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Bilan Assises de la Parité 2021 : « L’impulsion se transforme en accélération au sein des entreprises »

Par Philippe Guerrier | Le | Motivation & engagement

Entretien croisé post-événement avec Lucille Desjonquères, Présidente IWF, et Mathieu Gabai, Président EPOKA, sur les principales tendances des Assises de la Parité organisées le 6 mai avec 7000 participants.

Bilan des Assises de la Parité 2021 avec Mathieu Gabai (EPOKA) et Lucille Desjonquères (IWF) - © D.R.
Bilan des Assises de la Parité 2021 avec Mathieu Gabai (EPOKA) et Lucille Desjonquères (IWF) - © D.R.

Elles ont marqué le retour de l’événementiel du printemps sur fond d’allégement progressif des mesures de restrictions associées à la crise sanitaire. Les Assises de la Parité ont été organisées le 6 mai par l'International Women’s Forum (IWF) dans les locaux parisiens de son partenaire organisateur : l’agence de communication EPOKA.

Sous le thème des « impulsions », cette édition a été marquée par un dispositif de plateaux d’invités associés à une diffusion en live streaming. Elle a rassemblé 7000 participants autour de 30 tables rondes et ateliers, 20 temps forts et 7 thématiques mises en exergue :

  • Les quotas constituent-ils une solution pour l’accélération de la parité ?
  • La relance doit être paritaire, pourquoi le monde d’après ne doit pas ressembler au monde d’avant
  • La Parité, un critère d’attractivité comme un autre ?
  • L’innovation et la recherche boostées par la Parité ?
  • La transition numérique, un changement de paradigme ?
  • Formations et métiers doivent-ils être assignés à un genre ?
  • Médias et culture : miroirs de la société ?

En cette fin de journée événementielle, Lucille Desjonquères, Présidente du chapitre français IWF France également cofondatrice du cabinet Leyders Associates engagé sur le thème de la diversité (RSE, parité, ESG…), et Mathieu Gabai, Président EPOKA, ont dressé pour News Tank et RH Matin un bilan de l’édition 2021 des Assises de la Parité.

Depuis la première édition des Assises de la Parité en 2019, observez-vous un engouement croissant vis-à-vis du thème de la parité ?

C’est le monde de demain qui émerge.

Lucille Desjonquères : Au-delà des quotas, le RSE et l’ESG (Environnement, Social et Gouvernance) représentent des accélérateurs de parité à associer avec les dimensions de diversité (ethnie, répartition femme/homme, écologie et climat). Toutes ces valeurs sont recherchées par la génération Z qui veut rejoindre les entreprises qui ont du sens.

C’est valable aussi pour les femmes. Les sociétés très masculines manquent de dynamisme et passent à côté de talents. Les entreprises d’une certaine taille font de plus en plus de la RSE. Même si elles ne sont pas convaincues elles-mêmes, elles se retrouvent obligées d’en faire. Cela peut se concrétiser par des fondations, du soutien aux start-ups…A partir du moment où la parité fait partie de la diversité, ce n’est que du plaisir et cela se fait de manière assez naturelle.

Nous ressentons une véritable accélération. Les mentalités ont évolué avec les débats publics suscités par l’instauration de quotas pour favoriser la parité en entreprise.

Notamment à travers la mobilisation de personnalités politiques qui sont montées au créneau avec la volonté d’élargir la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration [ndlr : inscrite dans la loi du 27 janvier 2011, dite « Loi Copé-Zimmermann »] à des instances plus opérationnelles comme le Comex. Cela fait couler encore beaucoup d’encre.

La table ronde organisée sur ce thème [« En quoi les quotas constituent une solution pour l’accélération de la parité »] a montré qu’il existait encore des désaccords en fonction des secteurs ou par paliers.

En tout cas, c’est un sujet en mouvement. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, veut étendre la Loi Copé-Zimmermann aux entreprises au statut de SAS [pour l’instant, elle ne concerne que les entreprises cotées, les sociétés de plus de 500 salariés ou avec un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros], mais cette disposition est encore reportée aux calendes grecques.

Bilan : nous avions l’impression de piétiner voire de faire machine arrière.

  • Avec la crise Covid-19, les femmes ont vu au premier confinement qu’elles étaient les grandes perdantes. Nous n’avons pas observé d’ouverture.
  • Avec le deuxième confinement, nous avons voulu prendre notre place et faire partie des décisionnaires en entreprise en vue d’une sortie de crise.

C’est le monde de demain qui émerge. Cette crise Covid-19 représente une vraie rupture qui rebat les cartes avec une profonde prise de conscience et une autre vision du monde.

Toutes les études montrent que les performances des entreprises sont meilleures en cas mix d’équipes femmes / hommes. Les pachydermes qui n’en veulent pas, c’est old school. Nous pouvons aller beaucoup plus loin : la loi Copé-Zimmermann est bien appliquée par le SBF 120, mais, derrière, il reste 600 entreprises concernées à la traîne.

