Tribune - Recrutement : comment le digital peut-il (véritablement) promouvoir la diversité ?
Le | Gestion des candidatures
Pour Yves Loiseau de Textkernel et Etienne Berger de Sia Partners, le redoutable manque de diversité dans les recrutements n’émane pas seulement des pratiques discriminatoires. Il s’explique aussi largement par les dispositifs de filtrage des candidats auxquels sont soumis les recruteurs
Pourquoi est-il important de miser sur la diversité ?
En entreprise, la diversité est souvent associée à des enjeux de RSE, qui passent facilement au second plan en période de restrictions budgétaires. En réalité, on a tendance à oublier que le manque de diversité a un vrai coût sociétal (chômage, formations à rallonge, maladies psycho-sociales) qui se traduit invariablement en impôts. Sans compter l’enjeu systémique : à force de recruter des clones, le « système entreprise » tend vers l’entropie, a fortiori à une époque où tout va très vite.
Plus concrètement, la diversité est une réponse sous-exploitée aux problématiques de contention de ressources auxquelles font face les entreprises. Certains recruteurs persistent à chercher en vain un jeune mouton à 5 pattes plutôt que d’embaucher un senior qui sur-performerait à un poste que l’on n’imaginait pas pour lui. Car la diversité ne se joue pas seulement en termes de nationalité ou de religion. L’âge, la variété des profils et des trajectoires sont également des variables à prendre en compte. Aujourd’hui, quelqu’un qui n’a pas fait HEC a peu de chance pour un poste de trader quand bien même il ait des compétences idoines.
La faute au recruteur ? Trop facile…
La discrimination, les préjugés et la peur du changement sont des phénomènes qui expliquent en partie le manque de diversité. En partie seulement, car le problème de l’emploi des jeunes et des séniors est aussi largement lié au spectre de recherche qui s’impose de facto aux recruteurs. Les bases de données sont modélisées de telle sorte qu’un candidat qui ne correspond pas aux cases n’a quasiment aucune chance d’émerger. En matière de recrutement, le moteur de recherche est souvent assimilé à un entonnoir. En réalité, c’est plutôt un laminoir, qui échappe totalement au contrôle du recruteur. La sémantique s’impose comme une première réponse, puisqu’elle permet d’analyser des CV non pas sur la base de mots-clés décontextualisés, mais à travers le prisme du sens.
Dégrader ses contraintes pour arriver à un panel de profils acceptables
Les solutions de matching entre un candidat et une offre d’emploi - ou les outils de tri de CV et de scoring des candidatures sont désormais légion. Ils permettent indirectement de promouvoir la diversité du recrutement en outrepassant les filtres culturels, cognitifs et normatifs du recruteur. Il ne s’agit pas forcément de recrutement prédictif. Les prédictions fonctionnent bien dès lors que l’univers est maitrisé, connu, balisé - et que l’on peut s’appuyer sur des milliards de données. Est-ce toujours le cas dans l’environnement RH, qui est par définition agile et fluctuant ?
Reste que, faute de temps, le recruteur a besoin de rationnaliser sa démarche de recrutement. Il s’appuie donc volontiers sur des dispositifs digitaux pour objectiver ses décisions - pas pour qu’une machine décide à sa place, ni pour obtenir une réponse unique et inflexible. La technologie peut faire ressortir d’innombrables points de vue sur un candidat : son parcours, ses compétences, son profil psychométrique, ses loisirs, ses goûts, etc. Elle offre des éclairages différents et complémentaires. Et permet ainsi au recruteur d’allumer et d’éteindre des spots pour décider, in fine, quelle est la plus belle photo. Car c’est en offrant plus de choix d’arbitrage aux recruteurs que l’on pourra véritablement les aider à promouvoir la diversité.
Yves Loiseau - Business Manager Southern Europe, Textkernel
Etienne Berger - Project Manager HR & Change, SIA Partners