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Reconfinement : ce 100 % télétravail qui laisse des employeurs perplexes

Le | Bien-être au travail

Considérer le télétravail à grande échelle comme une « obligation » en période de résurgence de la pandémie Covid-19 est perçu différemment en fonction des entreprises. Tour d’horizon sous le contrôle du gouvernement.

E. Borne, ministre du Travail en visite en entreprise, pour jauger l’application du 100 % télétravail - © D.R.
E. Borne, ministre du Travail en visite en entreprise, pour jauger l’application du 100 % télétravail - © D.R.

C’est inscrit dans le protocole national réactualisé avec le confinement pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise : le télétravail n’est pas une « option », mais une « obligation ». Dans le sens où « le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ».

Malgré la résurgence de la pandémie, des entreprises expriment des réticences à suivre scrupuleusement cette consigne du 100 % télétravail. Elles peuvent privilégier une approche d’organisation du travail hybride (entre présentiel et distanciel) voire éluder la dimension télétravail.

Les pratiques observées varient considérablement en fonction des entreprises, des organismes entre secteurs privé et public, des prises de conscience du risque Covid-19 et du degré d’évangélisation du travail à distance.

Mais le gouvernement affiche une position de fermeté vis-à-vis du protocole rafraîchi. Il y aura des inspections de contrôle voire des « sanctions » en cas de manquements avérés de la part des entreprises. 

Télétravail : tours d’entreprises

Le 6 novembre, Elisabeth Borne, ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, a visité les sièges parisiens de groupes comme BNP Paribas, Engie et Total. L’occasion d’insister sur le caractère « indispensable » du télétravail pour les activités qui le permettent, au vu de l’épidémie « très brutale » de Covid-19.

« Pour toutes les activités qui le permettent, le télétravail est une obligation. Si 100 % des tâches peuvent être faites à distance alors le salarié doit télétravailler 5 jours / 5 », souligne la ministre. Tout en reconnaissant certaines limites dans l’exercice du télétravail comme dans le secteur du BTP par exemple.

 

Aujourd’hui (9 novembre), c’est au tour de Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail, qui devrait cet après-midi se rendre au siège d’Axa France à la Défense pour évoquer le thème de « la réorganisation des modes de travail dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19 et du recours au télétravail ».

Les recommandations sont appliquées, selon l’ANDRH

Au nom du MEDEF, le président Geoffroy Roux de Bézieux déclare se plier aux consignes gouvernementales en fixant des limites dans un entretien accordé au Journal Du Net le 3 novembre. « Cette situation de travail à domicile est légitime dans le cadre de la pandémie (…) Mais ce n’est pas toujours simple car certaines personnes ont besoin de venir sur leur lieu de travail de temps en temps. Bien sûr, le MEDEF est favorable au développement du télétravail. Mais il faut comprendre que nous ne sommes pas dans un cadre de télétravail normal, mais de travail à domicile (…) On ne choisit pas le travail à domicile, le télétravail si. »

Du côté de l’ANDRH (un cercle de professionnels RH d’entreprises et d’organisations) interviewée le 6 novembre par News Tank RH, la nouvelle présidente Audrey Richard estime que « dans le contexte sanitaire actuel, les DRH nous font remonter qu’ils appliquent en majorité les recommandations ».

« Mais comme l’effet du confinement de mars 2020 a pu créer sur certaines personnes des difficultés personnelles liées à l’isolement, au manque d’autonomie d’où l’absence de pauses, la sédentarité, une mauvaise hygiène alimentaire, ils les autorisent à venir sur site de façon exceptionnelle. Nous laissons une porte ouverte aux collaborateurs qui éprouvent des difficultés à travailler depuis leur domicile. »

Des applications multi-facettes du télétravail

Notre partenaire média News Tank RH a illustré ce sujet sous d’autres configurations.

  • Total privilégie « le télétravail cinq jours par semaine pour l’ensemble des activités qui le permettent, tout en prévoyant la possibilité pour les salariés de travailler sur site jusqu’à deux jours par semaine pour la réalisation des activités qui ne peuvent pas être réalisées en télétravail », évoque la direction du groupe pétrolier dans une note interne envoyée aux salariés. Une polémique en son sein avait commencé à émerger à propos de l’interprétation des consignes gouvernementales. La note interne précise que si le manager considère que certaines personnes peuvent accomplir 100 % de l’activité en télétravail, les collaborateurs n’ont donc pas à venir sur site. Le recours aux horaires flexibles est aussi recommandé afin d’éviter les heures de pointe et les pics de fréquentation dans les transports en commun. « Comme il n’y a pas de contraintes légales au respect du protocole, l’employeur peut dire que certains métiers nécessitent de venir sur site », considère Geoffrey Caillon, délégué syndical central CFDT chez Total.
  • Du côté de Toyota France, la mise en place d’un accord sur le télétravail a été demandée sur fond de reconfinement. « La direction nous a répondu qu’elle n’était pas prête et que seules les personnes vulnérables, qui en font la demande, pourront bénéficier du télétravail, après validation du manager », déclare Olivier Branbant, secrétaire de section syndicale CFTC au sein de Toyota France (4500 collaborateurs). « Pour Toyota, comme il n’y a pas eu de décret sur le télétravail, il n’y a pas d’obligation à pratiquer ce dispositif. Mais le dialogue n’est pas fermé (…)Le basculement des personnes vulnérables en télétravail [ndlr : 45 personnes] est déjà une bonne étape. »
  • Frédéric Guyonnet, président du syndicat SNB CFE-CGC, observe les pratiques dans le secteur bancaire. « De grosses différences sont constatées entre le confinement de mars 2020 et le deuxième confinement (…) Aujourd’hui très peu de personnes sont en télétravail », commente-t-il.
    « En se cachant derrière notre classification d’opérateur d’importance vitale [OIV, qui permet de déterminer les activités essentielles au fonctionnement de la Nation], nous sommes bloqués entre le fait d’assurer un service sans faille aux clients afin de sauvegarder l’économie française et la protection des salariés du secteur par un strict respect du protocole sanitaire. »

Rappelons que, parallèlement, une négociation nationale interprofessionnelle sur le télétravail a démarré entre les chambres patronales et les syndicats des employés. Les conclusions sont attendues le 23 novembre.

Article réalisé avec l’appui de News Tank RH. Retrouvez-y toute l’actualité des relations sociales, de la formation professionnelle, des technologies RH et du talent management (accessible par abonnement).