Que pensez-vous de la proposition de « Loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle » et à instaurer des quotas de femmes dans les instances opérationnelles de direction en entreprise ?

Lucille Desjonquères : Pour la première fois depuis sa création en 2017, l’IWF France soutient une proposition de loi, celle déposée par la députée Marie-Pierre Rixain. Parce que c’est passionnant pour une femme d’agir dans un comité stratégique d’entreprise.

Lorsqu’une femme parvient au comité d’exécution (comex), le mouvement permet d’installer des femmes en responsabilité de manière transversale. En redescendant dans l’organigramme vers des instances de type comité de direction (codir) par exemple.

Il faut mettre en place des quotas dans les entreprises pour briser le plafond de verre.

L’objectif n’est pas de placer des femmes pour des femmes. Mais de favoriser les prises de fonction de celles qui sont compétentes.

Ce sont des questions d’impulsion et de sororité qui n’existaient pas à une certaine époque. Il faut dépasser l’approche des féministes qui montent sur les barricades. Ce fût utile au départ, mais l’approche fait peur aux hommes…et aux femmes. C’est contre-productif.

Je crois que cela explique le succès des Assises de la Parité et de l’IWF : le côté bienveillant.

Peut-on parler de prises de position volontaristes ou d’un passage forcé sur le thème de la parité ?

Mathieu Gabai : Les participants des Assises de la Parité ne donnent pas l’impression d’un passage forcé. Nous parlons beaucoup des grands groupes, mais il faut dépasser ce périmètre. C’est le grand changement en deux ans

  • l’incroyable mobilisation au niveau des entreprises toutes tailles confondues ;
  • des institutions ;
  • des grandes écoles ;
  • des organismes de formation ;
  • des OPCO ;
  • des médias
  • des start-ups.

Il y en a 50 mobilisés pour l’édition 2021 des Assises de la parité. Nous espérons qu’il y en aura 100 l’an prochain.

La répartition de prises de parole est égale entre les hommes et les femmes. Au-delà de la question de la mobilisation, des questions demeurent dans la réalité opérationnelle.

L’étude CentraleSupelec présentée lors des Assises est passionnante, car elle démontre que parité est égale à performance qui se répercute sur le cours de Bourse, la performance opérationnelle, la croissance et la rentabilité. Entre 5 et 25 % de performance additionnelle à tous les niveaux.

A côté, il existe évidemment des différences et des inégalités dans les métiers. Les témoignages de jeunes qui ont partagé leurs visions ou leurs avis lors de ses Assises étaient intéressants. Lorsqu’on fréquente une école de management ou d’ingénieur, une université, la perception de la parité est différente.

L’Etat a un rôle majeur à jouer : il faut éveiller les consciences en matière de parité dès la fin du cycle primaire ou l’accès au collège.

J’aime beaucoup la citation de Thierry de la Tour d’Artaise, patron du Groupe SEB : « Mon objectif, c’est d’avoir la parité qui est la représentativité de mes équipes. » C’est un point de vue intéressant. Car nous ne pouvons pas non plus faire n’importe quoi. Il existe des métiers où l’on trouve 20 % de femmes et 80 % d’hommes.

Il faut faire bouger les lignes et les Assises de la Parité démontrent que c’est possible. L’engouement est incroyable : plus de 7000 décideurs se sont mobilisés. Nous avons ainsi accueilli les patrons de grands médias. C’est une impulsion qui n’a jamais été donnée auparavant.

Quelles sont les premières perspectives pour le rendez-vous des Assises de la Parité en 2022 ?

L’édition 2022 intégrera la perspective de l’élection présidentielle

Mathieu Gabai : Nous voudrions que les Assises de la Parité n’existent plus dans dix ans. Cela voudrait dire que nous avons réussi à faire bouger les lignes ensemble et à dépasser ce plafond de verre. C’est déjà le cas au regard la mobilisation qui s’amplifie. Aujourd’hui, il y a plus de femmes que d’hommes qui participent aux Assises. Même si nous parvenons à atteindre la parité parfaite pour les tables rondes.

Nous préparons déjà avec l’association IWF à la prochaine édition 2022, sachant que nous avons dû freiner le nombre de partenaires pour certaines catégories d’acteurs comme les grandes écoles. L’édition 2022 devrait être réalisée dans le courant du premier trimestre. Elle intégrera la perspective de l’élection présidentielle |avril 2022] : nous proposerons aux candidats de s’exprimer sur la parité.

L’édition 2021 était symbolisée par l’angle de l’impulsion dans une période de crise forte. La prochaine sera davantage marquée par une accélération et le développement.

Lucille Desjonquères : Les partenaires de notre club ayant élaboré des baromètres pour suivre l’évolution de la parité reviendront en 2022 pour actualiser leurs indicateurs. Ils seront des locomotives pour embarquer les retardataires. Nous sommes en train de créer une famille de la parité. Nous avons créé des liens avec le talent d’Epoka [agence de communication organisatrice] et nous allons tracter d’autres pays avec l’appui du réseau IWF.

Voir vidéo YouTube du best-of des Assises de la Parité 2021