IA et emploi : vers des nouveaux modèles pour une large inclusion
Par Philippe Guerrier | Le | Gestion des talents
Agentforce World Tour Paris par Salesforce : une table ronde intitulée « IA et emploi : en route pour un nouveau modèle ? » a réuni 5 personnalités : Thibaut Guilluy (France Travail), Pierre Matuchet (The Adecco Group), Elisabeth Moreno (Femmes@numérique), Alain Angerame (Bouygues Telecom) et Cécile Wendling (Pan-or-amiques).
L’essor des IA nécessite une remise à plat voire une remise en cause des modèles existant sur le marché de l’emploi.
A l’occasion de la convention spécial IA de Salesforce (Agentforce World Tour Pari) qui s’est déroulée le 7 novembre 2024 au Palais de Congrès de Paris, une table ronde intitulée « IA et emploi : en route pour un nouveau modèle ? » a permis de faire le point sur la nécessaire adaptation des modèles (travail, formation, inclusion) pour que l’IA profite à tous.
Voici une sélection des extraits des experts qui sont intervenus lors de cette session animée par Emilie Sidiqian, Vice-Présidente exécutive et Directrice générale France de Salesforce.
Thibaut Guilluy, Directeur général de France Travail
Les dimensions de l’IA exploitées par France Travail
« Nous exploitons l’IA sous divers angles :
- l’IA pour les missions que l’opérateur France Travail doit remplir. Nous travaillons sur les enjeux de l’IA depuis 2018 et nous disposons d’une masse importante de données. Avec la mise en place d’un comité consultatif éthique [par Pôle emploi à l’époque] et avec le dialogue social en interne, nous n’observons pas de résistance particulière au changement.
- l’IA au service des entreprises qui recrutent. C’est notre démarche à travers l’inauguration de France Travail Pro.
Nous travaillons sur 3 leviers d’action avec l’IA :
- simplifier et repenser les process de nos conseillers, supprimer tout ce qui est à faible valeur ajoutée en vue d’un repositionnement sur la relation humaine et l’accompagnement des entreprises et des personnes ;
- augmenter le potentiel. Nous exploitons l’application conversationnelle Chat France Travail, qui permet d’augmenter progressivement la puissance d’agir de nos collaborateurs et, éventuellement demain, directement celle de nos utilisateurs.
- Début 2024, nous avons lancé des tests avec quelques centaines de conseillers.
- Dorénavant, 15 000 conseillers l’ont dans les mains avec des cas d’usages prometteurs pour mieux répondre aux besoins spécifiques des entreprises et des demandeurs d’emploi.
- personnaliser à grande échelle. C’est la problématique partagée par tous les acteurs de l’emploi : comment faire du sur-mesure mais en volume ? »
Les perspectives d’évolution du marché du travail
- « Nous travaillons aussi sur l’anticipation. 52 % des salariés aspirent à changer de travail, ce qui nécessitera d’acquérir des nouvelles compétences.
- Nous évoluons dans un monde où l’on fera entre 13 et 15 métiers différents dans un parcours professionnel. Nous devons être en mesure d’accompagner ces personnes.
- Nous ne sommes pas dans l’inquiétude vis-à-vis de l’IA mais dans la responsabilité en prenant en compte la rapidité de transformation des compétences. »
Les partenariats
« • Nous avons signé de multiples partenariats, notamment avec Google, Microsoft, et Salesforce, pour former 100 % des demandeurs d’emploi en compétences de base à l’IA. »
• « Nous nous inscrivons aussi dans une logique de partenariats et de traitement des données :Avec EDF et LinkedIn, France Travail a établi un partenariat pour réaliser du sourcing en commun et partagé. »
Les contours de ce partenariat France Travail - LinkedIn France - EDF
• Concrètement, l’Université des Métiers du Nucléaire (UMN), France Travail, LinkedIn France et EDF ont signé une déclaration commune pour accélérer les recrutements du projet EPR2 de Penly, en Normandie.
• Cette expérimentation a pour objectif de développer les recrutements liés à la relance du nucléaire en France, alors que la filière a prévu de recruter 100 000 personnes d’ici 2033.
Pierre Matuchet, Directeur groupe de la Transformation digitale de The Adecco Group
- « Dans le processus de recrutement, le sourcing et le matching sont importants. L’impact de l’IA est plus important sur le premier volet.
- Aujourd’hui, un candidat doit avoir un CV avec un format donné. C’est la façon dont le secteur du recrutement le construit depuis des années.
