Télétravail & inspection du travail : le contrôle et le pouvoir de sanction renforcés
Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail
Pour mieux protéger les salariés face au risque Covid, l’inspection du travail et les DREETS pourront infliger une amende administrative en cas de manquements constatés lors des contrôles en entreprise. Voici le cadre esquissé par la loi.
Comment va se comporter l’inspection du travail pour s’assurer d’un retour d’un rythme hebdomadaire intensif de télétravail ?
Avec la transition 2021-2022 sur fond de résurgence épidémique Covid-19 (variants Delta et Omicron), le gouvernement cherche des leviers pour accentuer la pression sur les entreprises réfractaires à la pratique du travail à distance.
Le gouvernement en appelle au « pragmatisme ».
« La très grande majorité des entreprises joue le jeu. Il est normal que les rares entreprises qui ne jouent pas le jeu puissent être sanctionnées de façon rapide. Plutôt que d’avoir une procédure pénale qui prend du temps et qui n’est pas dissuasive, il faut avoir une sanction administrative qui soit plus rapide et dissuasive », a déclaré Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, sur Franceinfo le 4 janvier 2022.
« J’ai demandé à l’inspection du travail de renforcer les contrôles. Ils passeront de 1000 à 5000 contrôles par mois. Ce sera ciblé sur les contrôles liés aux règles Covid et limité dans le temps. »
« Je suis très consciente qu’en mettant de nouvelles obligations sur le télétravail, nous demandons un effort important aux entreprises et aux salariés », poursuit-elle. « Je sais qu’il y a des salariés qui n’en peuvent plus du télétravail, donc il faut aussi prendre en compte ces situations. »
Pour saisir les contours du nouveau dispositif, les entreprises pourront sur s’appuyer la nouvelle version du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie réactualisée le 30 décembre 2021.
« Dans le protocole, nous avons voulu définir une règle claire. Mais je vais donner l’instruction aux inspecteurs du travail d’accepter, que dans une entreprise, certains puissent en faire un peu moins et d’autres un peu plus [NDLR : trois jours de télétravail par semaine]. L’objectif est donc une moyenne par entreprise afin de faire baisser la présence sur site. »
Amende administrative : un levier de pression supplémentaire sur les entreprises
Pour renforcer la pression sur les entreprises récalcitrantes à respecter les nouvelles règles (respect des gestes barrières, règles de télétravail), le gouvernement a poussé un amendement dans le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire.
Le texte a été adopté par les députés le 6 janvier 2022 et sera examiné au Sénat à partir du 10 janvier. Il prévoit la mise en place d’une amende administrative pour les entreprises en cas de manquement aux règles de santé et de sécurité dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.
Concrètement, il sera possible d’infliger un montant maximal de l’amende de 1000 euros appliqué autant de fois qu’il y a de salariés concernés par le manquement aux règles de santé et de sécurité.
- Le montant total de l’amende ne pourra être supérieur à 50 000 euros ;
- Il existe une possibilité de recours contre la décision dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision ;
- Le recours sera suspensif ;
- Le silence gardé pendant plus deux mois sur ce recours vaudra décision d’acceptation.
- Ces dispositions pourront être appliquées jusqu’à une date déterminée par décret et au plus tard le 31/07/2022.
Dans une interview accordée aux Echos le 3 janvier 2022, Élisabeth Borne regrettait le manque de réactivité face aux abus constatés en entreprise et justifiait l’instauration de cette amende administrative à percevoir comme une procédure jugée plus rapide que le circuit normal.
« Quand l’inspection du travail constate une protection insuffisante des salariés face au risque Covid, son premier objectif est d’accompagner la mise en oeuvre du protocole sanitaire. Non-respect des règles de distanciation, du port du masque, recours insuffisant au télétravail… si l’employeur ne corrige pas les manquements identifiés, elle lui adresse une lettre d’observations. S’il ne réagit toujours pas, elle le met en demeure et s’il ne le fait toujours pas, on part en procédure pénale, ce qui est extrêmement lourd et peut durer jusqu’à plusieurs années. »
Des situations à risques « limitées » mais à ne pas négliger
Dans l’amendement numéro 680 poussé par le gouvernement lors du débat à l’Assemblée nationale, les processus de mise en conformité et régularisation d’une part et de sanction de l’autre est expliquée :
- Lorsqu’un agent de contrôle de l’inspection du travail constate une situation dangereuse résultant d’une exposition au risque COVID du fait du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques et que les seules observations de l’agent de contrôle n’ont pas permis de faire évoluer positivement le niveau de protection des travailleurs, le DREETS peut notifier à l’employeur une mise en demeure de mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires. Il fixe alors un délai au terme duquel l’agent de contrôle vérifie la régularisation de la situation.
- En l’absence de régularisation, le présent amendement donne la possibilité pour le DREETS de notifier une amende administrative en lieu et place de l’engagement de poursuites pénales permettant ainsi de sanctionner de façon plus efficace et surtout plus rapide, les employeurs les plus récalcitrants. Il peut ainsi prononcer une amende administrative d’un montant maximal de 1000 euros par salarié concerné, plafonné à 50 000 euros.
- Cette amende est modulée selon le comportement de l’employeur, ses ressources et ses charges, les circonstances et la gravité du manquement. Pour remettre dans le contexte de cette mesure de contrôle resserré, le gouvernement cherche surtout une riposte face aux abus les plus criants.
« La grande majorité des entreprises mettent en œuvre de manière efficace les moyens de lutte contre la contamination par le virus Covid-19 », indique le gouvernement dans l’exposé sommaire de l’amendement.
« Il a, en effet, été estimé que, sur plus de 500 mises en demeure notifiées par les DIRECCTE puis les DREETS depuis mars 2020, plus de 90 % ont été suivies d’effet. Les situations visées par cet amendement restent donc limitées à une minorité de cas pour lesquels les services de l’Etat doivent disposer de moyens d’actions adaptés pour faire cesser le risque. »
« Ce régime de sanction adapté et applicable de façon exceptionnelle permet une réponse rapide en cas de non-exécution de la mise en demeure et revêt donc un caractère plus dissuasif », est-il précisé. « Un décret permettra de circonscrire sa durée aux périodes de forte intensité épidémique et il prendra fin au plus tard le 31 juillet 2022. »