Bien-être au travail en France : pourquoi la situation s’améliore selon l’IBET 2022
Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail
Mozart Consulting a érigé l’IBET qui permet d’identifier et de mesurer les effets du désengagement des salariés. En 2022, la moyenne de l’IBET est en hausse sur fond de crise Covid-19. La méthode et les résultats sectoriels sont décortiqués par le fondateur Victor Waknine.
Comment réellement évaluer le bien-être au travail au-delà des outils déclaratifs de type baromètres et palmarès dans le domaine RH ?
Mozart Consulting, du nom d’un cabinet de consulting rattaché à TERRITORIA Mutuelle (filiale d’AESIO Mutuelle), a établi un indice (IBET, acronyme d’Indice de Bien-Etre au Travail) et un outil de mesure en (IBETSCORE) en exploitant des données publiques et privées (voir la méthode en bas de l’article).
Par définition, l’IBET permet d’évaluer l’engagement réciproque des parties prenantes (salariés, managers) et de fournir des indicateurs préalables à la mise en place d’actions d’accompagnement dédiés au projet de Santé, Qualité de Vie et Conditions de Travail (SQVCT).
« C’est un outil d’aide à la décision pour une amélioration en continu de la performance sociale qui a un impact sur la productivité économique. C’est comme un Nutri-Score mais il sert de marqueur de la qualité managériale et de l’organisation », indique Victor Waknine, fondateur associé de Mozart Consulting, qui explicite la démarche.
IBETSCORE : entre goodwill et badwill social
• En vert : « Entre 0,85 et 1, c’est du goodwill social. On fabrique une survaleur sociale de performance. Le compte d’exploitation n’est pas dégradé par les départs et les arrêts de travail.
• En rouge : « En dessous-de 0,85, on bascule en badwill social, signe de démotivation des équipes. »
« Nous publions un IBET national sur toutes les branches sectorielles. Après, c’est le déploiement de la méthode dans chaque entreprise qui est la valeur ajoutée de la démarche pour parvenir à un engagement réciproque manager-collaborateur que l’on appelle transition managériale au nom d’une nouvelle culture du management responsable. L’engagement du capital humain, s’il n’est pas réciproque, il n’a pas de valeur », précise Victor Waknine.
IBETSCORE 2022 : amélioration des indicateurs globaux
• Pour 2022, l’IBET Global (moyenne nationale) est évalué à 0,81 (soit un niveau qualifié de « contraint »), en hausse par rapport au niveau de 0,78 évalué en 2021 (niveau qualité de « désengagement »).
• Le coût moyen annuel du désengagement en SQVCT est évalué à 10 070 € en 2022 (-13,6 % par rapport à 2021).
« Pour l’étude 2022 réalisée à partir des donnée 2020, la moyenne nationale de l’IBET est en hausse car la situation en matière de QVT s’améliore en 2020 avec la crise Covid-19 qui correspond à une période de gel avec moins d’arrêts de travail et de sorties d’entreprise (hors licenciements économiques) », déclare Victor Waknine.
IBET 2022 : vues macro-économiques
Secteurs | IBET 2022 | IBET 2021 | Evolution |
Filières industrielles | 0,86 (niveau d’engagement B : « Bien-être au travail ») | 0,89 (niveau d’engagement B : « Bien-être au travail ») | + 3 points |
Services | 0,78 (niveau D : « Désengagement ») | 0,80 (niveau C : « Contraint ») | - 2 points |
BTP | 0,78 (niveau D : « Désengagement ») | 0,74 (niveau E : « Epuisement ») | + 4 points |
Ensemble | 0,81 (Niveau C : « Contraignant ») | 0,78 (niveau D : « Désengagement ») | + 3 points |
Selon l’analyse de Victor Waknine :
- « Depuis 2011 (année de création de l’IBET), il existe une constante : la filière industrielle a toujours le meilleur indice. L’engagement est meilleur en raison d’un volume moindre de sorties d’entreprise et d’arrêts du travail. Et il existe une identification plus concrète du produit à fabriquer, ce qui génère un sentiment d’utilité, de fierté et de collectifs très fort.
- L’engagement est plus élevé que le secteur des services (correspondant au tertiaire), intégrant ceux pour l’entreprise avec un IBET qui s’est amélioré par rapport aux services à la personne qui dispose d’un IBET dégradé. Pour le dernier cas, les emplois sont souvent peu qualifiés avec une forte rotation, des salaires bas et peu de reconnaissance malgré un fort sentiment d’utilité.
