Grande démission : comment évaluer le phénomène en France ?
Par Philippe Guerrier | Le | Motivation & engagement
Le niveau de démissions en France est élevé, admet la Dares. Mais il faut surtout percevoir un effet du « dynamisme du marché du travail » et prendre du recul par rapport au contexte américain.
La « Grande démission » est-elle palpable en France ?
Le 18 août, la Dares a publié une note de synthèse à ce sujet au regard du phénomène observé aux Etats-Unis à la suite aux premières vagues de la crise Covid-19. Outre-Atlantique, le nombre de travailleurs ayant quitté volontairement leur poste avait nettement augmenté pour changer de travail, chercher un autre emploi ou se retirer de la population active.
En France, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares, rattachée au ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion) s’est penchée sur le phénomène dans le courant de l’été.
Grande démission : les principaux éléments statistiques en France
- Entre fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau« historiquement haut » selon la Dares : 520 000 par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI.
- Pour trouver le précédent record, il faut remonter à la crise financière mondiale de 2008 (dite « crise des subprimes ») avec 510 000 démissions dont 400 000 pour les seuls CDI sur le premier trimestre de cette année-là.
« Le taux de démission est élevé mais il n’est pas inédit », tempère la Dares dans sa note de synthèse.
- Afin de tenir compte des fluctuations de l’emploi, le nombre de démissions peut être rapporté à celui des salariés. Ainsi, le taux de démission obtenu atteint 2,7 % en France au 1er trimestre 2022. Il est au plus haut depuis la crise financière de 2008-2009, mais reste en deçà des niveaux atteins juste avant début 2008 (2,9 %).
- En effectuant un zoom sur le segment des entreprises de 50 salariés ou plus, le taux de démission est actuellement de 2,1 % (parmi les plus élevés depuis 1993) mais il est toutefois inférieur à celui observé au début des années 2000 (2,3 % au 1er trimestre 2001).
Sous un autre angle de vue, on pourrait considérer cette « Grande démission » comme une « Grande migration », compte tenu des tensions actuelles sur le marché du travail.
Les difficultés de recrutement se sont aggravées, notamment dans l’industrie manufacturière et les services, et au plus haut depuis 2008 dans le bâtiment. La situation est complexe dans de nombreux secteurs d’activité, y compris dans les technologies, avec des experts difficiles à trouver.
Logiquement, cette situation de pénurie crée des opportunités pour les salariés déjà en poste et est susceptible, en retour, de conduire à des démissions plus nombreuses.
Une hausse des démissions en raison du marché dynamique du travail
« Cette hausse des démissions est liée à un marché du travail particulièrement dynamique. Notre économie crée beaucoup d’emplois, le taux de chômage baisse, les réserves de main d’œuvre baissent et les opportunités pour les salariés augmentent car les employeurs vont de plus en plus chercher des candidats déjà en poste », commente Michael Orand, Chef de la mission d’analyse économique de la Dares et co-auteur de la fameuse note, sur BFM business le 23 août 2022
« La situation est donc de plus en plus favorable aux salariés. Les entreprises le disent, elles ont du mal à recruter, et doivent donc proposer des niveaux de rémunération plus élevés pour attirer les candidats. C’est un phénomène classique lorsque le marché du travail est dynamique. Il n’est pas spécialement lié à la crise Covid. »
Consultez la note de l’étude « La France vit-elle une Grande démission ? » publiée par la Dares le 18 août 2022 (version PDF disponible).
Article de synthèse réalisé à partir des ressources de contenus et des données compilées sur News Tank RH. Pour accéder à l’offre Découverte.