- Avec tous les acteurs engagés dans le secteur publics ou privé, nous cherchons à déconstruire le CV et, à travers l’IA, d’être capables de prendre les informations de personnes qui ne correspondent pas forcément aux grilles et aux codes des profils recherchés, et de les amener vers ces postes à pourvoir.
- Sous cet angle, l’IA ne détruit pas d’emploi. Au contraire, elle en crée.
- Via le réseau d’intérim The Adecco Group, lorsqu’une entreprise génère une offre d’emploi par l’IA, la qualité rendue est supérieure à celle d’une démarche plus manuelle. Nous avons une augmentation de 12 % de candidats qui répondent.
- C’est cette capacité de détecter des signaux faibles qui fait la différence, en allant chercher de la donnée sur les dimensions de hard skill mais surtout de soft skill. »
Elisabeth Moreno, Présidente de la Fondation Femmes@Numérique
- « Il est évident que l’IA transformera la manière de travailler. Mais c’est aussi un accélérateur puissant d’inégalités qui ne prend pas en considération toute l’Humanité.
- Je pense aux femmes en premier lieu. Comment parvenir à une société juste si les outils IA intègrent dès leur conception à peine 20 % la réflexion féminine et si les femmes ne s’orientent pas davantage vers les métiers STEM ? Nous parlons de l’IA depuis 50 ans et de la fracture numérique qui existe depuis 30 ans.
- Pour l’inclusion professionnelle et la formation IA, Salesforce collabore en France avec des organisations comme la Fondation Mozaïk, Konexio et Diversidays.
- C’est une prise de conscience globale qu’avec l’IA, un grand pan de la société est laissé de côté.
- Les décisionnaires politiques n’ont pas forcément pris les bonnes actions pour y remédier. Il faut être cohérent : on ne peut pas parler aux jeunes dans les écoles en leur interdisant l’usage des outils IA qui les aideront à trouver un job lorsqu’ils se retrouveront sur le marché de l’emploi. »
La Fondation Femmes@Numérique soutient et finance des actions d’intérêt général engagées en faveur de la féminisation des métiers du numérique.
Alain Angerame, directeur groupe Relation client et Expérience collaborateur de Bouygues Telecom
- « On dit souvent qu’il n’existe pas de clients satisfaits sans collaborateurs heureux ! Chez Bouygues Telecom, nous avons créé en 2019 une direction de l’Expérience client et collaborateur.
- Vis-à-vis du client, nous menons régulièrement des enquêtes et calculons le NPS pour évaluer la fidélité et la satisfaction des clients.
- Du côté des familles de collaborateurs en front-office de Bouygues Telecom (conseillers clientèle, vendeurs en boutique, installateurs…), nous avons mis en place un système pour noter deux fois par an une trentaine d’applications professionnelles utilisées. Les feedbacks sont transmises aux responsables de ces produits en vue d’une amélioration ergonomique pour que les collaborateurs gagnent en efficience au nom de l’expérience collaborateur.
- En centre d’appel, nous sommes en train de développer un environnement de travail pour collaborateur “augmenté” afin de capter en temps réel ce que dit le client, extraire les mots-clés de la conversation, de pousser au bon moment les instructions à partir de nos bases de données qui sont denses.
- En fonction des conversations menées avec un conseiller en centre d’appels, nous testons un dispositif pour évaluer en temps réel l’humeur du client, pour le ramener dans une zone de conversation positive si nécessaire et adresser les bons messages pour s’assurer de sa fidélité. »
Cécile Wendling, chercheuse et dirigeante de Pan-or-amiques, société de Conseil en Prospective stratégique
« Sous le regard de la prospective, nous portons un regard systémique sur l’avenir du travail qui sera transformée fondamentalement par l’IA. Ses enjeux soutiendront plusieurs tendances :
- la santé mentale au travail. L’IA peut détecter des anomalies, quand les collaborateurs ne se déconnectent plus par exemple, et mener des actions de prévention.
- la longévité dans les organisations. En lien avec la stabilité voire le déclin démographique, la question est de savoir comment faire travailler les plus de 60 ans et développer les dimensions intergénérationnelles ? L’IA peut faciliter la détection des problèmes de vue et d’audition et permet de préserver son potentiel d’activité professionnelle plus longtemps.
- l’inclusion et la diversité. Le traitement des données, notamment celles liées à l’immigration, permettront de mieux vivre ensemble.
C’est en croisant ces tendances et les données par l’IA que l’on créera un environnement de travail plus résilient et plus cohérent. »
Pan-or-amiques est une société de conseil en prospective stratégique
Concepts clés et définitions : #France Travail : définition, organisation, gouvernance