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Nicolas Fayon, Jump : « Au-delà des freelancers, nous allons toucher les travailleurs indépendants »

Par Philippe Guerrier | Le | Motivation & engagement

Jump, qui propose des offres d’avantages sociaux aux travailleurs indépendants, a levé 11 millions d’euros. Nicolas Fayon, CEO de Jump, explique ses projets dans « un marché du travail aux contours redéfinis ».

Nicolas Fayon, CEO et cofondateur de Jump - © D.R.
Nicolas Fayon, CEO et cofondateur de Jump - © D.R.

Jump rebondit avec une deuxième levée de fonds de 11 millions d’euros annoncée le 23 septembre 2024 (mais le closing remonte à juin 2024).

Le financement a été assuré auprès de 3 fonds de capital-risque : Breega, Index Ventures et Raise Ventures.

Depuis sa création en 2021, la start-up française propose aux travailleurs indépendants une offre d’avantages sociaux proches de ceux des salariés.

Nicolas Fayon, CEO et cofondateur de Jump, explique le contexte de développement visant à redynamiser le concept de portage salarial et les prochaines étapes opérationnelles d’expansion.

Quels sont les principaux développements prévus par Jump avec cette levée de fonds ?

Depuis sa création en 2021, Jump a vocation à faciliter le travail en indépendant, en s’alignant sur les avantages sociaux des salariés. Nous avons deux axes de croissance :

  • l’extension en France avec de nouvelles offres digitales Jump associées à des segments verticaux.
    • Nous élaborons une offre pour couvrir les professionnels de l’immobilier (négociateurs, mandataires…) qui sortira d’ici quelques semaines. Nous regarderons aussi d’autres segments comme le paramédical ou le commerce.
    • Nous avions lancé une offre spéciale pour les chauffeurs VTC en octobre 2022. Elle avait bien démarré. Des chauffeurs roulent toujours à nos couleurs, mais nous avons fermé l’offre courant 2023 pour deux raisons :
      • les technologies des plateformes partenaires ne sont pas à la hauteur pour gérer de la paie sans erreur et au centime près ;
      • les chauffeurs encaissent beaucoup de cash. C’est devenu ingérable.
  • le lancement de Jump au Royaume-Uni. Nous adopterons une stratégie de capture d’un marché déjà mature.

À l’origine, nous avons ciblé le segment des freelancers (un million de personnes en France). Nous nous ouvrons progressivement au marché plus large des travailleurs indépendants, incluant les cols blancs et les cols gris (4,2 millions de personnes), qui ne bénéficient pas ou peu de protection sociale.

Les contours du marché du travail sont vraiment en cours de redéfinition profonde. Nous nous adressons aussi à la génération Y qui se lance dans le freelancing sans avoir pensé au portage salarial ou à la génération Z arrivant sur le marché du travail et aspirant fortement à une indépendance professionnelle.

Les jeunes actifs cherchent de la souplesse et fuient la verticalité du management et le manque de sens en entreprise.

Trois ans après son lancement, Jump dispose de 2000 salariés portés pour un volume d’affaires annualisé de 150 millions d’euros. Comment expliquez-vous la progression lente de votre activité par rapport au potentiel de marché ?

Nous regardons la situation sous un autre angle. Nous sommes devenus le leader du portage salarial au sens large en France avec un marché profond et un potentiel énorme de croissance et de monétisation. D’où l’opportunité de réaliser cette importante levée de fonds avec l’appui d’un pool d’investisseurs conséquent.

Nous avons démocratisé le concept de portage salarial, en particulier en s’appuyant sur notre structure de coopérative récemment ouverte. À travers elle, nous embarquons la moitié des salariés portés inscrits chez Jump.

La majorité des travailleurs arrive chez nous avec le statut de micro-entrepreneur, qui est bon pour tester des nouvelles idées de business. Nous avons aussi beaucoup de profils de freelancer qui n’avaient pas pensé auparavant au concept de portage salarial.

Pour accompagner ces profils de travailleurs en solo, nous avons mis en place une simulation de portage salarial qui permet de calculer son salaire en portage, de comparer les sociétés de portage salarial entre elles et même de générer une lettre de démission d’une autre structure de portage salarial pour rejoindre Jump.

Notre offre freemium Jump Open, sortie en mai 2024, traduit aussi une évolution de notre positionnement initial.

  • Nous fournissons gratuitement tous les outils au travailleur indépendant qui démarre pour contractualiser, facturer et encaisser.
  • Nous offrons l’ouverture d’un compte bancaire professionnel avec une carte pro Mastercard virtuelle.

L’objectif est de couvrir le plus largement possible le marché. Lorsque les membres sont convaincus par notre service, nous les incitons à adopter nos offres premium dans le sens de la fidélisation.

Nous recensons actuellement entre 100 et 150 nouvelles inscriptions par jour de personnes qui participent aux rendez-vous de groupe pour en savoir plus sur notre offre.

Comment utilisez-vous l’IA dans votre organisation interne ?

Nous utilisons l’IA au quotidien. Cela nous permet de réaliser des gains de productivité et d’améliorer la qualité de notre service :

  • catégorisation des frais professionnelles avec l’appui de Dust ;
  • la détection d’erreurs et de fraudes ;
  • l’exploitation d’une base de connaissance universelle à travers une API de ChatGPT d’OpenAI pour aider nos équipes sales, CSM et Ops à avoir des réponses rapides à leurs questions.

Dans quelle configuration allez-vous démarrer vos activités au Royaume-Uni ?

C’est un pays d’accélération commerciale sur un marché déjà mature. Je serai sur place la moitié du temps pour gérer les activités depuis un bureau à Londres, avec une équipe de trois personnes.

Nous verrons plus tard pour les prochaines étapes d’expansion géographique : Europe du Nord, Espagne, Italie… Les options restent ouvertes.

Comment voyez-vous l’évolution de la concurrence ?

La concurrence est derrière nous d’un point de vue technologique, de business et de notoriété. Certes, les sociétés de portage salarial existent toujours. D’ailleurs, c’est l’un des deux statuts que nous utilisons.

Le marché est en voie de consolidation car la plupart des acteurs sont en difficulté. Même si les plus importants tiennent la route.

Il existe des alternatives quand on a monté une micro-entreprise ou une SASU. Des acteurs positionnés sur ce segment peuvent devenir des concurrents dans une certaine mesure, comme Indy.