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Le télétravail favorise-t-il une meilleure gestion entre vie pro et vie perso ?

Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail

Assises de la Parité 2022 : des dirigeants de Banque Palatine, l’AFP, l’EDHEC, Omnicell et La Maison Bleue témoignent de leurs expériences d’organisation du travail hybride. Un équilibre qui n’est pas si évident…

Assises de la Parité 2022 : table ronde « Management : nouveaux codes du travail, équilibre de vie » - © D.R.
Assises de la Parité 2022 : table ronde « Management : nouveaux codes du travail, équilibre de vie » - © D.R.

La flexibilité associée au travail hybride (mix du travail au bureau et à distance) aboutit-elle à un rééquilibrage de la vie professionnelle et vie perso ? Pas si évident que cela selon un panel de dirigeants d’entreprises et d’experts RH réuni lors des Assises de la Parité organisées le 28 juin 2022.

Sur le thème « Management : les nouveaux codes du travail et l’équilibre vie pro/vie perso », une table ronde a permis de faire le point sur ce sujet :

  • Marie Rouen, Directrice Ressources et Service, Banque Palatine
  • Dalila Zein, Directrice générale de l’AFP,
  • Sara Dalmasso, Vice President d’Omnicell,
  • Hager Jemel-Fornetty, Directrice Open Leadership en charge de la diversité et de l’inclusion à l’EDHEC,
  • Louis Verdier, Directeur général de La Maison Bleue.

(Adaptation d’une synthèse publiée sur News Tank RH le 29/06/2022)

« Travail hybride : il faut repenser l’intégralité du mode de fonctionnement de l’entreprise » (Marie Rouen, Banque Palatine)

Marie Rouen, Banque Palatine - © D.R.
Marie Rouen, Banque Palatine - © D.R.

« Nous vivons un principe de réalité : le télétravail s’est imposé à nous. Cela peut apporter de bonnes choses, mais ne tombons pas de l’autre côté du cheval avec l’hyper-connexion, la perte de cohésion sociale, les risques de perte d’engagement. Il faut accompagner les managers et les collaborateurs avec de la formation et du coaching. Nous disposons d’une charte pour des usages équilibrés entre la vie professionnelle et la vie personnelle. La notion de bien-être ne doit pas être juste du marketing. »

« Il faut repenser l’organisation du travail et plus globalement l’intégralité du mode de fonctionnement de l’entreprise : management, accompagnement, organisation des réunions…Nous sommes toujours en période de tests. Nous reviendrons d’ailleurs sur des choses préalablement mises en place. Nous avions signé juste avant la crise un premier accord de télétravail d’une durée d’un an en vue d’un test grandeur nature. Nous savions qu’il faudrait se recaler en fonction de l’évolution de la situation de la pandémie et des usages. »

« Cette notion de bienveillance est importante. Je préfère parler de ‘care management’. Nous avons accompagné les managers et les salariés pour déterminer les bons codes du télétravail. Nous savons qu’il est plus difficile de détecter les signaux faibles en travaillant à distance. Nous avons formé les managers au management à distance, à l’intelligence émotionnelle, au coaching de leadership pour mieux écouter les collaborateurs. Tout cela au service de l’efficacité. »

« 85 % de nos collaborateurs ont opté pour le télétravail » (Dalila Zein, AFP)

Dalila Zein, AFP - © D.R.
Dalila Zein, AFP - © D.R.

« La notion d’engagement est importante : il faut que les collaborateurs sentent que l’on se préoccupe de leur équilibre vie professionnelle-vie personnelle au plus haut niveau de l’entreprise. Nous venons de signer avec les partenaires sociaux un accord sur la qualité de vie au travail. Le travail à distance est un actif important pour les entreprises mais il faut se donner les moyens pour que tout se passe bien. Il faut établir un cadre. Chez l’AFP, il est possible de réaliser du télétravail jusqu’à 2 jours. 85 % des collaborateurs ont opté pour le télétravail. C’est un choix mais à condition de le vivre bien. En fonction des bureaux et des services, cela peut devenir intenable. L’entreprise doit tracer une voie, laisser une certaine flexibilité mais il faut encadrer les pratiques pour éviter de tomber dans d’autres travers. »

« Sur la dimension de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, il existe 2 volets : 

  • La prévention : l’entreprise doit s’organiser pour savoir détecter les signaux faibles avec le travail à distance et offrir aux collaborateurs des outils de prévention face aux RPS. Pendant la crise, l’AFP a déployé un programme pour que n’importe quel collaborateur puisse accéder un psychologue en cas de besoin.
  • L’usage des outils numériques comme levier de motivation dans un cadre de travail à distance. Dans le nouvel accord de l’AFP, des dispositifs ont été prévus pour organiser le télétravail en cas de grossesse avancée, en cas de parentalité avec des situations de handicap à gérer, d’accompagnement dans une phase de pré-retraite. Sur des périodes données en fonction du contexte, nous pouvons aller au-delà de 2 jours de télétravail. »

« Une charte des bons usages du numérique a été mise en place dans notre société » (Sara Dalmasso, Omnicell)

Sara Dalmasso, Omnicell - © D.R.
Sara Dalmasso, Omnicell - © D.R.

