme les professionnels du sourcing ont dû apprendre à utiliser les opérateurs booléens avec l’arrivée des moteurs de recherche, de nombreux professionnels RH devront s’approprier les IA génératives pour avoir plus d’impact dans leur quotidien. Personnellement, je défends une profession RH basée sur l’humain pour accompagner l’humain. »

Ces process RH qui vont évoluer (via AI Builders)

Le 21 mars 2023, AI Builders, une société conseil qui aide les ETI à adopter l’IA dans le cadre de leur transformation numérique, a exposé lors d’une masterclass à Paris un focus sur « l’impact de GPT en entreprise ».

Son fondateur Stéphane Roder a proposé un focus sur la fonction RH présentée comme « le parent pauvre du digital enfin équipé ».

• « Prenons le cas d’une description d’offre d’emploi à créer. C’est un enfer sur terre pour ceux qui l’ont vécu. On cherche des modèles à copier sur Internet ou sur LinkedIn.
• Dans le nouveau monde, avec la génération de prompts (requêtes pour parler à un agent conversationnel comme ChatGPT) réalisés avec l’aide de prompts engineers, on va plus vite avec une partie du job description automatiquement générée de l’ordre de 26 %. C’est toujours un temps précieux qui est gagné. En travaillant à partir d’un LLM connecté à LinkedIn, cela travaille tout seul. »

Avec l’essor des LLM associés à des coûts faibles de développement et de la generative AI, Stéphane Roder insiste sur les gains potentiels de ROI et de productivité avec des nouvelles opportunités de cas d’usages dans les métiers, les process et l’expérience client.

Ces services RH qui vont s’adapter : exemple de la GTA

Le 30 mars, le groupe de travail RH de l’association professionnelle Hub FranceIA, animé par Vincent Prudhomme (par ailleurs consultant PwC en charge de la transformation RH), a proposé un webinaire sur le thème de la GTA et des enjeux associés à l’IA.

• « Les technologies IA jouent un rôle-clé dans la GTA dans l’automatisation des processus, dans la traçabilité et la précisions des données et elles permettent de mesurer la santé des collaborateurs. Les technologies IA permettent de surmonter plusieurs défis : optimisation du temps de travail plus flexible, équilibre du temps entre travail et vie privée et gestion efficace des RH. La GTA devient essentielle pour mesurer les niveaux de productivité, la satisfaction des collaborateurs et au final la compétitivité de l’entreprise ;
• L’absentéisme est un sujet que l’on traite dans le domaine RH. Le recours à une IA permet d’analyser dans une étude ce qui se passe au niveau de l’absentéisme. Ce qui permet de faciliter le dialogue entre services RH et la direction, avec l’accord des partenaires sociaux. Nous avons traité 3 cas d’entreprises dans ce sens à travers Data Tell Story. L’IA devient une aide à la prise de décision mais ne propose pas directement de solution », évoque Laurent Bresson, CEO de Data Tell Story du nom d’une start-up IA française, qui est intervenu lors de ce webinar.

« Au-delà des éléments factuels issus de l’analyse des données collectées en interne, on peut intégrer des données contextuelles plus larges pour comprendre les sous-jacents de l’absentéisme. Ce qui permet d’anticiper l’absentéisme, d’appréhender les causes (management, difficultés liées aux postes de travail…) et d’aborder la dimension de prédiction à travers la puissance de l’IA. La réduction de l’absentéisme associé au turn-over est un vrai enjeu de performance », évoque François-Alexandre Glaudet, CEO de Quavitra (qui aide les entreprises à disposer de collaborateurs engagés et fidèles), également intervenant à ce webinar.

Lors de la session de questions-réponses, l’intérêt de ChatGPT dans les solutions des 2 éditeurs a été évoqué. 

• Laurent Bresson indique qu’il a regardé « la puissance de ChatGPT » considérée comme « une révolution ». « Chez Data Tell Story, nous utilisons un connecteur ChatGPT après avoir trouvé les prescriptions. Ce qui permet de mettre en forme des phrases pour les réponses apportées. Les premiers résultats sont extraordinaires. Cela doit être perçu comme un outil et non quelque chose de concurrentiel. »
• « Je considère ChatGPT comme un sujet prospectif, à l’instar du bénéfice apporté par le smartphone par rapport au téléphone portable. C’est un changement d’interface et de capacité à aller chercher de la donnée et de la croiser », indique François-Alexandre Glaudet au nom de Quavitra.