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Patrice Poirier, SIGMA-RH :« Vers une expérience profonde d’usages de l’IA »

Par Philippe Guerrier | Le | Sirh saas

De passage à Paris, Patrice Poirier, CEO et fondateur de SIGMA-RH qui vit à Montréal, évoque le développement de son logiciel SIRH à l’ère de l’IA générative, et aborde son parcours de pionnier dans la HR Tech.

Entretien avec Patrice Poirier, CEO et fondateur de SIGMA-RH, sur RH Matin - © D.R.
Entretien avec Patrice Poirier, CEO et fondateur de SIGMA-RH, sur RH Matin - © D.R.

Comment SIGMA-RH perçoit-il l’essor de l’IA dans les solutions RH ?

Dès 2019, SIGMA-RH a développé un modèle d’IA prédictif pour anticiper les départs des collaborateurs, en partenariat avec une firme à Montréal. Nous avons élaboré un POC avec certains résultats intéressants, mais incomplets. Il aurait fallu affiner l’approche en termes de pertinence des résultats d’analyses.

À l’époque, nous avions ressenti une certaine résistance des DRH vis-à-vis de l’adoption des modèles d’IA appliqués à l’aide à la prise de décision. Notamment pour des raisons de confidentialité des données, alors que nous travaillions à partir de données anonymisées de certains clients de confiance, avec leur accord.

Si ChatGPT existe depuis longtemps, son usage en entreprise est plus récent. Il remonte à deux ans. Ce LLM a permis une certaine démocratisation de l’exploitation de l’IA dans le monde professionnel, y compris dans la gestion RH, par exemple pour analyser les contrats de travail.

Dans l’effervescence actuelle autour de l’IA, comment SIGMA-RH avance-t-il de son côté ?

Les éditeurs de solutions RH explorent l’IA en fixant des échéances de mise à disposition, mais il manque toujours une véritable démarche d’intégration profonde dans le cœur de leurs solutions.

Tous les acteurs du numérique font des annonces dans ce sens, mais nous avons du mal à voir des choses concrètes. Y compris chez les plus grands, comme Microsoft avec Copilot, qui progresse pour intégrer les fonctionnalités de son assistant IA dans l’interface utilisateur de ses solutions phares comme Word, Excel ou Outlook.

Chez SIGMA-RH, nous commençons aussi à intégrer l’IA dans l’UI de nos propres solutions. Cela fait l’objet d’une refonte complète.

Avec la prochaine version de notre plateforme SIRH, qui sortira en janvier 2025, nous proposerons à nos utilisateurs une expérience d’usages de l’IA plus profonde.

Nous allons présenter ces nouveautés à nos clients français lors d’un événement à Paris le 15 octobre prochain

D’abord, nous voulons sécuriser les parcours et rassurer nos clients sur la question du traitement des données RH. Nous sommes en train de documenter tout cela.

L’objectif est d’accélérer le travail de l’utilisateur en interagissant avec l’IA. Le package technologique et commercial sera finalisé dans les prochains mois pour faire partie de la première vague d’éditeurs vraiment prêts.

  • Nos clients actuels auront la possibilité de choisir les fonctionnalités IA en option.
  • Pour les nouveaux clients en 2025, nous proposerons par défaut la nouvelle solution Sigma-RH avec intégration de l’IA. À ce titre, nous allons aboutir à une nouvelle tarification de nos solutions.

Comment avez-vous constitué votre propre pôle IA ?

En 2022, nous avons acquis Horasphere, éditeur de la solution de gestion des temps Timesphere, pour l’intégrer à notre plateforme SIRH. Son équipe intégrait des experts en IA et nous l’avons complétée avec des développeurs.

Cela reste une petite équipe dynamique qui travaille pour SIGMA-RH sur des LLM existants comme ceux développés par Mistral AI, Microsoft (avec l’appui de ChatGP d’OpenAI) ou Gemini de Google.

Dans notre modèle économique, 50 % de nos revenus sont réinvestis dans la R&D et le développement de nos solutions.

