French Tech : quelle gestion RH dans l’essor de licornes ?
Par Philippe Guerrier | Le | Motivation & engagement
La REF 2022 : comment soutenir les start-ups qui valent un milliard de dollars ? la vision de 5 experts : Jean-Noël Barrot (Numérique et Télécoms), Jonathan Cherki (ContentSquare), Paola Fabiani (Wisecom), Fabienne Neveux (Colunching) et Marie Tors (Graffiti).
« Les licornes sont des sociétés innovantes à forte croissance, qui sont animées par des entrepreneurs de talent qui ont l’audace de voir grand (…) Le président de la République s’est engagé sur 100 licornes d’ici 2027, dont 25 dans les technologies vertes », a déclaré Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, lors d’une table ronde thématique « 100 licornes Bleu Blanc Rouge, c’est possible ? » qui s’est déroulée le 29 août 2022 à La REF 2022 (Université d’été du Medef) à l’hippodrome de Longchamp (Paris).
Quatre autres experts du numérique ont participé à ce débat :
- Jonathan Cherki, CEO de ContentSquare,
- Paola Fabiani, présidente du Comex 40 (Medef) et de Wisecom (centre de contacts),
- Fabienne Neveux, fondatrice de Colunching (réseau social amical et professionnel autour du repas),
- Marie Tors, cofondatrice de Graffiti (visual search et IA).
Voici de larges extraits de leurs interventions respectives.
« Un chantier pour former 400 000 professionnels du numérique dans les 5 ans » (Jean-Noël Barrot)
« Avec la mission French Tech et le plan de relance France 2030, nous encourageons les entreprises à forte croissance en répondant à plusieurs enjeux :
- Financement : la période va être plus difficile pour les start-ups de la French Tech avec un accès au financement plus resserré. Nous faisons le tour de l’écosystème pour identifier les pépites qui pourraient se retrouver en difficulté.
Les technologies développées par les start-up françaises et la French Tech Next40/120 ont du potentiel et de l’avenir, malgré ce ‘crunch’ qui devrait être transitoire. Nous accompagnons aussi les scale-ups qui veulent passer à l’échelle mondiale.
Nous avons également activé la deuxième génération de l’initiative Tibi [ndlr : l’investissement dans les entreprises technologiques par le biais de la mobilisation d’acteurs institutionnels] à un niveau européen avec le lancement du programme Scale-Up Europe qui sera mis en place dans les prochains mois. L’une de ses vocations est d’accompagner les pépites vers une cotation sur un futur Nasdaq européen plutôt que d’aller se vendre aux acteurs américains. - Talent : le président de la République a pris un engagement ferme à propos de la formation de 400 000 professionnels du numérique d’ici 2027 en comprenant les offres des universités, des organismes d’apprentissage et des entreprises. Nous allons ouvrir un chantier prochainement pour atteindre cet objectif. Au-delà de la formation, les sujets de la diversité et de la parité dans l’écosystème numérique constituent également une priorité pour le gouvernement.
- Verdissement. Nous avons des objectifs globaux de baisse de consommation d’énergie pour 2030, 2050 mais aussi pour passer l’hiver [2022-2023]. Les acteurs du numérique et des télécoms doivent montrer l’exemple, offrir des solutions aux entreprises et aux particuliers et accompagner la transition écologique. Le gouvernement va fixer une feuille de route stratégique du numérique vert. »
« Ces licornes sont aussi des entreprises comme les autres : elles créent des emplois. On parle de 500 000 emplois directs et près d’un million en indirect sur le territoire français et qui se développent parfois sur des zones peu probables marquées par la désindustrialisation. »
« Nous avons besoin de talents sur des métiers en lien avec les données et l’IA » (Jonathan Cherki)
« ContentSquare, spécialiste de l’expérience analytics, est une licorne valorisée 5,6 milliards de dollars après avoir levé 600 millions de dollars en juillet. Depuis notre création en 2012, nous avons beaucoup bénéficié du support et de la bienveillance de l’État et de la règlementation sous diverses formes : dispositifs sur le partage de la valeurs à travers les BSPCE, crédits d’impôts, subventions…Nous avons également participé avec son appui à des événements comme le Forum de Davos ou Choose France. »
« Je pense que l’État peut encore faire plus pour faciliter les introductions en Bourse et valoriser le business. Il serait possible d’aller plus loin si l’État devenait un client. Car si 100 % du French Tech 120 bénéficient d’aides d’État, seulement 5 % d’entre elles travaillent pour la modernisation de l’État. »
« Sur le volet des talents, il existe de vrais enjeux de pénurie RH. La France se montre pourtant forte sur la formation des ingénieurs mais nous avons besoin de talents sur des nouveaux métiers plus ciblés en lien avec les données et l’IA. »
« À travers ContentSquare, nous ne cherchons pas uniquement à faire du super business et à devenir une des plus grandes entreprises du monde. Plus nous grandissons, plus nous avons des responsabilités pour un impact fort sur la vie en société, l’environnement, le respect de la vie privée, et la sensibilité à la transformation énergétique. »
« Pourquoi ne pas inclure les performances RSE dans la valorisation des start-ups ? » (Paola Fabiani)
« Le Comex 40, que je préside au sein du Medef, permet d’alimenter les réflexions sur les grands enjeux sociétaux en anticipant leur impact sur les entreprises, de favoriser les échanges et de formuler des propositions. » « Le développement de licornes représente des enjeux essentiels pour l’économie et l’emploi. 4 actions doivent être mises en place pour faciliter la croissance et la transformation des start-ups en licornes :
- Les investissements. Il faut continuer ce qui a été amorcé il y a 5 ans car l’argent est le nerf de la guerre. Nous pouvons poursuivre la réflexion sur la manière de flécher l’épargne des Français dans le financement des entreprises innovantes comme les start-ups. De manière statistique, 0,1 % des start-ups deviennent des licornes. Pour favoriser l’entrepreneuriat, il faut développer les dispositifs d’intrapreneuriat à destination des salariés au sein des entreprises. Ils fonctionnent bien puisque l’on recense de 30 à 40 % de succès en plus en exploitant ce levier.
- La transmission du savoir via du mentoring plutôt de manière bénévole pour anticiper les risques et appréhender les nouveaux environnements. -
- Les relations entre grands groupes et start-ups à approfondir,
- L’accès aux marchés internationaux.
« 24 % des créateurs de start-ups sont des femmes » (Fabienne Neveux)
« La place des femmes dans le monde des start-ups reste un problème. Actuellement, 24 % des créateurs de start-ups sont des femmes. Nous observons encore un déséquilibre important entre start-uppers et start-uppeuses en termes de :
- répartition de montants levés,
- nombres d’opérations de financement.
« Soit nous levons des fonds soit nous tombons dans les oubliettes » (Marie Tors)
« Grafitti est une start-up que j’ai cofondée en 2019 et qui a fait l’objet d’itérations pour définir le bon modèle. Nous développons des algorithmes qui permettent aux téléphones de reconnaître les objets autour d’eux en exploitant la réalité augmentée et de vérifier les informations dessus. »
« Nous sommes dans une phase problématique entre fin de R&D et démarrage du business. Nous entrons dans une période plus difficile pour le financement précoce des start-ups. Soit nous levons des fonds pour tenter de devenir une licorne soit nous tombons dans les oubliettes. Nous cherchons à lever au moins 10 M€ pour développer nos activités. »