« Le télétravail donne un sentiment d’effacer les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle. C’est important d’avoir un droit à la déconnexion. Une charte des bons usages du numérique a été mise en place dans notre société. Nous essayons d’implémenter des règles de bienveillance pour éviter qu’une réunion soit organisée au moment où les enfants sont emmenés à l’école par exemple. »

« En interne, nous réalisons beaucoup d’enquêtes de satisfaction sur le bien-être de nos employés, notamment sur le télétravail qui s’est développé à la suite de la crise Covid-19. Les employés ont parfois ressenti l’obligation de se montrer disponible 24h/24. Il a été nécessaire d’expliquer à nouveau les règles. C’est aux managers de montrer l’exemple, en n’envoyant pas d’e-mails tard le soir ou tôt le matin. Il faut que chacun soit responsable. À titre personnel, je veux dîner avec mes enfants chaque soir, donc je bloque mon agenda. C’est une question de flexibilité et d’équilibre. »

« Déterminer les initiatives à mettre en place nécessite un travail d’écoute des employés et de discussion avec les représentants du comité d’entreprise . Avec l’essor du télétravail, le poste de travail est désormais entré au cœur du foyer. Il faut donc s’assurer que chacun dispose d’un bon équipement. L’entreprise fournit une dotation mensuelle par mois à chaque employé qui peut disposer d’un double écran et d’un siège ergonomique. Il faut préalablement s’assurer que l’on dispose d’une place dédiée au travail à son domicile, que l’on soit installé à Paris ou en province. »

« On persiste à penser que la flexibilité et le télétravail concernent d’abord les femmes » (Hager Jemel-Fornetty, Edhec)

Hager Jemel-Fornetty, Edhec - © D.R.
Hager Jemel-Fornetty, Edhec - © D.R.

« Nous parlons de plus en plus de flexibilité de l’organisation du travail comme source d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. C’est un grand leurre. Selon plusieurs études dont les nôtres, la flexibilité peut accroître ce manque d’équilibre. La flexibilité implique de travailler à distance et d’adapter ses horaires par rapport à ceux du bureau. Mais, en raison de ce sentiment de culpabilité lié à la culture française du présentéisme, nous avons l’impression qu’il faut être sans cesse connecté. C’est aussi représentatif du mode de pensée de certains managers : tout collaborateur flexible doit être joignable à n’importe quel moment de la journée et disponible pour des réunions à n’importe quelle heure. Le déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle s’approfondit dans ce cas. »

« On persiste à penser que la flexibilité et le télétravail concernent d’abord les femmes. Dans l’imaginaire collectif, la place des femmes est surtout auprès de leurs enfants pour s’occuper des tâches familiales. En leur donnant plus de flexibilité, on a l’impression qu’on leur donnera davantage de participer à la vie économique. C’est sympathique a priori mais, en fait, on ramène la femme vers la maison. »

« Dans les crèches d’entreprise, le sujet central reste l’enfant, pas la performance de l’entreprise » (Louis Verdier, La Maison Bleue)

Louis Verdier, La Maison Bleue - © D.R.
Louis Verdier, La Maison Bleue - © D.R.

« Nos clients, des DRH ou des directeurs généraux, nous indiquent que les employés prennent leur temps pour adapter les éléments constituant  l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Les besoins des collaborateurs, comme ceux des entreprises peuvent évoluer en fonction des vagues de Covid-19. Je préfère donc la notion d’équilibre dynamique. »

« Au-delà des problématiques de logistique pour proposer des solutions de gardes d’enfants en crèche, les parents, c’est-à-dire les salariés qui peuvent être aussi des jeunes parents, attendent des entreprises qu’elles soient force de proposition sur des choix éducatifs. Dans les crèches d’entreprise, le sujet central reste l’enfant. Initialement, la force de proposition était : ‘Vous aurez des salariés performants car ils seront sereins pour gérer la logistique liée à la garde d’enfants’. Or nos 4 000 collaborateurs, dont 3 800 travaillant dans les crèches, se lèvent le matin pour leur enfant et pas pour la performance de l’entreprise. »

« Avec l’hybridation du travail, il faut que la crèche soit à proximité du domicile ou près du siège social de l’entreprise et éviter que la charge logistique soit dévolue à la mère. Mais, de facto, 90 % des demandes de places en crèche que nous recevons émanent d’adresses e-mail au féminin. Culturellement, il y a encore un énorme travail à faire. »

Pour découvrir le replay de la table ronde des Assises de la Parité : « «Management : les nouveaux codes du travail et l’équilibre vie pro/vie perso »

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