Télétravail : les contours « pour une mise en œuvre réussie » adoptés en ANI
Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail
Sous la houlette du gouvernement, un accord national interprofessionnel (ANI) a été adopté pour uniformiser les conditions de mise en place du télétravail. Voici les points RH majeurs décortiqués.
Le télétravail a pris une ampleur phénoménale en 2020 en raison de la crise Covid-19 et des confinements sanitaires engendrés.
Depuis début 2020, plus de 700 accords d’entreprise ont été signés sur cette thématique, qu’ils soient nouveaux ou constituent des avenants à des accords préexistants. Cette lame déferlant sur le monde du travail nécessitait une remise à plat des dispositifs légaux.
Sous la houlette du gouvernement, un accord national interprofessionnel (ANI) a été adopté le 26 novembre 2020 « pour une mise en œuvre réussie du télétravail », après une négociation de trois semaines.
Les conclusions de ce diagnostic ont reçu un avis favorable de la CFDT, CFE-CGC, FO du côté des syndicats des travailleurs (la CGT a transmis un avis défavorable à ses instances) et du MEDEF, CPME et U2P du côté des organisations patronales.
Le texte est ouvert à la signature des organisations syndicales jusqu’au 24 décembre 2020.
Télétravail : définition et découpage de l’ANI
Avec les négociations entre organisations syndicales et patronales, une définition consensuelle du télétravail est apparue.
Elle « désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Ce qui veut qu’elle intègre le travail réalisé à domicile mais également dans un tiers-lieu (comme un espace de coworking).
L’ANI est constitué de 9 parties :
- Le télétravail dans l’entreprise ;
- La mise en place du télétravail ;
- L’organisation du télétravail ;
- L’accompagnement des collaborateurs et des managers ;
- La préservation de la relation de travail avec le salarié ;
- La continuité du dialogue social de proximité en situation de télétravail ;
- La mise en oeuvre du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure (comme l’épidémie de Covid-19 et le déploiement du télétravail en raison des confinements sanitaires) ;
- Comité de suivi paritaire. Il se réunit au terme d’un délai de 2 ans suivant l’entrée en vigueur de l’accord ;
- Durée, règles de révision et de dénonciation, extension de l’accord.
Des principes consensuels à prendre en compte
Il existe plusieurs composantes clés avec l’ANI selon notre partenaire média News Tank RH :
- éligibilité́ des postes au télétravail ;
- double volontariat (employeur, salarié) pour sa mise en place ;
- mise en œuvre par accord collectif ou, à défaut dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, la mise en place du télétravail est possible par accord de gré à gré entre le salarié et l’employeur ;
- réversibilité et retour du télétravailleur sur l’emploi prévu au contrat de travail ;
- prise en charge des frais professionnels ;
- télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ;
- droit à la déconnexion, santé et protection du télétravailleur contre les accidents du travail ;
- maintien du lien entre les télétravailleurs et les organisations syndicales de l’entreprise.
ANI spécial télétravail : le décryptage
L’ANI apporte divers éclairages sur la manière de mettre en œuvre le télétravail :
Intégration « dans une organisation du travail adaptée »
« Une analyse préalable des activités éligibles facilite sa mise en œuvre Pour ce faire, les partenaires sociaux considèrent que le dialogue professionnel permet de repérer les activités pouvant être exercées en télétravail. La définition des critères d’éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social. »
« Dans le cadre de ses missions habituelles, le CSE est consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise, dont les conditions de mise en oeuvre et le périmètre du télétravail. »
Information aux salariés
« Dès lors que l’employeur envisage, par charte, d’ouvrir la possibilité de recourir au télétravail dans l’entreprise, il consulte le CSE dans les conditions prévues par les dispositions légales et conventionnelles. »
« Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux ou de CSE, les signataires du présent accord encouragent l’employeur qui envisage la mise en place du télétravail à se concerter avec les salariés, au regard d’un accord de branche conclu sur ce thème, s’il existe. »
Refus du télétravail par l’employeur
« En vertu de l’article L. 1222-9 du code du Travail, l’employeur motive son refus d’accéder à une demande de recours au télétravail formulée par un salarié, dès lors que l’accès au télétravail est ouvert dans l’entreprise par un accord collectif de travail ou par une charte, et que le salarié demandeur occupe un poste télétravaillable en vertu d’une disposition de cet accord ou de cette charte, ou dès lors qu’il s’agit d’un salarié en situation de handicap ou aidant un proche. »
« Dans les autres cas, l’employeur est invité à préciser les raisons de son refus d’accéder à la demande de télétravail émanant d’un salarié. Le refus du salarié d’accepter le télétravail n’est pas, en soi, un motif de rupture du contrat de travail ».