Quelle est l’importance du marché français dans l’activité globale de SIGMA-RH ?

  • La création de la société à Montréal remonte à 1992. Nous sommes présents en France depuis 2004.

  • Si le Canada demeure notre plus grand marché, je considère la France comme le principal marché de croissance. La priorité est donnée à son développement.
    • Nous réalisons 40 % de notre CA en France et disposons de 20 salariés pour couvrir le marché français (sur un effectif global de 160 personnes).
    • L’effectif de notre nouveau bureau à Paris, en cours d’aménagement, devrait doubler, avec un service d’une dizaine de commerciaux opérationnels d’ici à mi-2025.

  • Nous assurons la distribution directe de nos solutions. SIGMA-RH dispose d’une soixantaine d’organisations clientes en France. Notre objectif est de doubler cette base d’ici à fin 2025.

SIGMA-RH a émergé dans les années 1990. Comment avez-vous vécu la bascule de votre solution dans le cloud ?

Le passage de notre solution dans le cloud dès 2008 - on disait « mode ASP » à l’époque - a été déterminant.

Nous avions acheté nos propres serveurs avec des entrepôts de données à Paris et à Montréal. Depuis, presque tous nos clients ont basculé dans le cloud. Fort de notre partenariat avec Microsoft, nous représentons l’un des fournisseurs de solutions SaaS les plus importants.

Avec le recul, notre vision SIRH était la bonne, avec la fédération des services RH (recrutement, entretien, formation, rémunération…) sur une seule plateforme.

Encore aujourd’hui, je suis étonné de constater que l’approche best of breed demeure importante en France. Cet ensemble de solutions segmentées (ATS, LMS…) est en cours de consolidation pour s’intégrer à l’écosystème SIRH. Cette dimension best of breed a disparu sur le continent américain depuis longtemps.

Percevez-vous des décalages de pratiques RH entre le continent américain et la France ?

Je dirais que c’est différent.

  • Côté américain, les DRH sont plus proches du business et de la direction, au nom de la performance globale.

  • Les DRH en France sont davantage orientés collaborateurs et suivi des parcours professionnels. Ils aiment beaucoup la dimension de la gestion des talents, sans nécessairement prendre conscience de l’importance de l’intégration de l’ensemble des données RH pour mieux communiquer dans l’entreprise.

SIGMA-RH fait preuve d’une longévité importante en tant qu’éditeur indépendant. Comment l’expliquez-vous ?

J’ai toujours conservé la vision SIRH en évitant les effets de mode pour accompagner les clients sur le long terme et favoriser leur satisfaction.

Naturellement, je reçois chaque jour des sollicitations de la part des fonds d’investissement en vue d’un éventuel rachat de SIGMA-RH. Mais je détiens toujours 100 % du capital de l’entreprise et l’aventure n’est pas finie.

D’un point de vue management, vous disposez aussi d’une longévité rare en tant que CEO…

Mes débuts dans ce qui allait devenir SIGMA-RH ont commencé pendant mon stage de fin d’études au Québec, et j’ai eu l’occasion de fonder cette société. À l’origine, nous étions spécialisés dans le développement de logiciels de gestion de la santé et sécurité au travail.

À l’époque, je n’envisageais pas de travailler dans l’informatique, me voyant plutôt dans les ressources humaines. Avec SIGMA-RH, j’ai mixé les deux mondes.

Aujourd’hui, j’ai 55 ans et je suis toujours aussi passionné par les nouvelles technologies. Quand j’ai vu l’IA arriver, mes yeux ont de nouveau brillé.

Investissez-vous dans d’autres start-up dans la HR Tech ?

Je n’ai pas le temps de regarder des dossiers. Je me consacre à 100 % sur SIGMA-RH. Mais je ne ferme pas la porte à ce type d’investissement à moyen terme.

(Interview réalisée le 17/09/2024)

Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines, #SIRH ou Système d'Information des Ressources Humaines, #ATS ou Applicant Tracking System, #LMS ou Learning Management System