- Le BTP n’est pas très bon car la sinistralité et la rotation de personnel sont importantes. C’est un grand classique. »
Zooms par secteur secondaire
Secteurs secondaires | IBET 2022 | IBET 2021 | Evolution |
Services aux entreprises | 0,91 (niveau A : « Adhésion ») | 0,8 (niveau C : « Contraint ») | + 11 points |
Plasturgie | 0,88 (niveau B : « Bien-être au travail ») | 0,89 (niveau B : « Bien-être au travail ») | + 1 point |
Actions médico-sociales | 0,87 (niveau B : « Bien-être au travail ») | 0,69 (niveau E : « Epuisement ») | + 18 points |
Chimie, pharmacie | 0,86 (niveau B : « Bien-être au travail ») | 0,89 (niveau B : « Bien-être au travail ») | - 3 points |
Métallurgie | 0,84 (niveau C : « Contraint ») | 0,89 (niveau B : « Bien-être au travail ») | - 5 points |
Secteur numérique | 0,83 (niveau C : « Contraint ») | 0,82 (niveau C : « Contraint ») | + 1 point |
Environnement, énergie | 0,83 (niveau C : « Contraint ») | 0,86 (niveau B : « Bien-être au travail ») | + 3 points |
Enseignement privé | 0,8 (niveau C : « Contraint ») | 0,71 (niveau E : « Epuisement ») | + 9 points |
ESS | 0,8 (niveau C : « Contraint ») | 0,72 (niveau E : « Epuisement ») | + 8 points |
Banques, assurances | 0,8 (niveau C : « Contraint ») | 0,82 (niveau C : « Contraint ») | + 2 points |
Commerce non alimentaire | 0,79 (niveau D : « Désengagement ») | 0,76 (niveau D : « Désengagement ») | + 3 points |
Communications et médias | 0,79 (niveau D : « Désengagement ») | 0,83 (niveau C : « Contraint ») | - 4 points |
Transports | 0,69 (niveau E : « Epuisement ») | 0,71 (niveau E : « Epuisement ») | - 2 points |
Filières alimentaires | 0,64 (niveau E : « Epuisement ») | 0,85 (niveau B : « Bien-être au travail ») | - 21 points |
Bureaux d’études et Syntec | 0,64 (niveau E : « Epuisement ») | 0,83 (niveau C : « Contraint ») | - 19 points |
Forte progression pour l’ESS
« La progression du domaine ESS (+8 points), qui couvre à la fois le médico-social et l’enseignement privé, s’explique par le contexte des données de l’année 2020 marquée par la Covid-19 : moins d’arrêt de travail et attentisme sur les sorties forcées des collaborateurs (c’est-à-dire les ruptures conventionnelles ou les licenciements non économiques) et le désengagement déclaré des collaborateurs vis-à-vis de l’entreprise (mobilité, démissions, sorties en période d’essai) », déclare Victor Waknine.
Forte dégradation pour 3 secteurs secondaires
- « Filière alimentaire (-21 points) : Nous assistons à une explosion des sorties forcées et du désengagement déclaré des collaborateurs qui est encore plus marqué. On part pour un meilleur salaire ou, pour en premier lieu, faire autre chose en raison d’une quête de sens (si l’on travaille dans l’alimentation animale non éthique, par exemple). De toute façon, nous sommes dans un secteur qui paie proche du seuil du SMIC, qui nécessite des niveaux de compétences faibles. Le travail est réalisé à la sueur de son front avec du temps posté ;
- Bureaux d’études & Syntec (-19 points) : Une fois de plus, nous voyons que la crise COVID-19 de 2020 impacte différemment les secteurs. La dégradation provient ici essentiellement de la non-disponibilité (arrêt de travail) et du désengagement. On assiste à une explosion des arrêts de travail longs et à une recherche de meilleurs emplois car ce secteur se singularise par une forte demande de compétences techniques et, par conséquent, par peu de difficultés à trouver un autre job ;
- Métallurgie (-5 points) : On baisse d’un niveau surtout via les sorties forcées et le désengagement déclaré des collaborateurs. Car nous avons assisté à un risque de production sur les filières industrielles et, donc, à un appel de salariés du secteur, par le biais des salaires, à du débauchage », déclare Victor Waknine.
Méthode étude IBET 2022
• Données publiques et privées de 2020,
• Observatoire IBET de 55 millions de data sociales anonymes,
• Sources nationales 2020 DARES et CNAMTS,
• Données CAC 40 (sociétés cotées qui permettent de récupérer des données extra-financières),