Durée et fréquence du télétravail
« La durée du travail du salarié est identique qu’il soit sur site ou en télétravail. L’employeur fixe, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter, en cohérence avec les horaires de travail en vigueur dans l’entreprise. »
« La fréquence du télétravail est déterminée par accord entre l’employeur et le salarié, conformément, le cas échéant, aux dispositions de l’accord collectif ou de la charte relatifs au télétravail en vigueur dans l’entreprise. »
« Cette fréquence peut être exprimée par exemple en nombre de jours par semaine, par mois, ou par un nombre de jours forfaitaires par semestre ou par an. En tout état de cause, le télétravail peut être régulier ou occasionnel. »
« En tout état de cause, l’employeur peut organiser les conditions du retour ponctuel du salarié en télétravail dans les locaux de l’entreprise en cas de besoin particulier, de sa propre initiative ou à la demande du salarié. »
Contrôle du travail effectué à distance
« Il résulte des dispositions légales que si un moyen de contrôle de l’activité du salarié et de contrôle du temps de travail est mis en place, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché, et le salarié doit en être informé. »
« La mise en place de dispositifs numériques spécifiques nécessite le respect de deux conditions cumulatives : la consultation préalable du CSE et l’information préalable des salariés. »
Rappelons que la CNIL a également mis en place des garde-fous pour éviter des dérives sur ce point.
Représentation à distance du personnel
« Les représentants élus du personnel et les mandataires syndicaux, lorsqu’ils existent, bénéficient, en vertu de la loi, de moyens de fonctionnement équivalents, qu’ils soient dans les locaux de l’entreprise ou en télétravail. »
Frais en télétravail
« Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail. »
« A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur. »
Accidents en télétravail
« Le télétravail étant une modalité d’exécution du contrat de travail, la présomption d’imputabilité relative aux accidents de travail s’applique également en cas de télétravail. Malgré les difficultés de mise en oeuvre pratique, c’est ce que prévoit explicitement le code du Travail. »-
Intégration des nouveaux collaborateurs
« L’intégration réussie des nouveaux embauchés demande une attention particulière qui peut nécessiter d’être renforcée dans le cadre du télétravail pour garantir l’inclusion dans la communauté de travail et la bonne appréhension du poste de travail et de son contenu :
- apprentissage ;
- montée en compétence ;
- acculturation à l’esprit de l’entreprise, etc.
Il peut être ainsi pertinent de prévoir une période à l’issue de laquelle un nouveau salarié peut avoir accès au télétravail. »
Gestion des talents
- Le télétravail ne doit pas être un frein au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.
- La pratique du télétravail ne peut influencer négativement sur la carrière des femmes et des hommes.
Prévention des risques d’isolement et/ou de dépression
« L’éloignement des collaborateurs et la distanciation physique des équipes de travail du fait du télétravail ne doit pas conduire à un amoindrissement du lien social. »
« La prévention de l’isolement participe à la fois de la santé au travail du salarié en télétravail et du maintien du sentiment d’appartenance à l’entreprise. »
Des formations pour mieux appréhender le télétravail
Avec l’ANI, il est recommandé d’organiser des formations pour accompagner la montée en compétences des managers et des salariés dans un cadre de télétravail :
• adaptation des modalités de réalisation de l’activité ;
• autonomie du salarié en télétravail ;
• séquençage de la journée de télétravail ;
• respect du cadre légal relatif à la durée du travail et à la déconnexion ;
• utilisation régulée des outils numériques et collaboratifs.